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PMA pour toutes : les céli­ba­taires dis­cri­mi­nées dans les Cecos ?

Trop jeunes, trop vieilles, pas assez déses­pé­rées, trop déses­pé­rées, trop vierges, trop en couple… Dans cer­tains Cecos, les rai­sons ne manquent pas d’opposer des refus aux pro­jets de PMA de femmes céli­ba­taires – 40 % des demandes – en toute illégalité…

Camille ne s’y atten­dait pas. Elle avait l’impression que les dif­fé­rents rendez-​vous pas­sés avec la psy­cho­logue, la gyné­co­logue, le bio­lo­giste et l’assistante sociale s’étaient bien dérou­lés, sur­tout celui avec la psy­cho­logue qui lui avait expli­qué être là pour accom­pa­gner les femmes. Déterminée à contes­ter cette réponse, elle appelle le centre pour com­prendre leur déci­sion. Les rai­sons avan­cées par la bio­lo­giste sont mul­tiples : son pro­jet leur sem­blait trop fra­gile, parce qu’elle se serait contre­dite à tous les rendez-​vous, elle aurait man­qué de confiance en elle – “Vous savez, madame, si vous man­quez de confiance en vous, votre enfant ne va pas se déve­lop­per” –, et elle ne savait pas si elle vou­lait un don ano­nyme ou ouvert.

Le 11 décembre 2023, Camille reçoit enfin le cour­rier qu’elle atten­dait pour lan­cer offi­ciel­le­ment sa PMA. “Nous sommes au regret de ne pou­voir don­ner une suite favo­rable à votre demande d’assistance médi­cale à la pro­créa­tion, dans la mesure où votre situa­tion ne répond pas aux cri­tères du réfé­ren­tiel du Cecos [les Cecos sont les centres auto­ri­sés à recueillir, conser­ver et don­ner des œufs et du sperme humain en France, ndlr] de Clermont-​Ferrand. Toutefois, nous pour­rions vous revoir en consul­ta­tion dans un an pour rééva­luer votre projet.”

Camille n’en croit pas ses oreilles. En quoi son pro­jet était-​il fra­gile ? Elle vou­lait un enfant seule parce qu’elle vou­lait un enfant main­te­nant et qu’elle n’était pas en couple. Comment aurait-​elle pu se contre­dire “à tous les rendez-​vous” alors qu’elle n’a pas par­lé de son pro­jet à tous les rendez-​vous ? En quoi ne pas avoir de pré­fé­rence quant au type de don était-​il un pro­blème ? Et sur­tout, pour­quoi le Cecos estimait-​il que son manque de confiance en elle met­trait son enfant en danger ?

Elle demande des exemples pré­cis de phrases où elle se serait contre­dite. On lui répond : “On n’est pas là pour se jus­ti­fier.” Tout juste réussit-​elle à rece­voir un cour­rier sup­plé­men­taire jus­ti­fiant la déci­sion – une obli­ga­tion légale. Son manque de confiance en est absent, res­tent “la fra­gi­li­té de [son] pro­jet du fait d’un dis­cours contra­dic­toire […], des dif­fi­cul­tés à accep­ter l’accès aux ori­gines du tiers don­neur par la per­sonne issue du don”, quand bien même ce n’est pas ce qu’elle a dit, selon elle. Sa décep­tion est vite rem­pla­cée par la colère. “Ce n’est pas le rôle du Cecos de juger la capa­ci­té d’une per­sonne à être bon parent”, estime-​t-​elle. En 2023, l’Agence de bio­mé­de­cine avait été sur­prise par la “pro­por­tion très forte” de femmes seules par­mi les can­di­dates à la PMA : elles repré­sen­taient 40 % des 6 200 per­sonnes en attente de la pro­cé­dure fin mars 2023, contre 41 % de femmes en couple homo­sexuel et 19 % en couple hétérosexuel.

