Mercredi 8 février, la nouvelle campagne de la Sécurité routière sera disponible sur vos écrans. Une sensibilisation qui vise les hommes, principalement responsables des accidents mortels sur les routes, à cause de comportements virils.
Huit morts sur dix des accidents de la route sont des hommes. Ce sont les chiffres sortis du dernier bilan de la Sécurité Routière sur l'année 2022 et sur lesquels l'organisme s'est appuyé pour créer sa nouvelle campagne de sensibilisation qui sortira mercredi 8 février sur vos écrans. Pour la première fois, l'organisme rattaché au ministère de l'Intérieur interpelle nommément les hommes au sujet de leurs comportements délétères sur la route. « Soyez l'homme que vous voulez être, mais soyez un homme vivant », c'est le nouveau slogan de la Sécurité routière, derrière lequel sont dénoncés les comportements virils : excès de vitesse, conduite sous emprise d'alcool ou de stupéfiants, prise de risques.
En s'appuyant sur ce chiffre clé et d'autres, comme le fait que 93% des conducteur·rices alcoolisé·es impliqué·es dans un accident sont des hommes, la Sécurité routière pointe le rapport des hommes à la conduite dans sa nouvelle campagne. « La route reste un domaine encore très peu interrogé collectivement sur les ressorts de genre de ses usagers », explique l'organisme. La Sécurité routière espère avec cette nouvelle campagne que les 84% d'hommes présumés responsables des accidents mortels vont « prendre conscience qu’en voiture, moto, vélo et même à pied, à kilomètres parcourus équivalents, ils se tuent considérablement plus que les femmes ».
Les images mises en avant dans le film utilisé pour la campagne sont extraites d’un documentaire de Rémi Bezançon. On y voit les premiers instants entre un père et son fils en salle d’accouchement. Le texte du père qui défile tout au long du film tente de faire passer un message sur les attentes genrées de la société envers un homme. Il s’agit d’un moyen pour la Sécurité routière de pousser les hommes à « résister à la pression sociale, quand la sécurité de tous est en jeu ». On peut y lire et entendre des mots forts tels que : « T’as pas à suivre ce qu’attendent les gens d’un homme », « écris l’homme que tu veux être » ou encore « un homme sensible, un homme qui pleure, un homme qui sait avoir du cœur ».
Avec ce clip, la Sécurité routière entend amorcer une déconstruction des stéréotypes associés au genre. « Ces stéréotypes contribuent à perpétuer l'idée que l'homme, contrairement à la femme, aurait une forme d'aptitude naturelle pour la conduite, aboutissant ironiquement à transformer vitesse excessive, dépassement dangereux ou certitude de "tenir l'alcool" en signes d'une compétence toute masculine. Les statistiques rappellent qu'il n'en est rien », explique-t-elle sur la page internet de la campagne. L'organisme ose même la provocation en se demandant s'il ne faudrait pas « ajouter "masculinité" dans la liste des facteurs favorisant les accidents de la route » ?
"Le coût de la virilité"
Un questionnement sur le rôle que joue la virilité dans la conduite qui avait déjà été soulevé par Lucile Peytavin dans son livre Le coût de la virilité publié en 2021. Elle y constate que « nos sociétés modernes, pourtant capables d’analyser les actes citoyens à l’aune de critères tels que l’âge, le milieu social ou le niveau d’éducation, refusent inconsciemment la grille de lecture hommes/femmes concernant les violences », elle reprochait à la Sécurité routière de taire la dimension genrée des accidents. « En France, la Sécurité routière diffuse des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes sans jamais préciser que ce sont d’abord les hommes jeunes, puis les hommes de tous âges, qui sont responsables de la grande majorité des accidents de la route (à durée de conduite égale avec les femmes) ».
Mais surtout elle expliquait déjà bien le rôle que jouent les comportements virils dans les accidents de la route : « Les infractions de la route entraînant des accidents graves – dès l’enfance, la valorisation de la vitesse auprès des petits garçons joue un rôle déterminant –, la consommation de stupéfiants, les comportements sexuels à risque, etc., sont en majorité le fait des hommes. Ne pas respecter les lois est également un moyen de prouver sa virilité. »
L'autrice chiffrait déjà que 84 % des auteur·rices présumé·es d’accidents mortels étaient des hommes. Puis, elle calculait le coût que représente la virilité en matière de sécurité routière. Ce dernier s'élève à 7,5 milliards d'euros par an pour la mortalité, à 17,9 milliards d'euros par an pour les hospitalisations et à 5,8 milliards d'euros pour les dégâts matériels. Soit un coût total de la virilité estimé à 13,3 milliards d'euros par an concernant les dégâts humains et matériels, d'après son ouvrage. Si la Sécurité routière ne cite pas dans sa nouvelle campagne ni le livre ni l'autrice, le message semble pourtant avoir été entendu. Il faut « libérer les hommes des attentes sociales qui les incitent à associer virilité et prise de risque », selon l'organisme.
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