Cahiers noirs, Goodnight Soldier, Costa Brava, Lebanon : trois beaux et puissants longs-métrages à retrouver ce mercredi dans les salles obscures.
Ronit, pour toujours
Les actrices de cinéma meurent-elles jamais ? À cette question un brin éculée, Cahiers noirs répond d’une façon déchirante. Tout entier dédié à Ronit Elkabetz, comédienne et cinéaste israélienne décédée en 2016 à l’âge de 51 ans, ce documentaire intime – mais jamais impudique – ne rend pas seulement hommage à cette artiste incandescente et totale. Réalisé par Shlomi Elkabetz, son frère, complice et premier fan, il témoigne comme rarement du pouvoir consolateur du 7e art, à nul autre pareil pour combler l’absence…
Construit en deux parties (Cahiers noirs I – Viviane, Cahiers noirs II – Ronit), ce beau récit insatiable déploie son élan entre Tel-Aviv, Paris et Los Angeles, mais aussi entre instants de vie et extraits de films… La meilleure façon de raconter l’engagement de cette femme hors normes, grande prêtresse de l’autofiction ! On y voit donc Ronit tourner avec Shlomi leur trilogie inoubliable (Prendre femme en 2004, Les 7 Jours en 2008 et Le Procès de Viviane Amsalem en 2014), se marier, donner naissance à ses jumeaux et tomber malade. On y découvre également sa mère, qui a servi de modèle au personnage de Viviane, et son père, qui a toujours refusé de voir les dits films… Les images s’interpellent, se confondent : interviews, séances de travail, archives familiales, moments de fête, de pause ou de souffrance formidablement montés. Et documentés : Shlomi n’a cessé de filmer sa sœur les dix dernières années de sa vie trop courte, tandis que Ronit, en perpétuelle représentation, n’a cessé de jouer le jeu. Comme si l’un et l’autre savaient… que le cinéma serait leur meilleur allié.
Cahiers noirs (I – Viviane, II – Ronit), de Shlomi Elkabetz. En salles.
Blessure intime
Un film kurde, tourné au Kurdistan irakien, ce n’est pas très courant. Mais un film kurde qui parle d’amour en montrant des corps nus, puis raconte l’impuissance sexuelle d’un jeune époux à la suite d’une blessure de guerre, avant d’interroger la marge de décision de la femme dans une société patriarcale, c’est carrément exceptionnel ! Va-t-elle rester ? Va-t-il repartir sur le front ? Vont-il·elle réussir à dépasser la crise que traverse leur couple (et qui rejaillit sur leurs deux familles) ? Telles sont les questions, audacieuses au vu du contexte, qui traversent ce film tendre en forme de fable. On l’apprécie d’autant plus que Hiner Saleem, son réalisateur franco-irako-kurde, achève son récit sur une note d’espoir, délivrant un message on ne peut plus clair : pour lui, l’avenir des Kurdes passe forcément par la libération des femmes.
Goodnight Soldier, de Hiner Saleem.
Prendre l'air
Le premier film de la jeune réalisatrice Mounia Akl a des allures de conte. Peut-être parce qu’il se situe en Orient dans un futur proche. Sans doute parce qu’il fait la part belle aux personnages féminins. Construisant son récit autour de Soraya et Walid, un couple d’artistes écolos des plus charmants qui ont choisi de s’échapper du désordre et de la pollution de Beyrouth en s’installant dans les montagnes, Costa Brava, Lebanon a parfois la main un peu lourde en termes de métaphores (leur vie paisible va être brutalement remise en cause par l’installation d’une décharge sous leurs fenêtres). On suit avec intérêt, néanmoins, l’émancipation des quatre femmes de cette famille (Soraya, ses deux filles et sa belle-mère), chacune apprenant à conjuguer à la première personne du singulier le verbe « respirer ». En somme, à devenir seule maîtresse de son destin…
Costa Brava, Lebanon, de Mounia Akl.