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Capture écran @soazigdelamoissonniere

La chro­nique du Dr Kpote : “Le MMA ayant la cote, Macron s’est fait shoo­ter en train de boxer pour prou­ver qu’il en avait dans le caleçon”

Le Dr Kpote inter­vient depuis une tren­taine d’années en milieu sco­laire comme ani­ma­teur de pré­ven­tion. Il ren­contre des jeunes avec lesquel·les il échange sur la sexua­li­té et les conduites addic­tives. Depuis une dizaine d’années, il en rend compte dans Causette. Aujourd’hui, il tente un paral­lèle auda­cieux entre le cham­pion de MMA Cédric Doumbè et Emmanuel Macron et ses gants de boxe.


Classé un temps meilleur kick-​boxeur du monde et acces­soi­re­ment sou­tien de la Maison des femmes à Saint-​Denis, Cédric Doumbè a opé­ré récem­ment une tran­si­tion vers les arts mar­tiaux mixtes (MMA), plus en vogue. Après avoir ali­gné les vic­toires, il affron­tait le 7 mars der­nier, le fran­çais Chamsoudinov, dit “Baki”, après en avoir fait des caisses dans la pro­vo­ca­tion mas­cu sur les réseaux. L’issue du com­bat a fait le buzz dans les cours de récré et sur les réseaux, après que Doumbè a été contraint à l’abandon à cause d’une ridi­cule écharde sous son gros orteil du pied gauche. 

Quelques jours plus tard, ce sont les biceps de Macron qui s’exposaient en noir et blanc sur Insta, immor­ta­li­sés pour la pos­té­ri­té pen­dant une séance de frappe dans un sac de boxe. Les inter­nautes se sont alors échiné·es à véri­fier si les muscles du pré­sident avaient été pho­to­sho­pés ou gon­flés artificiellement.

À la lec­ture de ces deux évé­ne­ments au goût de tes­to­sté­rone, force est de consta­ter que ces deux mecs cis par­tagent le goût de la mise en scène viri­liste, sym­bole de l’expression d’une mas­cu­li­ni­té qu’on ambi­tion­ne­rait d’éradiquer, mais qui résiste à tous les trai­te­ments anti-​patriarcat. Certes, Cédric Doumbè et Macron ne boxent pas dans la même caté­go­rie, mais ils ont en com­mun une authen­tique sou­plesse des ischio-​jambiers, leur per­met­tant une pra­tique aisée du grand écart sur les ques­tions fémi­nistes. Puisqu’au-delà de leurs exploits spor­tifs, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Le MMA et le street fight connaissent leurs heures de gloire. Dans les col­lèges, lycées et même sur GTA RP, c’est le sujet qui ras­semble toutes les sen­si­bi­li­tés. La sur­en­chère de l’hémoglobine et l’absence de règles bien défi­nies pimentent l’intérêt pour la chose. Et à ces jeux-​là, les mecs reprennent la main en ser­rant les poings.

Le com­bat Dombè vs Baki, j’en ai bouf­fé pen­dant quinze jours avant le jour J. Les jeux du cirque font rêver les pauvres, qui retrouvent sur les rings un sem­blant de digni­té, voire une pos­sible com­pen­sa­tion sociale, une fois la cein­ture UFC (cein­ture réser­vée aux cham­pions de MMA) bien atta­chée autour du bide. Mais la bagarre excite aus­si les bour­geois, qui s’enivrent du sang ver­sé par ces com­bat­tants sou­vent ori­gi­naires de quar­tiers exo­tiques qu’ils ne visua­lisent que sur CNews, les soirs de révolte au mor­tier d’artifice.

Pourtant, le com­bat tant atten­du dans les bahuts a fait pschitt. Et ce, à cause d’une simple écharde ! Le len­de­main, jour de la grève fémi­niste du 8 mars, j’ai eu une pen­sée émue pour ce petit bout de bois qui a fait boi­ter le patriar­cat. En séances de pré­ven­tion, les jeunes m’ont expo­sé toutes les ver­sions pos­sibles et ima­gi­nables des causes de l’abandon de Doumbè, me van­tant l’immense cham­pion qu’il res­tait. Mais comme j’affectionne le revers de la médaille, j’ai débou­lon­né la sta­tue. J’ai d’abord évo­qué la vidéo “Be a man” dans laquelle Mister Cédric s’engage pour la Maison des femmes. Il y enjoint ses pairs à mieux se com­por­ter avec l’autre genre, à s’impliquer face aux vio­lences. Il nous incite, les yeux dans les yeux, à nous “édu­quer, pour être des hommes, des vrais”… Les types du 93, cham­pions de sports de com­bat, sui­vis par des mil­liers de per­sonnes sur les réseaux et qui s’engagent sur ce terrain-​là, ne sont pas légion ! Alors, j’avais fait sa pro­mo pen­dant des mois. Par la suite, il y a eu un com­bat où Mister Cédric, l’aven­ger ven­geur, nous a assu­ré qu’au tra­vers de l’adversaire qu’il avait ter­ras­sé, c’était Fernand Lopez, le coach de celui-​ci qu’il visait, car cou­pable de vio­lences conju­gales. Sur le ter­rain, on se disait qu’on avait un allié, un vrai.

Et puis, un matin, Mister Cédric a muté en Docteur Doumbè. Il a pos­té une sto­ry Instagram où il iro­ni­sait sur les femmes qui choi­sis­saient un homme comme gyné­co : “Au fait, les meufs qui vont voir UN gyné­co­logue… Genre ça va ? Il n’y a rien ? Tout va bien ? C’est nor­mal ? Vous savez quoi, venez on ne parle pas de ça.” J’étais KO debout.

Au Panthéon des imposteurs…

Ces deux vidéos, je les ai mon­trées aux jeunes pour tes­ter leur esprit cri­tique. Sans sur­prise, la plu­part des filles se sont dites cho­quées par l’incompatibilité des deux prises de posi­tion. Les mecs, eux, étaient d’accord sur le fait qu’il n’était pas ques­tion que leur femme montrent “leur chatte à un autre homme”. Leurs réflexions m’ont per­mis de tra­vailler sur le contrôle du corps des femmes, mais aus­si d’évoquer la dif­fi­cul­té de s’engager tota­le­ment pour une cause, avec le risque d’avoir à bous­cu­ler ses propres valeurs morales ou représentations !

Les sports de com­bat ayant la cote, Macron s’est fait shoo­ter en train de boxer pour prou­ver que, lui aus­si, il en avait dans le cale­çon. En s’affichant de la sorte, le boss de la République a sim­ple­ment rejoint Doumbè au Panthéon des impos­teurs. D’un côté, il a sor­ti les muscles, exhi­bant une viri­li­té bien sté­réo­ty­pée, pro­ba­ble­ment pour don­ner du cré­dit à ses prises de posi­tion mar­tiales à l’encontre de Poutine. Et de l’autre, il a sava­té la “grande cause du quin­quen­nat”, soit les vio­lences faites aux femmes, en encen­sant celui qui fait la “fier­té de la France”, l’acteur Gérard Depardieu, accu­sé de viols et d’agressions sexuelles.

C’est tout de même étrange cette manie qu’ont cer­tains mecs de bavas­ser sur la lutte contre les vio­lences tout en met­tant en scène leur appé­tence pour le bourre-​pif. Ça m’a rap­pe­lé ce type, incar­cé­ré et en attente de pro­cès, qui me deman­dait, lors d’un ate­lier en mai­son d’arrêt, pour­quoi il n’avait pas le droit d’écrire à sa femme, les deux poings bien fer­més sur la table.

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