Soit trop jeunes, soit trop vieilles

Au moins, Camille a été rela­ti­ve­ment vite fixée. Manon, aka @aromantic.mom sur Instagram, a subi dix rendez-​vous sur presque une année, dont un avec une assis­tante sociale, deux avec des psy­cho­logues et deux avec des psy­chiatres avant que son dos­sier soit refu­sé. Pour Mariama Soiby, porte-​parole de Mam’en solo, une asso­cia­tion qui repré­sente les mères qui ont ou qui vont mener un pro­jet de paren­ta­li­té solo, pas de doute sur les moti­va­tions de ce rejet : son asexua­li­té et son aro­man­ti­ci­té – encore sou­vent per­çues comme une patho­lo­gie qu’il fau­drait soi­gner dans le monde médi­cal – et le fait qu’elle vive avec sa mère. “C’est vu comme une preuve qu’on n’est pas mature, alors que dans plein de com­mu­nau­tés à l’étranger, c’est nor­mal et que d’un point de vue prag­ma­tique, c’est des bras sup­plé­men­taires pour soccu­per du bébé”, s’énerve Mariama Soiby.

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Et puis Manon a moins de 30 ans, comme Camille. “On ne va jamais ques­tion­ner le pro­jet de gros­sesse d’un couple dont la femme a 23 ans, alors que ce n’est pas même envi­sa­geable pour un par­cours solo”, constate Mariama Soiby. Il n’est pas rare que des membres de Cecos recom­mandent à des ving­te­naires, voire à des tren­te­naires, d’attendre – “Tu as le temps, t’es jolie, tu vas trou­ver”, entendent-​elles par­fois –, voire les encou­ragent à faire un bébé avec un par­te­naire d’un soir. “Il y a l’idée que mieux vaut un père, même s’il est défaillant ou non consen­tant, que de créer une famille autre­ment”, insiste Mariama Soiby. Son asso­cia­tion a noté que certain·es professionnel·les ne com­prennent pas que pour de nom­breuses femmes [dans cet article, nous par­le­rons de femmes, bien que des per­sonnes non binaires ou hommes trans décla­rés femmes à l’état civil puissent théo­ri­que­ment béné­fi­cier de la PMA], la PMA solo est un plan A, que ce soit parce que la per­sonne est céli­ba­taire dans l’âme, qu’elle se méfie de la paren­ta­li­té hété­ro­pa­ren­tale ou encore qu’elle ne sou­haite pas attendre ou dépendre d’un·e autre pour avoir un enfant. À tel point que, comme Causette a pu le consta­ter en appe­lant leurs secré­ta­riats, cer­tains Cecos, à l’instar de ceux de Tours et Lyon, demandent aux femmes seules leurs âges : au-​dessous de 29 ans, impos­sible de prendre un rendez-vous. 

Ce refus concer­nant les pro­jets des femmes jeunes est d’autant plus dif­fi­cile à com­prendre que les chances de réus­site en PMA sont plus éle­vées quand les per­sonnes sont jeunes et que les dos­siers des per­sonnes de plus de 39 ans sont aus­si refu­sés. On leur recom­mande par­fois de se tour­ner vers les pays étran­gers, car les délais d’attente de dix-​huit à quarante-​deux mois avant la pre­mière insé­mi­na­tion risquent de les ame­ner à l’âge limite de 45 ans. Parfois, on leur fait com­prendre qu’elles ne sont pas prio­ri­taires – mieux vaut lais­ser leur place à “un couple jeune avec un vrai pro­blème de fer­ti­li­té”, s’est enten­du dire une membre de Mam’en solo.

Qui a le droit de faire des enfants ?

La situa­tion fami­liale et amou­reuse des patientes peut aus­si être un cri­tère de refus – alors même que la loi spé­ci­fie que l'accès à la PMA "ne peut faire l'objet d'aucune dif­fé­rence de trai­te­ment, notam­ment au regard du sta­tut matri­mo­nial ou de l'orientation sexuelle des deman­deurs" -, comme l’ont mon­tré les cen­taines de témoi­gnages que Mam’en solo a reçus. Si elles n’ont jamais été en couple, ou pas depuis long­temps, il arrive qu’on leur dise qu’elles n’ont pas fait assez d’efforts. Si elles n’ont jamais eu de rap­port sexuel péné­tra­tif, “ce n’est pas à nous de vous déflo­rer”. Et si elles ont déjà des enfants, que un, ça suf­fit. Elles ont par­ti­cu­liè­re­ment peu de chances de voir leur dos­sier accep­té lorsqu’elles disent être en couple, même non coha­bi­tant, avec un homme qui ne veut pas d’enfants. “C’est le bug géné­ral, les pros estiment qu’elles ont un gars sous la main, qu’elles n’ont qu’à se ser­vir”, explique Mariama Soiby. Pourtant, la loi dit bien que la PMA est acces­sible aux femmes seules non mariées, même si elles sont en couple. 

