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"Orlando, ma bio­gra­phie poli­tique" : dans son pre­mier docu­men­taire, le phi­lo­sophe Paul B. Preciado revi­site Virginia Woolf

Dans Orlando, ma bio­gra­phie poli­tique, le phi­lo­sophe et désor­mais réa­li­sa­teur Paul B. Preciado, rend hom­mage à Virginia Woolf, dans un docu­men­taire hybride, offrant une adap­ta­tion et une relec­ture joyeuse de son roman Orlando. Fiction et réel s'entrecroisent pour for­mer un récit large de la condi­tion trans aujourd'hui.

"Orlando où es-​tu ?" Dans les rues désertes de Paris, la nuit, le phi­lo­sophe Paul B. Preciado colle ces lettres colo­rées sur un mur blanc. Il s'explique, en voix-​off, dans cette scène d'ouverture de son pre­mier docu­men­taire Orlando, ma bio­gra­phie poli­tique, dif­fu­sé dès ce jeu­di sur le site d'Arte : "Quelqu'un m'a deman­dé un jour : 'Pourquoi n'écris-tu pas ta bio­gra­phie ?' J'ai répon­du : 'Parce que fucking Virginia Woolf l'a écrite à ma place en 1928.'" L'écrivain trans de 53 ans fait ici réfé­rence au roman Orlando de l'autrice bri­tan­nique, dans lequel un jeune cour­ti­san anglais à la cour d’Élisabeth Ire se réveille, après un long som­meil, dans le corps d'une femme, et tra­verse les siècles tou­jours âgé de 30 ans. Un texte fon­da­teur pour Paul B. Preciado, lu à l'adolescence, même s'il recon­naît que "deve­nir trans" est évi­dem­ment "plus dif­fi­cile" dans la réalité. 

Alors ce livre, et son per­son­nage, Paul B. Preciado a sou­hai­té leur rendre hom­mage à tra­vers ce film hybride, qui se pose à la fois comme une adap­ta­tion, une relec­ture et une dis­cus­sion avec Virginia Woolf. Une adap­ta­tion, car l'intrigue d'Orlando est reprise de manière glo­bale, plu­tôt fidè­le­ment, de ses débuts à la cour bri­tan­nique jusqu'à son voyage à Constantinople et son retour à Londres. Une relec­ture, car ce n'est pas une seule per­sonne qui incarne Orlando, mais vingt-​six acteur·trices, à la fois trans et non-​binaires, jeunes (8 ans) et âgé·es (78 ans). Chacun·e raconte à la camé­ra l'histoire de l'aristocrate bri­tan­nique qu'ils et elles incarnent, dans des décors somp­tueux et gran­di­lo­quents, et ajoutent aus­si quelques confes­sions sur leur propre vie. Histoires fic­tion­nelles et réelles s'entrecroisent joyeu­se­ment pour for­mer un récit plus large de la condi­tion trans. Ce docu­men­taire est, enfin, une dis­cus­sion de Preciado avec Woolf, le pre­mier s'adressant très sou­vent, en voix-​off, à cette der­nière, dévoi­lant alors des pans de sa propre histoire. 

Sur le papier ce pro­jet s'annonçait tita­nesque. Sa trans­po­si­tion à l'écran est, au début, quelque peu désta­bi­li­sante. Mais une fois les premier·ères Orlando apparu·es, on est hap­pé par ce récit riche et expé­ri­men­tal, qui montre la joie d'être trans aujourd'hui. Un par­ti pris loin des autres œuvres actuelles qui se concentrent par­fois plus sur leurs dif­fi­cul­tés à exis­ter et à être reconnu·es. Là, les lieux qui pour­raient être sources de vio­lences (le cabi­net du psy­chiatre, le tri­bu­nal…) se trans­forment avec humour en de grandes scènes de fête. Un retour­ne­ment de situa­tion bienvenue. 

Orlando, ma bio­gra­phie poli­tique, docu­men­taire de Paul B. Preciado, sur arte.tv du 30/​11/​2023 au 4/​03/​2024

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