L'association de défense du bien-être animal organise un happening ce mercredi devant le ministère de l'Agriculture pour dénoncer de probables dérogations en faveur des industriel·les dans l'interdiction du broyage et du gazage des poussins mâles, qui doit prendre effet au 1er janvier.
Une « trahison du gouvernement ». C'est ainsi que L214 dénonce, dans un communiqué de presse publié ce 7 décembre, d'éventuels aménagements de la loi censée interdire sur notre sol le broyage et le gazage des poussins mâles dès le 1er janvier 2023. En cause, une information parue dans le média spécialisé des professionnel.les de l'agroalimentaire Réussir, selon laquelle les représentants de la filière œufs ont indiqué au ministre de l'Agriculture Marc Fesneau que « l'échéance » serait tenue « moyennant un décret d'application » ouvrant la voie à de larges dérogations.
Pour comprendre la manœuvre, il faut rappeler que la loi anti-broyage ou gazage des poussins mâles (éliminés en masse au détriment des femelles appelées à devenir des poules pondeuses) repose sur la technique du sexage des œufs : ce procédé permet de savoir si l'œuf fécondé est un mâle ou une femelle et donc de détruire l'œuf mâle avant son éclosion. Or, les professionnel·les de la production de poules pondeuses voudraient pouvoir être exempté·es de sexage (et de l'investissement technique qui va avec) des poussins de la race de poules produisant des oeufs blancs, lesquels sont destinés à être transformés dans des préparations alimentaires industrielles.
"Interdiction inopérante"
Les industriel·les justifient cette demande pour « raison de compétition européenne », ce qui n'est pas justifié aux yeux de L214 : « C'est incompréhensible puisque l'Allemagne, deuxième pays producteur d'œufs en Europe (14 % de la production) juste derrière la France (15 % de la production), a rendu obligatoire l’ovosexage et interdit le broyage et le gazage depuis le 1er janvier 2022 », pointe l'association. Et de prévenir : puisque la production d'œufs blancs représente « jusqu'à 50% du total d'œufs produits en France », la reproduction de la variété de poules concernée est importante. Conséquence : « 25 millions de poussins mâles » continueraient d'être broyés ou gazés chaque année avec cette dérogation, s'insurge L214. De quoi rendre « l'interdiction inopérante ».
L'association rappelle que le décret paru en février 2022 « relatif à l'interdiction de mise à mort des poussins des lignées de l'espèce Gallus gallus destinées à la production d'œufs de consommation » prévoyait déjà une dérogation si les poussins tués étaient destinés à l'alimentation animale. « Cette disposition rend totalement caduque l’obligation de sexage et l’interdiction de broyage : l’alimentation animale est un débouché sans limite », tonne L214. Au contraire, selon le Comité national pour la promotion de l'œuf (CNPO) cité par Réussir, « le volume global attendu correspond au besoin des établissements élevant des animaux carnivores (lions et crocodiles des zoos, vautours, etc.) et sans doute aussi des fabricants d’aliments pour carnivores domestiques. »
L'association anti-spéciste annonce dans son communiqué un happening devant le ministère de l'Agriculture (Paris VIIème) pour dénoncer cette série de dérogation. A ses côtés, une dizaine de député·es Nupes et plusieurs conseiller·ères de Paris seront présent·es.