Certains centres d’assistance médi­cale à la pro­créa­tion (AMP) et Cecos s’intéressent aus­si au niveau de vie des futures mères céli­ba­taires et vont jusqu’à leur impo­ser un rendez-​vous avec un·e assistant·e social·e pour véri­fier la sur­face du loge­ment ou le type de contrat de tra­vail. C’est le cas sys­té­ma­ti­que­ment au Cecos de Clermont-​Ferrand, comme nous l’a confir­mé le secré­ta­riat. Rien d’interdit par la loi, mais rien d’exigé non plus, puisque celle-​ci, très vague, sti­pule seule­ment que “la mise en œuvre de l’assistance médi­cale à la pro­créa­tion est pré­cé­dée d’entretiens par­ti­cu­liers de la femme ou du couple deman­deur avec un ou plu­sieurs méde­cins et d’autres pro­fes­sion­nels de san­té de l’équipe médi­cale cli­ni­co­bio­lo­gique plu­ri­dis­ci­pli­naire du centre, com­po­sée notam­ment d’un psy­chiatre, d’un psy­cho­logue ou d’un infir­mier ayant une com­pé­tence en psy­chia­trie”. Un assis­tant de ser­vice social peut s’ajouter au comi­té, mais uni­que­ment “en tant que de besoin” (loi n° 2021–1017). La mis­sion de ces comi­tés, dans tous les cas, est uni­que­ment de véri­fier la moti­va­tion des demandeur·euses, de pro­cé­der à une éva­lua­tion médi­cale et d’informer… Sans faire de dis­tinc­tion entre les can­di­da­tures des céli­ba­taires et celles de femmes en couple.

Dans les faits, comme les Cecos dis­posent d’une grande auto­no­mie, les pra­tiques et la mise en appli­ca­tion de la loi varient d’un centre à un autre. Le secré­ta­riat du centre de Clermont-​Ferrand, par exemple, a été jusqu’à expli­quer au télé­phone à Causette que les rendez-​vous avec les psy­cho­logues et assistant·es social·es n’étaient obli­ga­toires que pour les femmes célibataires. 

Vision infan­ti­li­sante des femmes célibataires

De la même façon, des centres vont impo­ser aux futures mères céli­ba­taires, et uni­que­ment à elles, de venir avec une “per­sonne res­source”, comme nous l’a confir­mé le Cecos de Tours, leur impo­sant ain­si de par­ler de leur pro­jet en amont, alors que ce sont des par­cours par­fois intimes. “On ne deman­de­ra jamais ça aux couples hété­ros, d’autant qu’il y a tou­jours cette envie de main­te­nir l’illusion d’une pro­créa­tion natu­relle”, explique Mariama Soiby. Ces deux cas de figure révèlent, selon elle, la vision infan­ti­li­sante des femmes céli­ba­taires de la part de cer­tains Cecos. “Ils ima­ginent qu’on n’a pas réflé­chi à notre pro­jet, qu’on agit par caprice”, analyse-​t-​elle.

