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La san­té men­tale des ados s’est “net­te­ment dégra­dée” : les jeunes filles en pre­mière ligne 

Une nou­velle étude alerte sur une aggra­va­tion des troubles men­taux chez les adolescent·es depuis la pan­dé­mie de Covid. Un phé­no­mène plus exa­cer­bé chez les filles. 

“C’est dur d’avoir 20 ans en 2020”, décla­mait Emmanuel Macron il y a quatre ans, en plein confi­ne­ment. Force est de consta­ter, qu’en 2024, c’est tou­jours “dur d’avoir 20 ans”. Les collégien·nes et les lycéen·nes ne sont pas épargné·es non plus. EnClass, une nou­velle étude de l’agence natio­nale Santé publique France, publiée ce mar­di et relayée par Le Parisien, confirme que la san­té men­tale des ados s’est “net­te­ment dégra­dée” entre 2018 et 2022. Ces conclu­sions sont tirées des témoi­gnages de 9 500 collégien·nes et lycéen·nes, ayant répon­du à un ques­tion­naire en 2022. Ces dernier·ères ont déter­mi­né, ano­ny­me­ment, s’ils·elles se sen­taient en bonne san­té, stressé·es ou suicidaires.

Netflix & dépression 

Durant le confi­ne­ment, lors de l’épidémie mon­diale de Covid-​19, plu­sieurs fac­teurs ont sérieu­se­ment atta­qué la san­té men­tale des adolescent·es : iso­le­ment, cours à dis­tance carac­té­ri­sés par les inéga­li­tés de condi­tions maté­rielles, mise en place de pro­to­coles sani­taires erra­tiques dans les écoles… 

Depuis sep­tembre 2020, cette aug­men­ta­tion des troubles men­taux chez les jeunes est deve­nue une constante, “la hausse s’est même pour­sui­vie de façon mar­quée en 2023”, consta­tait Santé publique France en 2023.

Les femmes, pre­mières concernées 

L’étude EnClass, basée sur près de 10 000 témoi­gnages, spé­ci­fie : “Cette dégra­da­tion est plus mar­quée chez les jeunes filles et creuse l’écart garçons-​filles déjà obser­vé aupa­ra­vant”, et ce, dès la sixième, avec une accen­tua­tion jusqu’à la ter­mi­nale. Ainsi, en 2022, les filles sont plus deux fois plus nom­breuses que les gar­çons à témoi­gner d’un sen­ti­ment de soli­tude. La part de collégien·nes se disant en “excel­lente san­té” est pas­sée de 41,5 à 38,8 % chez les gar­çons et de 31 à 24,4 % chez les jeunes femmes.

Même son de cloche en classe de seconde, où le risque de dépres­sion est trois fois plus éle­vé. Les lycéennes sont, aus­si, deux fois plus nom­breuses que les gar­çons à être hos­pi­ta­li­sées à la suite d’une ten­ta­tive de sui­cide ou en rai­son de pen­sées suicidaires. 

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Le minis­tère de la Santé cor­ro­bore ces résul­tats, en publiant, le 5 février 2024, l’enquête inti­tu­lée “En 2022, la forte hausse des hos­pi­ta­li­sa­tions pour geste auto-​infligé chez les jeunes filles se confirme”. Celle-​ci affirme que le nombre de jeunes filles âgées de 10 à 19 ans, hos­pi­ta­li­sées pour ten­ta­tive de sui­cide ou auto­mu­ti­la­tion, a explo­sé depuis le Covid : + 63 % chez les 10–14 ans et + 42 % chez les 15–19 ans. Ces courbes res­tent stables chez les garçons.

Ce phé­no­mène s’explique encore dif­fi­ci­le­ment. Selon Le Parisien, s’appuyer sur les mar­queurs bio­lo­giques entre jeunes femmes et jeunes hommes n’aurait “rien de pro­bant”. Le Pr Pelissolo, chef du ser­vice de psy­chia­trie de l’hôpital Henri-​Mondor de Créteil (Val-​de-​Marne), sup­pose que “l’hypothèse prin­ci­pale, y com­pris pour les jeunes, c’est la pres­sion sociale qui pèse davan­tage sur les femmes que sur les hommes”. Le pédo­psy­chiatre Boris Cyrulnik com­plète : “Les filles souffrent davan­tage d’angoisse que les gar­çons, car elles se déve­loppent plus pré­co­ce­ment et elles res­sentent davan­tage cette pres­sion”.

L’inaction du gouvernement 

En février, lors de sa décla­ra­tion de poli­tique géné­rale, le Premier ministre, Gabriel Attal, a évo­qué une série de mesures pour amé­lio­rer la san­té men­tale des jeunes. Le dau­phin d’Emmanuel Macron a même décla­mé qu’il sou­hai­tait faire “de la san­té men­tale de notre jeu­nesse une grande cause de notre action gou­ver­ne­men­tale”.

L’engorgement des ser­vices de psy­chia­trie et le manque d’informations com­pliquent les sui­vis médi­caux. Durant l’épidémie, les consul­ta­tions se fai­saient en ligne, entra­vant les jeunes concerné·es par la frac­ture numé­rique. Les rendez-​vous ne sont pas rem­bour­sés par la Sécurité sociale, sauf dans les centres médico-​psycho-​pédagogiques (CMPP), des lieux de soin public sec­to­ri­sés dans les­quels les séances psy­cho­lo­giques et psy­chia­triques sont entiè­re­ment finan­cées par la Sécurité sociale. Problème : le délai d’attente est ver­ti­gi­neux en rai­son du manque de per­son­nel. Comme l’alertait France Info en 2022, dans trente-​deux dépar­te­ments, il n’y a qu’un seul pédo­psy­chiatre. La liste d’attente pour un pre­mier rendez-​vous au ser­vice psy­cho­lo­gique du CMPP de Rouen s’étendait alors à trois cents personnes. 

“À cause de nos listes d’attente, il arrive que le trau­ma­tisme se trans­forme en troubles anxieux et peut alors déclen­cher des hos­pi­ta­li­sa­tions”, déplo­rait alors Tonino Lacomble, direc­teur du CMPP de Rouen. Et dans dix dépar­te­ments, les ser­vices pour enfants dans les hôpi­taux psy­chia­triques ne dis­po­saient pas de lits. Les jeunes ont donc été placé·es avec les adultes et plu­sieurs cas d’agressions sexuelles de mineur·es par des patient·es adultes ont été signa­lés à la défen­seure des droits. 

Face à ce triste tableau, Gabriel Attal pro­met d’augmenter le nombre de séances chez le psy­cho­logue rem­bour­sées chaque année. Celles-​ci pas­se­ront de huit à douze. Une mai­son des adolescent·es ouvri­ra éga­le­ment dans chaque dépar­te­ment. Pourtant, le même mois, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annon­cé un vaste plan de réduc­tions bud­gé­taires, deman­dant à l’hôpital public 600 mil­lions d’euros d’économie. Quelques jours plus tard, Catherine Vautrin, ministre de la Santé, a décla­ré sur RTL : “La san­té n’est pas gra­tuite”. Les parents d’enfants souf­frant de troubles men­taux le savent sûre­ment déjà… 

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