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Crise sani­taire : com­ment remettre des paillettes dans nos vies ?

Dieu que la tra­ver­sée est longue ! Plus d’un an déjà que nos vies sont confi­nées, rétré­cies, ter­nies. Quand elles ne sont pas meur­tries.
Alors chez Causette, on s’est retrous­sé les manches pour par­ti­ci­per, à notre niveau, à l’effort col­lec­tif, pour vous redon­ner goût à la vie et confiance en l’avenir (oui, c’est aus­si notre slo­gan pour 2022).
Nous avons ten­du notre micro vir­tuel à des artistes, écrivain·es, cinéastes, humo­ristes et autres tru­blions sachant savou­rer les petits riens de l’existence et subli­mer le quo­ti­dien afin qu’ils et elles nous livrent leurs astuces pour refaire scin­tiller nos vies. 

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Sophie Fontanel, journaliste

Son compte Instagram est un concen­tré de bonne humeur. Journaliste, influen­ceuse et écri­vaine sans filtre, elle a plus d’une corde à son arc.

« La dou­ceur fait que je peux m’émerveiller. Le bon­heur ne peut pas se défaire d’une part d’indulgence. Indulgence envers les autres et envers soi-​même. L’autre jour, j’avais un rendez-​vous dans Paris. Eh bien, dans la rue, l’architecture des fenêtres était tel­le­ment belle que j’ai osé le déca­ler pour m’accorder trois quarts d’heure de flâ­ne­rie, en essayant de me sou­ve­nir du temps où j’étudiais… 
Pour être heu­reuse, aus­si, je range. Faire le tri, c’est se libé­rer des strates de nous que nous avons entas­sées et qui ne sont plus nous. Je “range” aus­si ma jour­née. En par­ti­cu­lier, les moments où je touche au télé­phone. Ils sont rem­pla­cés par la lit­té­ra­ture. Je la garde à por­tée de main. Il y a le Journal de Delacroix à côté de mon lit. Je tra­vaille beau­coup le dimanche pour avoir le sen­ti­ment d’avoir volé le lun­di à l’ordre du temps. Et à 18 heures, j’imagine qu’une porte s’ouvre. Un temps à moi. Je mets une sublime robe un peu longue, je suis pieds nus et je fais comme si j’étais en ter­rasse. Je dresse la table, avec de la très jolie vais­selle genre coque­tiers en argent trou­vés sur Le Bon Coin. 
Quand j’ai un énorme coup de mou, j’achète des fleurs – des ané­mones, un truc pas cher, mais royal –, je mets le corps au repos et je me lis des Agatha Christie. Quand le cer­veau trouve ce qui ne va pas dans le roman en dénouant l’intrigue, je trouve ce qui ne va pas en moi. Il y a aus­si les Notes de che­vet, de Sei Shonagon. Elle vivait au Japon au Xe siècle et fai­sait des listes de tout ce qu’elle remar­quait. Du type “choses qu’on ne peut pas regar­der deux fois sans pouf­fer de rire”. Ces listes qui viennent d’un pas­sé si loin­tain aident à rela­ti­vi­ser notre époque. 
Changer ses draps, enfin. Ça coûte rien ! Et un drap de lit blanc c’est sensationnel ! » 

Sébastien Tellier, musicien

Le musi­cien le plus bar­ré de France a sor­ti, début 2020, Domesticated : un album très paillettes-​Covid pour s’émerveiller de la « vie domes­tique ».

« On a beau tordre la réflexion dans tous les sens, ce dont on a besoin en ce moment, c’est d’amour. Aimer et être aimé. Ça passe par des petites atten­tions : offrir un jouet, des cartes Pokémon à ses enfants. Entre adultes, ten­ter d’obtenir du gla­mour. Mettre un peu de Marvin Gaye ou de Snoop Dogg – il a un côté hyper sen­suel que j’aime bien. En dehors de l’amour, la drogue et l’alcool peuvent beau­coup de choses : un peu de bois­son, pas de réflexion et la joie peut naître ! 
Il y a aus­si des véri­tés dans des trucs archi quo­ti­diens. En réflé­chis­sant à la vie domes­tique, j’ai com­men­cé à trou­ver le liquide vais­selle beau. À un moment, j’en avais un jaune fluo bien épais. Cette trans­pa­rence colo­rée… Il me fai­sait rêver, comme les yoyos fluos de quand j’étais petit. Dans la salle de bains aus­si, les jolis fla­cons rem­plis de jolis liquides. On peut prendre un plai­sir fou à admi­rer tout ça. À consta­ter que son salon est bien ran­gé, puis s’allonger sur son canap. 
Descendre un paquet de Pim’s. Penser à des choses plus grandes. Quand le robot s’est posé sur Mars [la sonde Perseverance, le 18 février, ndlr], j’ai pas­sé une super soi­rée. Réfléchir au cos­mos, réa­li­ser que l’univers conti­nue de gran­dir, qu’il y a des trous noirs… Ça crée un espace de noblesse dans l’esprit, même si on est fri­voles par ailleurs. 
Pour fon­der un monde post-​Covid plus heu­reux, plu­sieurs pro­po­si­tions pour ter­mi­ner : que les Daft Punk se reforment. Que le Club Med soit gra­tuit. Les cam­pings aus­si. Les sucre­ries et le cho­co­lat aus­si. Et qu’on arrête enfin d’être pressés. » 