Certaines sortent des entre­tiens en pleu­rant avec le sen­ti­ment de sor­tir de garde à vue, estime Mariama Soiby. C’est hor­rible de devoir expli­quer pour­quoi tu veux un enfant, pour­quoi tu n’as pas trou­vé un gen­til gar­çon, pour­quoi tu ne couches pas.” Au fond, ce que disent ces inter­ro­ga­toires et ces réflexions, c’est qu’il y a “celles et ceux qui sont légi­times pour pro­créer et les autres qui n’ont pas le droit de dis­po­ser libre­ment de leur corps”, poursuit-​elle. Elle dénonce un double dis­cours. D’un côté, le pré­sident de la République appelle à réar­mer démo­gra­phi­que­ment la France, de l’autre, les ser­vices publics inter­disent l’accès à la PMA aux per­sonnes trans, laissent pas­ser les dis­cri­mi­na­tions des Cecos et vont inci­ter des femmes ayant déjà un enfant à être sté­ri­li­sées à Mayotte. Des enfants, oui, mais de couples hété­ros, blancs et aisés.

Lire aus­si l “De la colère” : les femmes qui attendent une PMA s’agacent du “réar­me­ment démo­gra­phique” de Macron

“Faiblesse émo­tion­nelle”

Quand les femmes dont le dos­sier a été reje­té exigent des expli­ca­tions écrites, leur situa­tion fami­liale, leur âge ou leurs orien­ta­tions sexuelles ne sont jamais men­tion­nés, puisqu’il s’agit d’autant de dis­cri­mi­na­tions inter­dites par la loi. “Les Cecos vont trou­ver des che­mins détour­nés pour refu­ser”, consi­dère Mariama Soiby. L’association a, par exemple, accom­pa­gné plu­sieurs per­sonnes dont le dos­sier a été reje­té en rai­son d’un indice de masse cor­po­rel supé­rieur à 35 [obé­si­té sévère] ou d’une réserve ova­rienne (AMH) basse et qui n’ont eu aucun pro­blème à être accom­pa­gnées à l’étranger. “On va reje­ter ces per­sonnes que la PMA est jus­te­ment là pour aider, plu­tôt que les accueillir”, constate Mariama Soiby. D’autres femmes ont essuyé des refus parce qu’elles n’avaient jamais eu de rap­ports péné­tra­tifs et que les méde­cins ne sau­raient pas faire, quand bien même cela ne pose aucun pro­blème dans d’autres Cecos ou à l’étranger. À d’autres occa­sions, on met le refus sur le compte d’un pro­jet paren­tal pas assez réflé­chi, d’une “fai­blesse émo­tion­nelle”, sans expli­quer clai­re­ment ce que cela veut dire. 

Pour Mariama Soiby, cela ne fait pas de doute, ces refus sont illé­gaux, car ils ne sont pas moti­vés par des rai­sons valables, mais par des juge­ments de valeur. Émilie Moreau, psy­cho­logue cli­ni­cienne au Cecos Tenon à Paris, est d’accord. “Je pense que ces réac­tions viennent prin­ci­pa­le­ment de l’inquiétude de cer­taines per­sonnes qui consi­dèrent qu’elles sont les garantes du bien-​être du poten­tiel futur enfant”, estime-​t-​elle, des per­sonnes qui mécon­naissent les autres façons de faire famille. “La plu­part du temps, les gens qui tra­vaillent en AMP sont en couple hété­ro­sexuel, ne se posent pas la ques­tion de la diver­si­té et n’arrivent pas à sor­tir de leur cadre de pen­sée”, ajoute-​t-​elle. Ce pro­blème n’est pas nou­veau. Avant l’ouverture de la PMA à toutes, cer­tains professionnel·les s’opposaient déjà par­fois à des pro­jets lorsque les parents étaient handicapés. 

Partir ou mentir 

Pour évi­ter de se voir mettre un veto, les can­di­dates à la PMA choi­sissent par­fois de se tour­ner vers des Cecos connus pour être bien­veillants, par­fois à des cen­taines de kilo­mètres de chez elles, ou vers les pays étran­gers. En Espagne, les cli­niques connaissent une hausse para­doxale des demandes fran­çaises depuis l’ouverture de la PMA à toutes en France. “Une cli­nique m’a même dit avoir embau­ché du per­son­nel fran­co­phone sup­plé­men­taire”, témoigne Mariama Soiby. 

