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© Benjamin Loyseau / UNHCR

Paris 2024 : le “rêve” olym­pique de Farida Abaroge, réfu­giée éthio­pienne en Alsace

De l'Éthiopie aux Jeux olym­piques de Paris 2024 (JO) : le "rêve" devient réa­li­té pour Farida Abaroge, 30 ans, "fière" d'avoir décro­ché son billet au sein de l'équipe olym­pique des réfugié⸱es pour Paris 2024, où elle va s'aligner sur 1 500 m, heu­reux épi­logue d'un par­cours douloureux.

"J'ai quit­té mon pays en 2016 pour des rai­sons poli­tiques, je ne peux pas dire tout", mais "il y a beau­coup de choses qui me sont arri­vées". Assise dans les tri­bunes du stade de la Rotonde à Strasbourg, où Farida Abaroge s'entraîne qua­si quo­ti­dien­ne­ment pour par­ti­ci­per aux JO dans l'épreuve du 1 500 m, la tren­te­naire rem­bo­bine avec pudeur les années qui ont vu sa vie basculer.

La réti­cence de la native de Jimma, dans le sud-​ouest éthio­pien, face aux ques­tions plus pous­sées, laisse devi­ner la dure­té, à l'évidence extrême, de son périple. Tout juste confie-​t-​elle, dans un très bon fran­çais, être pas­sée par le Soudan, l'Égypte et la Libye. Parmi ses com­pa­gnons d'exil, "cer­tains (…) ne sont pas arri­vés, la vie est déjà finie pour eux", explique celle qui aspire désor­mais à vivre "comme tout le monde". Aux demandes d'asile dépo­sées en Libye, c'est la France qui répon­dra la première.

“Intenses”

"En décembre 2017", elle débarque donc dans le nord de l'Alsace, à Thal-​Marmoutier (Bas-​Rhin). On lui demande ce qu'elle veut faire. "J'ai répon­du la course à pied", explique-​t-​elle. Pas la moindre trace d'athlétisme pour­tant dans le CV de cette Éthiopienne très spor­tive mais qui, dans un pays où le fond est pour­tant roi, s'était tour­née vers le foot et le kara­té. "J'avais le rêve de par­ti­ci­per aux JO, déjà", dévoile Farida Abaroge.

À Saverne, où elle s'entraîne, elle obtient rapi­de­ment de bons résul­tats. Mais c'est à Strasbourg qu'elle choi­sit de s'installer. Elle y décroche un job – Farida est pré­pa­ra­trice de com­mandes – et s'inscrit l'année sui­vante à l'Association spor­tive de Strasbourg (ASS), son club depuis 2019. Sa pro­gres­sion est "linéaire", constate son entraî­neur, Gérard Muller. Aux Championnats de France 2022 sur 10 km, bou­clés en 35 min 30 sec, Farida ter­mine 15e, non sans avoir mené la course pen­dant un bon moment. Elle "accepte sans pro­blème de faire des séances plus dures", constate le coach. "Elle se plaint même par­fois qu'elles ne sont pas assez intenses !" Peut-​être la trace de son par­cours de réfu­giée, qui lui per­met d'encaisser d'importantes charges de tra­vail, s'interroge Gérard Muller, qui assure n'avoir "jamais" coa­ché une fille "de ce niveau-là".

Et de tous⸱tes les ath­lètes passé⸱es entre ses mains, cet entraî­neur che­vron­né de 70 ans l'assure : Farida est "par­mi les trois ou quatre meilleurs". La tren­te­naire, qui se concentre sur le 1 500 m, a signé sur cette dis­tance son meilleur chro­no en juillet 2023 au mee­ting de Décines (Rhône) : 4 min 27 sec 47. Mais, au-​delà du temps réa­li­sé, ce mee­ting aura sur­tout chan­gé la vie de Farida Abaroge puisque c'est là qu'elle a enten­du par­ler pour la pre­mière fois de l'équipe olym­pique des réfugié⸱es (EOR). Elle décide de pos­tu­ler, le pré­sident de l'ASS, Matthieu Puech, s'occupe du dossier.

Fin novembre 2023, la réponse tombe. Elle fait par­tie d'une pré­sé­lec­tion de 73 ath­lètes qui sont sus­cep­tibles d'intégrer l'équipe et qui béné­fi­cient d'une bourse pour s'entraîner. "Mais sans cer­ti­tude" d'être prise, explique Matthieu Puech. Parallèlement, la Fédération inter­na­tio­nale d'athlétisme pro­pose à la jeune femme d'intégrer son équipe des réfugié⸱es pour les Championnats du monde de cross-​country en mars der­nier à Belgrade, où elle ter­mine 62e. Et le 2 mai, le "rêve" devient réa­li­té : Farida est rete­nue par­mi les 36 ath­lètes (23 hommes, 13 femmes) qui vont for­mer à Paris l'EOR.

“Fière de moi !”

"J'ai eu du mal à le croire", se sou­vient l'athlète, dont le visage s'éclaire d'un large sou­rire à la pers­pec­tive de défi­ler le 26 juillet sur la Seine en ouver­ture des Jeux. "Depuis toute petite, je savais que j'allais par­ti­ci­per aux JO, mais peut-​être pas de cette manière", explique-​t-​elle. Comprendre en tant que réfu­giée. "Elle va inté­grer une équipe qui va repré­sen­ter 100 mil­lions de per­sonnes dépla­cées, c'est impres­sion­nant", s'enthousiasme Matthieu Puech.

La suite ? "Continuer à tra­vailler dur" et à "battre" des records, confie Farida Abaroge, qui vise à Paris "les demi-​finales" et qui veut désor­mais "oublier le pas­sé". "Aujourd'hui, je par­ti­cipe aux JO et je suis très, très fière de moi !"

Lire aus­si l JO de Tokyo : la cycliste afghane Masomah Alizada concour­ra pour défendre le droit des femmes à "faire ce qu’elles veulent"

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