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Tendance des mariages sur­prises : et le consen­te­ment alors ?

Selon BFM-​TV, les mariages sur­prises seraient en plein essor en France, mais la ten­dance pose quand même de sérieux pro­blèmes de consen­te­ment. Car peut-​on réel­le­ment par­ler d’amour et sur­tout de libre-​arbitre lorsque votre com­pa­gnon a déci­dé de vous pas­ser la bague au doigt – ou la corde au cou – à votre insu et sans vous concerter ? 

Il faut s’imaginer la scène. Vous êtes à – ce que vous croyez être – une petite fête d’anniversaire sans pré­ten­tion avec vos potes et votre famille. Quand sou­dain, votre conjoint débarque à l’apéro, nœud papillon autour du cou et yeux lar­moyants. La fête d’anniversaire était un ali­bi. Vous venez d’apprendre, en même temps que les convives, que vous êtes en réa­li­té conviée à votre propre mariage. Mariage que votre com­pa­gnon a orches­tré dans le plus grand secret. Deux options s’offrent alors à vous. Dans l’une, la sur­prise vous enchante, vous avez tou­jours rêvé de vous marier et vous trou­vez l’initiative de l’être aimé certes décon­cer­tante mais ter­ri­ble­ment roman­tique. Dans l’autre, elle vous coupe lit­té­ra­le­ment le souffle et ce n’est pas d’émotion. Vous n’aviez jamais fran­che­ment abor­dé la ques­tion du mariage au sein de votre couple, mais tel un pois­son pris dans des filets, vous vous sen­tez prise au piège. Quasi-​impossible de dire “non” face à la pres­sion monstre, au cham­pagne prêt à être sabré, à la pièce-​montée déjà dans le fri­go et sur­tout face aux dizaines de paires d’yeux n’attendant plus qu’une chose : la célé­bra­tion de votre amour. Et c’est bien là tout le pro­blème. Peut-​on réel­le­ment par­ler d’amour et sur­tout de libre-​arbitre lorsque votre com­pa­gnon a déci­dé de vous pas­ser la bague au doigt – ou la corde au cou – à votre insu et sans vous concerter ? 

La scène décrite plus haut pour­rait être le pitch d’une nou­velle comé­die fran­çaise, Kev Adams dans le rôle du mari boute-​en-​train et Christian Clavier dans le rôle du père de la mariée, mais non. Il s’agit, hélas, d’un phé­no­mène bien réel qui serait d’ailleurs en pleine explo­sion, selon BFM-​TV qui consa­crait un sujet sur cette ten­dance ce week-​end. Le média en ligne a ain­si ren­con­tré Roxane dont le com­pa­gnon, Cyril, avait pré­tex­té un double anni­ver­saire pour orga­ni­ser leur céré­mo­nie laïque. Après la demande en mariage express – quand même – devant les soixante-​dix invité·es, Roxane fut priée d’enfiler sa robe blanche dans la fou­lée. Robe qu’elle n’avait pas choi­sie, comme tout le reste. De la déco au menu en pas­sant par les fleurs ou pire, le choix des invité·es, Roxane n’a pas eu son mot à dire. Mais cela ne semble pas l’avoir déran­gée. “C’était fou, c’était génial”, avance-​t-​elle auprès de BFM-​TV. Si pour Roxane, qui sou­hai­tait par ailleurs se marier depuis des années, l’expérience a heu­reu­se­ment été bonne, le mariage sur­prise pose quand même de sérieux pro­blèmes de consen­te­ment et pointe même un com­por­te­ment plu­tôt toxique qui n’aurait rien de romantique.

“Prise d’otage sentimentale” 

C’est en tout cas ce que pensent nombre d’internautes ayant dénon­cé sur X, le repor­tage de BFM-​TV accu­sé d’avoir roman­ti­sé la pra­tique. “Ce genre de mariage sur­prise + cette mode sur les RS de deman­der la main de sa copine devant un public n’a rien de roman­tique, car la per­sonne n’a aucun moyen de refu­ser, dénonce ain­si la réa­li­sa­trice et uni­ver­si­taire, Ovidie, sur X. Et en géné­ral un mec qui contrôle tout jusqu’au choix de ta robe c’est le genre à te faire vivre l’enfer le jour où tu décides de par­tir.” Dans les com­men­taires sous son post, un inter­naute parle même de “prise d’otage sen­ti­men­tale”. “Tu peux pas dire non, car tu passes pour la méchante qui réduit ‘tous les efforts roman­tiques’ du mec, devant témoins, qui espèrent tous que tu dises ‘oui’”, pointe-​t-​il. Une autre y voit, elle, une manière de “ver­rouiller affec­ti­ve­ment et socia­le­ment” son ou sa par­te­naire. Dans son post, Ovidie fait aus­si réfé­rence à un autre phé­no­mène socié­tal en expan­sion et tout aus­si gênant, les demandes en mariage faites en public. “Mon ex-​mari m’a fait une demande en public. Je n’ai pas aimé. Parce que je me suis sen­tie obli­gée de dire oui, alors que, pour être hon­nête, j’aurais vou­lu dire non”, écrit ain­si une femme sur X, rap­porte Le Monde, qui s’est pen­ché sur la ten­dance en sep­tembre dernier. 

Si l’on se fai­sait l’avocate du diable, on pour­rait dire que la céré­mo­nie laïque n’a rien d’officiel et qu’il s’agit seule­ment d’une fes­ti­vi­té loin des embar­ras admi­nis­tra­tifs. Si seule­ment. En 2016, un article du Bien public fai­sait ain­si état d’un mariage sur­prise en Bourgogne. Adem pen­sait se rendre au res­tau­rant, il s’est en fait ren­du à la mai­rie de sa ville où sa com­pagne Émilie l’attendait en robe de mariée. Le concept semble sau­gre­nu, mais en France, il serait bien pos­sible de pou­voir dépo­ser le dos­sier de mariage et de publier les bans dans le dos de son·sa conjoint·e et en se pas­sant de son consen­te­ment. “La pièce la plus per­son­nelle, mais faci­le­ment dis­po­nible à l’heure de la déma­té­ria­li­sa­tion, est l’acte de nais­sance du futur époux. […] Il suf­fit de bien connaître la per­sonne, de savoir son lieu de nais­sance, de connaître des infor­ma­tions sur ses parents… Juridiquement par­lant, il suf­fit de pro­duire toutes les pièces des deux futurs époux pour pou­voir se marier”, explique ain­si Sylvain Lohner, direc­teur de l’Association des maires de Saône-​et-​Loire, auprès du Bien public. Selon le forum de la Fonction publique ter­ri­to­riale, la déci­sion serait en fait à l’appréciation de la mai­rie. “La demande en mariage sur­prise, s’ils veulent, mais le mariage sur­prise, ce n’est guère pos­sible. Il faut être un mini­mum sérieux dans l’entretien préa­lable. Comment autre­ment s’assurer de la réa­li­té du consen­te­ment ?” note ain­si une inter­naute. C’est aus­si la ques­tion que l’on se pose. 

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