L’ironie, c’est que ces par­cours sont lourds en logis­tique, coû­teux et, donc, fer­més aux femmes plus jeunes, peu ou pas diplô­mées et ayant des res­sources éco­no­miques plus faibles, celles-​là mêmes qui sont les plus mal­trai­tées en France. Certaines d’entre elles font donc par­fois le choix de cacher des infor­ma­tions, voire de men­tir pen­dant leur par­cours en France – un choix anxio­gène et humi­liant – ou de pas­ser par des insé­mi­na­tions arti­sa­nales avec des don­neurs trou­vés sur Internet, une pra­tique dan­ge­reuse que décon­seille Mam’en solo. 

“Si on avait plus de moyens, il y aurait moins de pro­blèmes de maltraitance”

Les refus dis­cri­mi­na­toires pour­raient être évi­tés pour­tant. “Le pro­blème, c’est que l’on n’a pas réflé­chi à ce qui allait se pas­ser après la pro­mul­ga­tion de la loi et que le pas­sage de cette loi n’a pas été accom­pa­gné d’une hausse des moyens alloués”, estime Émilie Moreau. Résultat, faute de moyens finan­ciers, les Cecos sont sur­char­gés, les professionnel·les n’ont ni le temps de bien accom­pa­gner les patient·es, ni de se for­mer pour com­prendre les nou­veaux pro­fils de can­di­dates à la PMA et les enjeux de jus­tice repro­duc­tive (de toute façon, rien n’est pro­po­sé au niveau natio­nal). Émilie Moreau en est sûre : “Si on avait plus de moyens, il y aurait moins de pro­blèmes de mal­trai­tance.” 

Contactée par Causette, l’Agence de bio­mé­de­cine – ins­tance publique char­gée d’évaluer les acti­vi­tés des centres d’Assistance médi­cale à la pro­créa­tion (AMP) et de les conseiller – indique être par­fai­te­ment au cou­rant des soup­çons sur d’éventuelles dis­cri­mi­na­tions des céli­ba­taires dans les Cecos. “Pas plus tard qu’hier, une asso­cia­tion de patients nous a à nou­veau fait remon­ter ce res­sen­ti à l’occasion d’une réunion avec les asso­cia­tions du comi­té de sui­vi de la loi, et il existe une sai­sine de la défen­seure des droits sur le sujet en cours de trai­te­ment”, nous pré­cise la direc­trice géné­rale de l’agence, Marine Jeantet. La méde­cin spé­cia­liste en san­té publique le mar­tèle : “Nous avons eu l’occasion de rap­pe­ler la loi en dif­fu­sant l’arrêté d’avril 2022, qui rap­pelle les règles d’attribution des gamètes et des embryons : ni le sta­tut mari­tal, l’orientation sexuelle du couple ou de la per­sonne prise en charge, ni le fait d’avoir des enfants ou de ne pas en avoir, ni l’origine géo­gra­phique des deman­deurs ne doivent conduire à prio­ri­ser ou exclure les per­sonnes. Le seul cri­tère valable, c’est l’ordre chro­no­lo­gique d’arrivée des demandes.” Ajoutons qu’à cela, la loi demande aux Cecos de prendre “en compte les risques médi­caux de la pro­créa­tion liés à l’âge ain­si que l’intérêt de l’enfant à naître”. En ce qui concerne les infor­ma­tions de Causette concer­nant des dif­fé­rences de trai­te­ment dans l’examen des situa­tions per­son­nelles des céli­ba­taires par rap­port aux couples, Marine Jeantet affirme ne pas avoir connais­sance de telles pra­tiques et pointe qu’il appar­tient aux comi­tés plu­ri­dis­ci­pli­naires des Cecos de “se ren­sei­gner sur le pro­jet paren­tal pour l’intérêt de l’enfant à naître”.

