Capture decran 2024 02 13 a 12.55.22
Extrait du film Sans jamais nous connaître . © The Walt Disney Company France

“20 000 espèces d’abeilles”, “Sans jamais nous connaître”, “Le Molière ima­gi­naire” : les sor­ties ciné de la semaine

Une petite fille trans qui prend son envol au pays des abeilles, un mélo queer qui sublime le deuil entre fan­tasmes et réa­li­té, un Molière bisexuel qui dépous­sière “the” monu­ment du théâtre fran­çais : voi­ci les sor­ties ciné du 14 février.

20 000 espèces d’abeilles

À sujet déli­cat, approche sen­sible. Pour trai­ter de l’éclosion d’une petite fille trans, la réa­li­sa­trice Estibaliz Urresola Solaguren choi­sit de nouer son intrigue un été à la cam­pagne, dans un hameau bour­don­nant de ruches et de femmes, toutes plus ou moins en train de chan­ger de vie. Précisément, c’est à leur contact que la petite Coco, 8 ans, qui a bien du mal à savoir qui elle est, va assu­mer sa sin­gu­la­ri­té. Après tout, comme le lui explique sa grand-​tante api­cul­trice, il existe for­cé­ment une iden­ti­té qui lui cor­res­ponde dans ce monde où coha­bitent 20 000 espèces d’abeilles !

Une grande har­mo­nie se dégage de ce pre­mier film basque espa­gnol, pour­tant tra­ver­sé de doutes, de ques­tions et, pour les adultes, de remises en cause. Sans doute parce qu’une belle intel­li­gence est à l’œuvre à tous les niveaux. La méta­phore de l’abeille, jamais appuyée ni pesante, par­ti­cipe de cet élan : en pas­sant avec du temps avec sa grand-​tante, à l’écart des ten­sions fami­liales et des com­mé­rages du vil­lage, Coco (Sofia Oter, tout en finesse) peut for­mu­ler tran­quille­ment ses ques­tions, sans avoir besoin de par­ler. Il lui suf­fit d’observer les ruches qui l’entourent et de com­prendre que les abeilles y jouent cha­cune un rôle spé­ci­fique, quoique néces­saire au fonc­tion­ne­ment du groupe, pour trou­ver sa place au sein de sa propre communauté.

La confiance qu’Estibaliz Urresola Solaguren accorde à la nature (solaire) pour accom­pa­gner ses per­son­nages et faire écho à leurs tran­si­tions se retrouve dans sa façon de fil­mer. Lumière natu­relle, alter­nance de gros plans et de plans larges qui montrent l’impact de l’environnement sur eux : la sim­pli­ci­té est de mise, en phase avec la sobre huma­ni­té du mes­sage. Car, pour finir, ce n’est pas Coco qui change (elle devient sim­ple­ment, natu­rel­le­ment, ce qu’elle a tou­jours été), ce sont les autres qui évoluent.

Jour2fete

20 000 espèces d’abeilles, d’Estibaliz Urresola Solaguren.
© Jour2fete

Sans jamais nous connaître

Se sépare-​t-​on jamais des gens que l’on a aimés ? Bonne ques­tion à laquelle le cinéaste bri­tan­nique Andrew Haigh répond de façon déchi­rante, nous don­nant à voir une fable fan­tas­tique sur le deuil, dûment jalon­née de fan­tômes, d’amour et de regrets.

Sans jamais nous connaître sur­prend Adam, son per­son­nage prin­ci­pal, alors que ce scé­na­riste soli­taire d’une qua­ran­taine d’années est au plus mal dans son appar­te­ment niché en haut d’une tour qua­si inoc­cu­pée à Londres. Deux évé­ne­ments vont pour­tant l’extraire de sa tor­peur. D’une part, son unique voi­sin, le très sexy Harry, vient son­ner à sa porte avant d’entamer une rela­tion amou­reuse avec lui et, d’autre part, il se rend dans la mai­son de son enfance où l’attendent ses parents, pour­tant décé­dés lorsqu’il avait 12 ans (Adam les retrouve tels qu’il les avait lais­sés avant leur acci­dent). L’occasion, peut-​être, enfin, de leur par­ler à cœur ouvert, notam­ment de son homosexualité ? 

Brouillant volon­tai­re­ment les pistes entre fan­tasmes et regrets, pas­sé et futur, réel et sur­na­tu­rel, Andrew Haigh livre un film doux sur la dou­leur, qui déborde très vite de ses seuls enjeux queer pour atteindre une émo­tion uni­ver­selle. À la fois trou­blant, mys­té­rieux et conso­la­teur, il a la chance d’être por­té par deux acteurs en état de grâce – Paul Mescal dans le rôle d’Harry et Andrew Scott dans celui d’Adam – et d’être ber­cé par le tube de Frankie Goes to Hollywood, The Power of Love (dont il faut redé­cou­vrir les paroles…). Le pou­voir de l’amour, yes indeed !

The Walt Disney Company France

Sans jamais nous connaître, d’Andrew Haigh.
© The Walt Disney Company France 

Le Molière imaginaire

Paris, 17 février 1673. Comme tous les soirs, Molière monte sur la scène du théâtre du Palais-​Royal pour jouer Le Malade ima­gi­naire. Ce sera sa der­nière repré­sen­ta­tion… Certes, avec ce pre­mier long-​métrage, l’homme de théâtre qu’est Olivier Py (ancien direc­teur, notam­ment, du Festival d’Avignon) peut irri­ter. Tourné en plan-​séquence, à la bou­gie, Le Molière ima­gi­naire pri­vi­lé­gie de façon osten­ta­toire le mou­ve­ment et la mul­ti­pli­ca­tion des espaces en clair-​obscur (le décor a beau être unique, il est laby­rin­thique). Histoire sans doute de nous prou­ver que c’est bien du ciné­ma et non du théâtre fil­mé. Reste qu’il sonne juste dans sa flam­boyance appuyée (on est en pleine époque baroque). Et qu’il sonne clair, aus­si, en fai­sant de ce monu­ment fran­çais un être com­plexe, bisexuel, dévo­ré par sa pas­sion et ses para­doxes (ce Molière dépous­sié­ré flirte gen­ti­ment avec la bio d’Olivier Py…). Laurent Lafitte, en chef de troupe, y est par ailleurs épa­tant tan­dis que Jeanne Balibar irra­die de charme en une bien trop courte séquence. Un panache que l’illustre Molière aurait assu­ré­ment aimé.

Memento Distribution

Le Molière ima­gi­naire, d’Olivier Py.
© Memento Distribution 

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.