Féminiser les pupitres, dans un univers encore loin de la parité, telle est l’ambition du concours La Maestra, qui vient de couronner la cheffe d’orchestre israélienne Bar Avni pour sa troisième édition.
Au-delà du talent et du travail des lauréates, La Maestra “est là pour aider ces jeunes femmes, si elles le méritent bien sûr, à pouvoir sortir de l’ombre et avoir une chance de montrer ce qu’elles savent faire”, raconte Nathalie Stuztmann, directrice musicale de l’Atlanta Symphony Orchestra et présidente du jury, qui fait figure de pionnière dans la profession. Cette année, deux cents candidates venues de douze pays avaient été retenues pour passer les dernières épreuves de cette compétition, clôturée dimanche par la victoire de la cheffe d’orchestre Bar Avni, 34 ans, devant la Russe Liubov Nosova et l’Allemande Katharina Morin.
Pendant deux ans, La Maestra offre aux lauréates et demi-finalistes un programme d’accompagnement sur le plan international et sur mesure : des concerts, bien sûr, mais aussi des sessions de mentoring et de coaching, des masters classes, des rencontres professionnelles, des projets éducatifs… Bar Avni, qui avait remporté en 2018 le Prix de l’orchestre du Concours de direction d’orchestre Fiterlberg et vit désormais en Allemagne, y voit une aide afin de “savoir prendre les bonnes décisions, pour [s]’améliorer dans [sa] voie professionnelle”.
"Bastion des hommes"
“Je n’ai pas encore réalisé, mais je suis très heureuse et très honorée”, a confié la musicienne israélienne, actuellement à la tête de la Bayer Philharmoniker Leverkusen en Allemagne, après sa victoire à la Philharmonie de Paris. “Elle a une très bonne technique et a démontré maturité et savoir-faire dans l’exécution, dans la manière de communiquer ce qu’elle souhaitait obtenir à l’orchestre, a commenté Nathalie Stutzmann. De par sa confiance en elle, l’orchestre se sentait en sécurité.” Un avis partagé par Claire Gibault, cofondatrice et codirectrice de La Maestra et cheffe du Paris Mozart Orchestra, qui loue l’“expression corporelle formidable” de Bar Avni, sa “profondeur”, son “expérience” et son “rayonnement personnel dramatique”.
Cette mise en lumière particulière de cheffes d’orchestre est “hélas encore nécessaire pour réparer les retards” dans le chemin vers la parité, constate par ailleurs Nathalie Stuztmann, qui ajoute tout de même que “c’est en train de changer”. Le métier de chef·fe d’orchestre est “resté le bastion des hommes pendant extrêmement longtemps”, poursuit la Française, seule directrice musicale aux États-Unis, qui a “hâte d’arriver aux années où ce concours spécifique ne sera plus nécessaire”. Selon Claire Gibault, aujourd’hui, seulement “10 % de femmes sont programmées dans les orchestres permanents européens, contre 4 % en 2018. Ce n’est pas suffisant”, déplore-t-elle, soulignant qu’il faut “du temps pour que les femmes se sentent légitimes, accompagnées, reconnues”.
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