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Extrait du film La Belle de Gaza. © 2023 Unite Phobics - Arte France Cinema

“Memory”, “La Belle de Gaza”, “Greenhouse” : les sor­ties ciné de la semaine

La ren­contre mémo­rable d’une femme qui aime­rait oublier et d’un homme qui aime­rait se sou­ve­nir à New-​York, la quête flam­boyante d’une femme trans pales­ti­nienne à Tel-​Aviv, le par­cours (très) mou­ve­men­té d’une aide-​soignante trop gen­tille à Séoul : voi­ci les sor­ties ciné­ma du mer­cre­di 29 mai.

Memory

Un mélo instable, qui déroule une his­toire d’amour entre une femme qui aime­rait oublier et un homme qui aime­rait se rap­pe­ler. Un récit déli­cat, qui se déploie au rythme des sou­ve­nirs fra­giles de ses pro­ta­go­nistes blessé·es. Un film envoû­tant, tout en rete­nue et pro­fon­deur, qui aspire autant qu’il bou­le­verse : voi­là ce que nous pro­pose Michel Franco, cinéaste mexi­cain plu­tôt déran­geant d’ordinaire, qui ne nous avait guère habitué·es à autant d’empathie et d’humanité jusque-​là. On est donc dou­ble­ment surpris·es et saisi·es.

Memory nous entraîne au départ dans les pas de Sylvia, mère céli­ba­taire et assis­tante sociale à New York, qui mène une vie simple, soli­taire, struc­tu­rée par sa fille, son tra­vail et ses réunions des AA (Alcooliques ano­nymes). Un jour qu’elle se laisse convaincre par sa sœur de par­ti­ci­per à une fête d’ancien·nes élèves de leur lycée, elle y croise Saul, homme mutique, bizarre, un peu flip­pant, qui se met à la suivre sur son che­min de retour. Cette ren­contre va bou­le­ver­ser leurs exis­tences, réveillant des sou­ve­nirs dou­lou­reux que chacun·e avait enfouis jusque-là…

Nanti d’une mise en scène dis­crète, pri­vi­lé­giant l’intériorité, Memory épouse au plus près les flot­te­ments, éga­re­ments, et/​ou élans impré­vi­sibles de Sylvia, femme fêlée, comme ver­rouillée de l’intérieur (son pas­sé trau­ma­tique mena­çant à tout moment de l’engloutir), et de Saul, homme doux et vul­né­rable (il est atteint de démence pré­coce). Entre noir­ceur (une scène d’explication/libération très dure entre Sylvia et sa mère toxique à l’appui) et lumière (Sylvie et Saul vont réap­prendre à aimer, mal­gré tout), ce récit sous ten­sion, hyper sen­sible, ne cesse de sur­prendre et de se trans­for­mer, choi­sis­sant cou­ra­geu­se­ment l’espoir et la cha­leur humaine in fine.

On est d’autant moins près de l’oublier que Peter Sarsgaard dans le rôle de Saul (prix d’interprétation à la Mostra de Venise) et Jessica Chastain dans celui de Sylvie forment un duo déchi­rant et sublime. Mémorable, en effet. 

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Memory, de Michel Franco. © Metropolitan Film Export.

La Belle de Gaza

Réalisatrice experte en sujets ultra sen­sibles, voire tabous (Would You Have Sex With an Arab ?, M), Yolande Zauberman n’aime rien tant que fil­mer la nuit et la marge. L’autre, en quelque sorte. Son nou­veau docu­men­taire, pré­sen­té il y a quelques jours en “séance spé­ciale” au Festival de Cannes, abonde une fois encore dans ce sens…

Partie à la recherche de celle qu’elle sur­nomme “la Belle de Gaza” – une femme trans qui, selon une légende urbaine, se serait échap­pée de l’enclave pales­ti­nienne pour rejoindre à pied Tel-​Aviv afin d’entreprendre sa tran­si­tion de genre –, la cinéaste a fil­mé une grande par­tie de son enquête dans la moi­teur noc­turne d’une rue sor­dide de Tel-​Aviv, où des femmes trans pales­ti­niennes se pros­ti­tuent pour ten­ter de sur­vivre. Interrogeant d’autres “belles” qui auraient pu connaître son héroïne insai­sis­sable, elle retrace ain­si son/​leur che­min, pré­caire et jalon­né de vio­lences, mais aus­si très cou­ra­geux (toutes ont fui leurs familles, leurs origines).

On sent que Yolande Zauberman les aime, ces femmes com­bat­tantes, tour à tour rieuses et poi­gnantes : son écoute atten­tive et son fil­mage flam­boyant, à la mesure de leur fémi­ni­té et de leur sen­sua­li­té exa­cer­bées, en témoignent. On sent aus­si qu’elle les admire : si leurs témoi­gnages s’avèrent sou­vent sans détour (sur leur opé­ra­tion ou leur sexua­li­té), ils dégagent sur­tout un enga­ge­ment et une force de vie irré­duc­tibles. Nul hasard si La Belle de Gaza semble être tout le temps en mou­ve­ment : voi­là un film trans­fron­tières (géo­gra­phiques, cultu­relles, iden­ti­taires), à tout point de vue.

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La Belle de Gaza, de Yolande Zauberman.
© 2023 Unite Phobics – Arte France Cinema

Greenhouse

Même les moins ciné­philes savent que le ciné­ma coréen excelle en thril­lers (sou­vent mâti­nés d’humour et d’horreur), damant le pion en termes de rythme, d’intrigue et de per­son­nages aux Américains, pour­tant experts en la matière (que l’on se sou­vienne seule­ment de Parasite, de Bong Joon-​ho, Palme d’or à Cannes en 2019). Celui-​là, signé Lee Sol-​hui, toute jeune réa­li­sa­trice, nous rap­pelle en outre à quel point la dimen­sion sociale des dits thril­lers “made in Séoul” peut être féroce.

Greenhouse suit ain­si le par­cours appa­rem­ment ordi­naire de Moon-​Jung, aide-​soignante à domi­cile un brin dépres­sive (le film démarre sur une scène d’automutilation), qui s’occupe gen­ti­ment d’un vieux mon­sieur aveugle et de sa femme souf­frant d’Alzheimer, avant de ren­trer chez elle le soir dans son loge­ment des plus pré­caires (une serre en plein champ, vague­ment amé­na­gée, à peine éclai­rée), en atten­dant des jours meilleurs avec son fils tur­bu­lent, pla­cé pour l’heure en mai­son de redres­se­ment… Jusqu’au jour où l’épouse agi­tée du vieux mon­sieur décède bru­ta­le­ment, acci­den­tel­le­ment, et que tout accuse la gen­tille Moon-​Jung. L’aide-soignante bien­veillante va donc devoir prendre une déci­sion forte, inte­nable, s’engouffrant peu à peu dans un engre­nage implacable…

Oscillant entre dou­ceur et bru­ta­li­té, ce pre­mier film n’est certes pas sans défaut (il manque un peu d’émotions, par exemple), mais il sur­prend par sa capa­ci­té à se ser­vir des codes du thril­ler (et de la comé­die noire) pour dres­ser le por­trait d’une femme ter­ri­ble­ment seule et invi­sible aux yeux d’une socié­té essen­tiel­le­ment patriar­cale… Puisque c’est là, au fond, son vrai sujet. 

Greenhouse, de Lee Sol-​hui. © Art House

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