"Besoin d'harmonisation"

Si l’Agence de bio­mé­de­cine “n’a pas de rôle de police”, “n’est pas dans l’intimité des Cecos au quo­ti­dien” et ne sou­haite donc pas com­men­ter de poten­tielles situa­tions de dis­cri­mi­na­tion envers les femmes céli­ba­taires, elle prend le temps de recon­tex­tua­li­ser la pro­blé­ma­tique : “L’ouverture de la PMA aux nou­veaux publics de femmes en couple les­bien et de céli­ba­taires est un bou­le­ver­se­ment énorme. Les centres se retrouvent face à une explo­sion des demandes (mul­ti­pliées par huit) qui n’avait pas été anti­ci­pée du tout, d’autant moins en ce qui concerne les céli­ba­taires. Alors qu’ils avaient l’habitude de gérer des demandes de couples qui ont pris le temps de ten­ter d’avoir un enfant natu­rel­le­ment, ils doivent main­te­nant consi­dé­rer de nou­velles situa­tions per­son­nelles : il arrive que des femmes céli­ba­taires qui viennent consul­ter soient très jeunes (22 ans, par exemple, sachant que seules 7 % des céli­ba­taires qui font des demandes d’AMP ont moins de 29 ans), dans des situa­tions assez pré­caires et d’isolement social très fort. Cela peut occa­sion­ner des dis­cus­sions éthiques qu’ils nous font remon­ter, car ils se demandent si elles n’ont pas le temps de mener à bien leur pro­jet d’enfant dans de meilleures condi­tions plus tard.” La direc­trice géné­rale de l’agence nous confirme aus­si une forme de pru­dence des professionnel·les de san­té des Cecos face aux rares demandes de femmes vierges : ils et elles se retrou­ve­raient dans l’impossibilité de pra­ti­quer cer­tains exa­mens néces­saires au bilan gyné­co­lo­gique de l’AMP, parce que cer­taines de ces patientes les refusent.

Face à ces nou­velles inter­ro­ga­tions, Marine Jeantet estime qu’il y a eu “un manque d’anticipation col­lec­tif” dans la mise en place de la loi et détecte un “besoin d’harmonisation des pra­tiques” à moyen terme, sans que ne soit “jeté l’opprobre” sur des Cecos en par­ti­cu­lier. Des dis­cus­sions entre l’Agence de bio­mé­de­cine, “qui a pour rôle d’organiser le dia­logue et le consen­sus”, et le Comité consul­ta­tif natio­nal d’éthique (CCNE) sont d’ailleurs en cours pour mettre à l’ordre du jour un débat sur le sujet.

Ce besoin d’harmonisation semble en effet patent. En l’attendant, l’association Mam’en solo note que cer­tains Cecos réus­sissent à trou­ver le temps pour se for­mer et intègrent à leurs réunions de tra­vail des asso­cia­tions, à com­men­cer par la leur, alors que d’autres refusent toute col­la­bo­ra­tion. “Tout comme l’IVG, la PMA pour les femmes céli­ba­taires peut être condi­tion­née aux convic­tions du chef de ser­vice”, déplore Mariama Soiby.

À l’inverse, des centres tra­vaillent acti­ve­ment à évi­ter toute dis­cri­mi­na­tion. Émilie Moreau assure ain­si que le Cecos Tenon impose une consul­ta­tion psy à toutes les per­sonnes sou­hai­tant rece­voir un don, sans dis­tinc­tion. Et, par­tant du prin­cipe que per­sonne ne peut savoir qui sera un bon parent, le centre n’oppose que très rare­ment des refus et uni­que­ment quand la per­sonne qui sou­haite enta­mer un par­cours de PMA semble trop fra­gile à ce moment pré­cis pour faire face à une gros­sesse ou à un échec. Dans ce cas, l’équipe lui explique son refus, l’oriente vers des professionnel·les pour l’accompagner et l’invite à se repré­sen­ter quand elle sera prête. C’est là, pour Émilie Moreau, l’un des défis les plus impor­tants à rele­ver. “C’est par­fois dif­fi­cile de mettre en mots les rai­sons d’un refus parce que ça repose sur des intui­tions cli­niques, mais c’est notre bou­lot de mettre des mots des­sus, insiste-​t-​elle. On ne peut pas pas­ser notre temps à dire aux gens qu’il ne faut pas être dans le secret dans le cadre d’un don et les lais­ser sans expli­ca­tion et accom­pa­gne­ment.” 

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