Mardi noir, psy youtubeuse

Qui de mieux que Madame « Psychanalyse-​toi la face » sur YouTube pour nous aider à com­prendre la période que l’on tra­verse ? Elle vient de sor­tir un livre, Êtes-​vous bien sûr d’être nor­mal ? (éd. Flammarion), qui parle du poids des conven­tions. Idéal en ces temps où tout semble cul par-​dessus tête. 

« Ça me fait mar­rer de pen­ser aux paillettes parce que je suis au bout de ma vie depuis des mois ! En ce moment, je trouve mon bon­heur dans la trans­gres­sion des inter­dits et le contour­ne­ment des règles. Aller chez une pote le ven­dre­di juste avant 18 heures et y res­ter tout le week-​end. Et dans le “click and col­lect” de petits plats des res­tos du quar­tier aus­si ! Même si je pré­fé­re­rais lar­ge­ment consom­mer sur place. La bouffe a quand même pris une place cen­trale ces der­niers mois. Fini le hou­mous en bar­quette, main­te­nant, on pré­pare des bons petits plats quand on se retrouve entre potes. Quand je suis seule, je ne lésine pas sur les saveurs non plus. À défaut de pou­voir s’embrasser, misons sur les plai­sirs de la bouche. 
Je m’achète aus­si plein de fleurs, comme des orchi­dées un peu étranges et véné­neuses, pour habiller mon inté­rieur. Je suis une grosse fêtarde en temps nor­mal : j’avais l’habitude de sor­tir un soir sur deux. Au pre­mier confi­ne­ment, j’y allais fran­co sur le mau­vais rouge de Franprix et je me suis un peu fait peur. J’ai rem­pla­cé par un grand bol de Ricoré au lait devant la télé. Figurez-​vous que ça me fait beau­coup de bien ce truc, ça me calme. Je bois tou­jours de l’alcool, mais je me concentre sur la qua­li­té, en gros, ce que j’achète chez mon caviste. Les petits com­merces, c’est vrai­ment mon refuge. Je peux y res­ter un long moment pour taper la dis­cute. Je sais plein de trucs sur la ges­tion des stocks, les aides… Dès que je sens qu’il y a une ouver­ture pour papo­ter, pour râler ensemble ou pour se sou­hai­ter bon cou­rage, je fonce. » 

David Foenkinos, romancier

Romancier, Goncourt des lycéens 2014, il a publié, en 2020, un roman sur l’ennui (La Famille Martin, éd. Gallimard). Il sait donc for­cé­ment com­ment le tuer !

« Une seule phrase pour le moment pour mettre des paillettes : se désa­bon­ner de Netflix. Ou alors voya­ger n’importe où, prendre n’importe quel train. J’en suis à rêver d’un week-​end à Limoges. Organiser des soi­rées bisous. Dès qu’on aura vain­cu le virus, on se fait des soi­rées où tout le monde se fait la bise. Une sorte de par­touze de la tendresse. »

Marjane Satrapi, bédéaste

La rési­lience, ça lui parle. C’est pour ça qu’elle a écrit et des­si­né Persepolis (2000). Marjane Satrapi sait vivre et sai­sir le beau là où il se niche. 

