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© Laura Arias

Après avoir été expo­sé pen­dant plus de vingt ans aux pes­ti­cides, un jar­di­nier muni­ci­pal indem­ni­sé de manière post­hume pour un lymphome

Jeudi, la ville de Meudon a été condamnée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Elle doit indemniser de manière posthume un jardinier municipal qui a travaillé plus de vingt ans en étant exposé à des pesticides qui ont causé sa mort.

Pendant plus de vingt ans, il a travaillé avec des pesticides sans protection. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné jeudi la ville de Meudon (Hauts-de-Seine) à indemniser de manière posthume Pascal G., jardinier municipal qui avait contracté un lymphome causé par son exposition professionnelle aux pesticides. Le montant de cette indemnisation "en réparation des préjudices subis" par le jardinier a été fixée à 95 200 euros, selon l'extrait de la décision. La commune de Meudon a également été condamnée à verser 28 931 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

"Je ne sais pas si on peut être vraiment satisfait par rapport à ses souffrances, à sa vie gâchée, mais j'espère que la décision fera jurisprudence", a réagi la sœur et ayant droit de Pascal G., Annabelle Prin-Cojan, très émue. La mairie de Meudon a déclaré que "le jugement n'avait pas été notifié à la Ville" jeudi en début de soirée et que la municipalité ne communiquerait "pas dans l'immédiat".

Après des années de souffrances, le jardinier paysagiste est décédé à 56 ans le 29 septembre 2021 du Covid-19, contracté en raison de son immunodépression, elle-même une conséquence de sa maladie professionnelle, comme le démontre une expertise médicale de 2023.

À partir de 1985, Pascal G. travaille en tant que jardinier polyvalent pour la ville de Meudon, municipalité plutôt cossue au sud-ouest de la capitale. Son travail l'expose "à des engrais, des herbicides, des fongicides, des insecticides (...) pendant un peu moins de 23 ans", notamment à du glyphosate, note une autre expertise médicale de 2016. Le glyphosate a été classé, en 2015, "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)."À aucun moment il n'a été averti des dangers de l'utilisation de ces produits ou formé à leur manipulation", déplore Annabelle Prin-Cojan. La descente aux enfers commence en novembre 2007, date à laquelle Pascal G. est hospitalisé. Deux mois plus tard, diagnostic : un cancer du système lymphatique à un stade très avancé. Placé dans un coma artificiel pendant plusieurs semaines, il est hospitalisé dans un état grave. Après des mois d'hôpital et de traitements, son état s'améliore et il reprend le travail à mi-temps. S'ouvre une longue bataille pour faire reconnaître le lien entre son travail et sa pathologie, ainsi que pour compenser les lourds préjudices subis.

"Politique de l'autruche"

En 2014, Pascal G. réalise une première expertise médicale et sollicite la mairie de Meudon. "Pendant deux ans, il ne se passe absolument rien", regrette Annabelle Prin-Cojan, qui dénonce une "politique de l'autruche". "Rien n'était fait pour une prise en charge rapide et satisfaisante de la maladie de Pascal G. et de ses conséquences", abonde Me François Lafforgue, avocat de la famille. En janvier 2017, la maladie contractée par Pascal G. est reconnue "imputable au service" par un arrêté municipal. En mars 2023, une expertise mandatée par le tribunal confirme que "le lien est établi" entre la maladie professionnelle et le décès de Pascal G. "C'était un énorme soulagement, ce sont des années de combat et de travail reconnues", se souvient Annabelle Prin-Cojan, qui regrette néanmoins que son frère "n'ait pas eu ce soulagement final". En août 2021, Pascal G. contracte le Covid malgré un schéma vaccinal complet. Il décèdera le 29 septembre, plongé dans le coma, sans avoir pu dire au revoir à sa famille.

Un autre jardinier avait obtenu gain de cause à Rennes dans une affaire similaire, le tribunal administratif de la ville ayant reconnu en mars 2023 un "lien direct" entre sa maladie et ses fonctions.

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Chez les agriculteur·rices, malgré cinq maladies professionnelles liées à l'utilisation de ces produits reconnues ces dernières années et un fonds d'indemnisation dédié, les travailleur·euses demandant réparation restent relativement rares. Selon sa directrice, en trois ans d'activité, le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) a procédé à "près de 1400 indemnisations" sur "un peu plus de 2000 demandes déposées". "Une petite partie de l'iceberg" au regard des 10 000 victimes potentielles estimées par trois inspections de l’État, missionnées en 2017 pour évaluer la pertinence de ce fonds.

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