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Aïcha Limbada © Carole Lozano

L’historienne Aïcha Limbada rem­porte le prix Pierre Lafue pour son livre “La Nuit de noces”

L’historienne Aïcha Limbada vient de rem­por­ter le 48e prix de la fon­da­tion Pierre Lafue, qui récom­pense chaque année un ouvrage à por­tée his­to­rique. La lau­réate a été récom­pen­sée pour La Nuit de noces, pas­sion­nant ouvrage sur l’intimité conju­gale au XIXe siècle, qui avait rete­nu l’attention de Causette lors de sa sor­tie, en 2023. 

C’est un évé­ne­ment à la fois « banal et excep­tion­nel » qu'est venue explo­rer Aïcha Limbada, doc­teure en his­toire contem­po­raine et cher­cheuse spé­cia­liste de la famille et de la conju­ga­li­té : celui de la nuit de noces dans la France du XIXe siècle. À cette époque, où envi­ron 90 % de la popu­la­tion se marie au moins une fois dans sa vie – soit une « tren­taine de mil­lions de nuits de noces » entre les années 1800 et 1920 –, cette étape consti­tue alors « le "rite de pas­sage" par excel­lence ». Mais entre pudeur et morale, les réa­li­tés de ce moment fon­da­teur de la vie conju­gale, où les époux·ses sont censé·es consom­mer sexuel­le­ment leur union, sont long­temps res­tées dans le secret des chambres nuptiales.

S’appuyant sur une mul­ti­tude de sources (romans, cartes pos­tales, pièces de théâtre, manuels de vie conju­gale, comptes ren­dus médi­caux…), dont des archives excep­tion­nelles du Vatican encore jamais étu­diées en France, Aïcha Limbada s’attelle ici à retra­cer les pra­tiques, les normes et l’imaginaire qui entourent cette nuit sin­gu­lière. Laquelle appa­raît comme une épreuve « avant tout pour les femmes ». Car si les hommes doivent y faire montre de leur viri­li­té, leurs épouses, elles, sont tenues d’arriver vierges au mariage. Et si les pre­miers ont géné­ra­le­ment déjà eu des expé­riences sexuelles, les secondes ont été sciem­ment main­te­nues dans le flou le plus total sur ce qui les attend. « L’ignorance sexuelle fémi­nine à l’arrivée au mariage reste un fait social majeur qui redouble l’infériorité sociale et légale de l’épouse », sou­ligne l’autrice.

Dans ce jeu de dupes, dont le cadre « est en grande par­tie défi­ni par les hommes », les jeunes épouses ont bien peu de marge de manœuvre : ren­voyées à la figure péjo­ra­tive de l’« oie blanche » lorsqu’elles sont naïves et inex­pé­ri­men­tées, on les soup­çonne d’être per­ver­ties – voire folles – lorsqu’elles se montrent entre­pre­nantes. Et qu’elles le veuillent ou non, toutes doivent se sou­mettre à leur « devoir conju­gal » – quitte à som­brer dans ce qu’on appelle alors la « folie post-​nuptiale ». « La nuit de noces [est] carac­té­ri­sée par un ima­gi­naire de la vio­lence, voire du viol, que le mari fait subir à sa femme, au moins sym­bo­li­que­ment », résume Aïcha Limbada dans son pas­sion­nant ouvrage, le pre­mier à se pen­cher sur cette ques­tion. Un livre qui, en plon­geant dans un pas­sé qui n’est pas si loin­tain, vient éclai­rer de manière sai­sis­sante les normes, les doubles stan­dards et les reven­di­ca­tions qui tra­versent aujourd’hui nos sexualités.

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© DR

La Nuit de noces. Une his­toire de l’intimité conju­gale, d’Aïcha Limbada. La Découverte, 352 pages

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