« L’année pro­chaine, je pro­pose qu’on refête tous notre anni­ver­saire et qu’un décret natio­nal nous retire un an d’âge, puisqu’on nous a enle­vé cette année. Au quo­ti­dien, sinon, j’essaie de mul­ti­plier les ren­contres. Dès qu’il y a quelqu’un qui me parle dans la rue, je dis­cute, alors que je ne le fai­sais pas avant. Parfois, j’enlève le masque, parce que mon “beau” à moi, c’est de sou­rire aux gens et qu’ils me sou­rient. Et puis je fais des blagues. La moi­tié du temps, les gens ne com­prennent pas à cause du fou­tu masque, mais j’essaie ! Depuis cette année, j’ai des étu­diants dans une école d’animation. Pour mettre des paillettes dans leur vie, je leur dis de venir dans mon ate­lier dès qu’ils veulent. Oui, je brave les règles. J’essaie de sor­tir faire un petit tour après 18 heures, quitte à me prendre 135 euros d’amende ! C’est vital, ça atté­nue la colère.
Je prends des bains deux fois par jour, aus­si. J’ai cinq gels douche. Je mets une sen­teur sur tel bras, une autre sur l’autre bras… C’est pas éco­lo, je sais. Mais ça me donne l’impression de pas­ser un cha­pitre dans ma jour­née confi­née. Sinon, j’ai essayé à peu près tout ce qu’il y avait dans ma garde-​robe. Je m’habille comme si je par­tais en soi­rée à 22 heures. Puis je me déma­quille et me couche. J’imagine aus­si tout ce que je vais faire quand ce sera fini. Ça m’a fait réa­li­ser que cette crise m’a ren­due phi­lan­thrope ! Toutes les fêtes aux­quelles je n’aurais pas par­ti­ci­pé avant, j’irai et je léche­rai les bras des gens ! Plus jamais je ne vais leur en vou­loir de mar­cher trop len­te­ment dans la rue ou de crier à trois heures du mat tel­le­ment je serai contente. J’achèterai même des pétales pour leur lan­cer des­sus depuis ma fenêtre ! » 

Camille Aumont Carnel, influen­ceuse plaisir

Papesse du plai­sir sur Insta, avec son compte Je m’en bats le cli­to, elle sort sur Brut, fin avril, une série sur la sexualité.

« Le pre­mier tips pour remettre des paillettes dans sa vie sexuelle, c’est : accep­tons de ne PAS avoir envie. Quand tu vis, traînes et tra­vailles dans 20 mètres car­rés, je peux com­prendre que ça ne soit pas un enjeu… Une fois qu’on a dit ça, cette période peut être un excellent moyen d’explorer de nou­velles pistes. Notamment en termes de mas­tur­ba­tion. Réhabiliter tous nos sens, réflé­chir aux odeurs, aux tex­tures… Certains draps nous donnent plus envie que d’autres de nous offrir du plai­sir soli­taire. Établir des rituels, aus­si : après la douche, allu­mer une bou­gie, mettre un pschitt de par­fum… Ce sont des choses que j’ai mises en place et qui m’aident vache­ment. Se remé­mo­rer com­ment on se sen­tait bien lors de nos meilleures par­ties de jambes en l’air… 
Sinon, il y a des outils géniaux qui per­mettent de plon­ger dans des his­toires qu’on ne peut pas for­cé­ment vivre, comme Voxx ou Dispea – rien que leur compte Insta m’excite ! Le tra­vail de ouf d’Erika Lust [réa­li­sa­trice de films por­nos fémi­nistes, ndlr], aus­si, a chan­gé la façon dont je me mas­tur­bais. Et enfin, les sex­toys. Une fois que nos doigts nous ont saou­lées et si on ne se met pas la pres­sion en mode “per­for­mance”, c’est très cool. Suffit d’en trou­ver un pas cher qu’on estime ras­su­rant, en com­pa­rant les comptes Insta des marques. Je rap­pelle qu’il n’y a pas écrit “sex­toy” en gros sur la boîte quand tu reçois le colis, alors pas de crainte ni de culpabilisation ! » 

Jean Le Cam

À 61 ans, il a été le héros du Vendée Globe 2020–2021 en sau­vant son concur­rent Kevin Escoffier. Pas meilleur can­di­dat pour nous rap­pe­ler que, dans la vie, “Yes We Cam”.

