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Sarah El Haïry © Philippe Devernay / Wikimedia

"Écologie cas­tra­trice" : ce que raconte le nou­veau tacle de la ministre El Haïry à la dépu­tée Rousseau, pas­sé inaperçu

Jeudi dernier, la ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles a accusé la députée Sandrine Rousseau d’être “la figure” de “l’écologie castratrice”. Une rhétorique misogyne et viriliste, dans la droite lignée du “réarmement démographique” chère à son président de patron.

C’est un tweet envoyé comme un bon mot, qui n’a sans doute pas eu l’écho espéré par son expéditrice. Jeudi 21 mars, Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, a lancé sur X à l’égard de Sandrine Rousseau : “Sandrine Rousseau était la figure de l’écologie punitive. Elle est désormais celle de l’écologie castratrice. Vous détestez tout ce qui donne de l’espoir. Il faut aimer davantage la vie madame Rousseau !” Une petite mesquinerie passée quasi inaperçue qui visait à répondre à la députée Les Écologistes se félicitant sur X de la baisse de la fécondité mondiale, annoncée par la revue scientifique The Lancet. L’hebdomadaire britannique de référence relayait en effet une étude scientifique américaine publiée la semaine dernière, selon laquelle, en 2050, le taux de natalité des femmes ne permettra pas le renouvellement des générations.

“La baisse de la fécondité est une bonne nouvelle, avait commenté Sandrine Rousseau. En 1970, la population mondiale était de 3 milliards, aujourd’hui elle a triplé. La natalité ne peut pas être une priorité en situation de grand danger écologique.” Un parti pris de la députée de Paris dans la droite ligne des thèses écologistes sur l’incidence de la démographie dans le péril climatique et environnemental. Si le débat entre partisan·nes de la baisse démographique et les solutionnistes qui pensent qu’on trouvera des moyens de composer avec une Terre supportant toujours plus d’êtres humains est bien connu, le tacle de la ministre fidèle d’Emmanuel Macron est, lui, inédit. “Écologie castratrice”, donc. Castratrice comme emmerdeuse, revêche, coupe-la-chique et maintenant la libido du peuple français. Un néologisme dévoilant, somme toute, la misogynie intériorisée de Sarah El Haïry.

Car il faut l’admettre : une telle invective n’aurait pas fonctionné si c’était un homme qui s’était enthousiasmé des perspectives de baisse démographique. Fort à parier d’ailleurs qu’elle ne serait même pas venue à l’esprit de la ministre. La castratrice, c’est cette féministe peine-à-jouir qui, non contente d’avoir été casseuse d’ambiance au temps de #MeToo, hache désormais menu les phallus au garde-à-vous du réarmement démographique espéré par Emmanuel Macron. Et c’est sans doute en tant que ministre des Familles que Sarah El Haïry se sent légitime à partir en croisade en faveur de la démographie française.

En accusant l’élue écologiste de “ne pas aimer la vie”, El Haïry ne craint pas la caricature et, par opposition, mobilise tout un champ sémantique de source jaillissante de vie et d’énergie phallique censément créatrice au service du repeuplement du pays (grâce à des enfants né·es chez nous). De quoi disqualifier le moindre questionnement, à l’heure où le jour du dépassement de la Terre recule d’année en année, pour s’interroger si tout ceci est bien raisonnable. Car les protestations sur le mode “c’est précisément parce qu’on aime la vie qu’on souhaite la préserver dans de bonnes conditions” n’y feront rien : “l’espoir”, nous assène-t-on, c’est l’enfantement.

Lire aussi l “Avec le ‘réarmement démographique’, Emmanuel Macron considère la population comme étant au service du pays et de la production d’enfant”

Bonne petite soldate de la rhétorique viriliste d’Emmanuel Macron, Sarah El Haïry s’offre l’occasion de participer à la vindicte populaire qui se déploie tous azimuts contre Sandrine Rousseau, déjà accusée de vouloir déconstruire par la force les hommes scotchés à leur barbecue, à grands coups d’assiettes véganes. Une attaque faite donc pour flatter la frange de la population prête à croiser le fer contre l’écoféminisme, mais qui n’aura pas soulevé beaucoup d’enthousiasme – le filon serait-il épuisé ? La petite phrase d’El Haïry n’a eu droit qu’à une unique reprise dans la presse : sur le site Passionchasse.net, pour qui la ministre a “remis à sa place” une Sandrine Rousseau au cuir décidément bien épais.

Reste que, dans la communication aux gros sabots du gouvernement, la mobilisation du champ guerrier laisse songeur·euse. Dans un contexte où le président lance l’idée “d’envoyer des mecs” au front en Ukraine et au moment même où il s’affiche, via sa photographe officielle, en boxeur prêt à en découdre avec Vladimir Poutine (lui aussi adepte de ces mises en scène viriles), faut-il comprendre que faire acte d’écologie “castratrice” c’est de surcroît manquer de patriotisme ? Mais alors, peut-on vraiment prétendre aimer la vie si la perspective qu’on offre aux enfants du réarmement démographique est de se préparer à la guerre ?

Lire aussi l Idée lumineuse : devenez végétarien pour prouver à Sandrine Rousseau qu'elle a tort

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