« Le truc le plus éton­nant, c’est de voir la nature qui reprend ses droits. Quand t’as des oiseaux sur la route qui ne bougent pas même quand la voi­ture arrive, tu prends conscience que cette période avec moins d’activité est, pour les ani­maux, un confort, quelque chose de posi­tif. Et que l’homme n’est qu’un par­mi les autres. C’est une vraie source de joie. 
Se dire aus­si qu’à l’échelle d’une vie, un an, c’est tout petit ! Et le pire est der­rière nous, car c’est tou­jours le début qui est le plus dif­fi­cile. Il n’y a que deux options : soit on va conti­nuer à s’habituer – l’être humain est incroya­ble­ment résis­tant –, soit ça va finir par s’améliorer. “Après la pluie, le beau temps”, comme on dit chez nous ! Pendant le Vendée Globe 2008, quand j’ai per­du ma quille, que j’ai cha­vi­ré au cap Horn et que je suis res­té blo­qué dix-​neuf heures à l’intérieur du bateau [Jean Le Cam avait alors lui-​même été sau­vé par son concur­rent Vincent Riou, ndlr], je me disais : “Tinquiète pas, Jean, ça va mieux se pas­ser que ce que tu ima­gines.” Si je ne m’étais pas dit ça, je serais mort. Donc, il ne faut jamais perdre la moti­va­tion ! Et c’est tou­jours dans les situa­tions les plus sérieuses que les fous rires arrivent, car ça demande une dose de déca­lage. 
Ce que je vou­drais là, par exemple, c’est mon­ter dis­cre­tos en haut de la tour Eiffel, la nuit, avec un paquet de pétards. Et là, en haut, je fais un feu d’artifice de malade ! Une explo­sion, une lumière dans la nuit ! Non seule­ment j’adorerais, mais, en plus, ça ferait plai­sir à tout le monde autour… Ouais, fau­drait convaincre les poli­tiques de faire des grands feux d’artifice. Avec trois coups de pétard finaux qui signa­le­ront que le Covid est fini : clac clac clac ! » 

Fabienne Sintes, journaliste 

Elle a la patate et beau­coup d’humour. Ça s’entend tous les jours dans son émis­sion, le 18/​20, sur France Inter. 

« Une des manières de trou­ver du sens, c’est de se fixer des chal­lenges qui rendent un peu fier de soi. Moi, j’ai arrê­té de fumer. Oui, c’est la troi­sième fois, mes potes se foutent de moi, mais bon. Moi qui suis plu­tôt nageuse, j’ai même fini par me mettre à cou­rir. J’avais pas cou­ru plus de vingt minutes depuis le bac ! Écoutez, c’est pas si désa­gréable. C’est une petite décou­verte de soi. Sinon, j’ai VRAIMENT fait les soldes. J’ai ache­té trois futes, un blou­son en cuir et… des bottes cava­lières. Me deman­dez pas pour­quoi. Ça devien­dra peut-​être une espèce de butin de confi­ne­ment, mais pour l’instant, j’adore. 
Pour m’évader, je fais comme les enfants qui se demandent “qu’est-ce que je vais faire quand je serai grand ?”, mais en mode post-​Covid. Du genre : est-​ce que j’aurai envie d’aller d’abord au théâtre ? De voir au ciné un film que j’ai raté ou un nou­veau ? Il ne faut pas hési­ter à créer de la rigo­lade. Un des moments joyeux de mes confi­ne­ments vient de Twitter. J’avais fait une blague genre “reve­nons à des choses fon­da­men­tales, quand est-​ce qu’on va pou­voir man­ger des Figolu ? [bis­cuits à la figue sor­tis du com­merce il y a quelques années, ndlr]” Les gens sont ren­trés dans le jeu. C’est deve­nu un vrai truc de par­tage fes­tif col­la­bo­ra­tif et sym­pa. Le fabri­cant a fina­le­ment annon­cé qu’ils les res­sus­ci­taient ! Franchement c’est dans le top 3 – même le top 1 – des vic­toires col­lec­tives du confi­ne­ment à l’échelle mondiale. » 

Barbara Butch, DJ

Queen des dan­ce­floors grâce à ses DJ sets enflam­més et icône queer, elle n’a pas son pareil pour rendre la fête plus folle.

« Mon apo­théose au quo­ti­dien, c’est la fin de la semaine. Grâce aux soi­rées L’appart chez moi, que j’organise sur Zoom depuis le pre­mier confi­ne­ment. C’est comme une grosse soi­rée de mariage sans oncle relou. Parfois, même si j’ai pas envie ou le cou­rage, ça remet du baume au cœur pour toute la semaine de voir les gens dan­ser. Il y a un truc qui se passe. On a fait une tren­taine de soi­rées. Depuis, c’est une famille. Certains couples se sont for­més. Il y a même des bébés conçus grâce à L’appart chez moi. Le 31 décembre, il y a eu deux-​trois demandes en mariage… C’est chouette de voir ce public com­plè­te­ment mélan­gé – avec, par­fois, des enfants en bas âge, des grands-​mères avec leurs petites-​filles – rire ensemble. 
Et puis il faut se dire que c’est pos­sible de ren­con­trer quelqu’un pen­dant cette période. Moi, j’ai ren­con­tré ma copine durant le confi­ne­ment. Elle m’a écrit. Et voi­là ! Ça per­met de se rap­pe­ler que, quand on est prêt à accueillir une ren­contre, il y a tou­jours moyen d’y arri­ver ! Mon der­nier conseil serait de réécou­ter des mor­ceaux qui nous ont tou­chés dans des moments où on per­dait pied pour se recon­nec­ter à cette sen­sa­tion de bon­heur qu’on a déjà vécue. Ça marche direct, comme un inter­rup­teur que t’allumes. Si t’écoutes par exemple Big Up de Diam’s, t’es une war­rior et plus rien ne peut t’arrêter ! »

Maurice Barthélemy, réa­li­sa­teur et auteur

L’ancien des Robins des bois, deve­nu réa­li­sa­teur, vient de signer un livre inti­tu­lé Fort comme un hyper­sen­sible (éd. Michel Lafon). Rigolo et à fleur de peau, le par­fait combo.

« Je laisse place à toute la bêtise qu’il y a dans ma tête. Je me donne une entière liber­té de conne­rie. Lors du pre­mier confi­ne­ment, j’ai fait quelques vidéos comme celle de l’homme – moi – qui se fait aspi­rer par son propre aspi­ra­teur. J’ai tour­né ça tout seul avec mon télé­phone, j’ai fait un petit mon­tage et un quart d’heure plus tard, je l’ai pos­té sur les réseaux sociaux. Les gens ont eu l’air d’aimer et moi, ça m’a fait rire. Je me suis créé un moment drôle et éphé­mère. Depuis un an, notre plai­sir s’est vrai­ment res­treint, donc il faut s’accorder tout ce qui peut nous en pro­cu­rer de façon facile et rapide. 
L’apéro en plein après-​midi ? Mais oui, bien sûr, allons‑y (avec modé­ra­tion). Autorisons-​nous à peu près tout ! Bon, je décon­seille quand même de fra­cas­ser la porte de votre voi­sin, si c’est ça que vous rêvez de faire. Mais vous pou­vez par exemple son­ner chez lui et lui pro­po­ser un cours de danse ou un petit verre. Depuis quelques mois, je suis l’heureux pro­prié­taire d’un robot culi­naire ache­té chez Lidl. Avec ce mon­sieur Robot, on a fait pas mal de flans pâtis­siers et de tartes au citron. C’était bon. Il faut aus­si cher­cher les petits moments de grâce. Quand j’étais confi­né, je me suis sur­pris à dan­ser seul sur ma ter­rasse sur de la sal­sa à mort – c’est un truc récent, mais je ne me sou­viens pas du titre, déso­lé – pen­dant vingt minutes. On n’est pas vrai­ment seul quand on danse la salsa. » 

Lili Barbery, prof de yoga

Pendant le pre­mier confi­ne­ment, les séances de médi­ta­tion gra­tuites sur Instagram de cette ancienne jour­na­liste deve­nue prof de yoga ont per­mis à pas mal de gens d’éviter de péter un câble. Inspirez, expiiiiiiirez. 

« J’étais jus­te­ment en train de dan­ser en pré­pa­rant de la tisane quand vous m’avez appe­lée. J’ai mis Da Funk, de Daft Punk, un bon vieux tube des familles, à fond dans ma cui­sine, et je me suis lâchée. J’adore dan­ser et faire la conne comme ça. Je le fais beau­coup avec ma fille de 13 ans et demi. Se secouer dans tous les sens, ça fait un bien fou, non ? Y a rien de plus dégueu que les eaux stag­nantes. Vous avez déjà sen­ti le fond d’un vase quand les fleurs y sont res­tées des jours entiers ? Je me dis que notre corps, c’est pareil. Donc je bouge. Quand je sens que la mar­mite va explo­ser, je m’isole dans une pièce, la salle de bains par exemple, et je pra­tique la res­pi­ra­tion du feu. Vous ne connais­sez pas ? Je vais vous expli­quer. Par contre, il ne faut pas la pra­ti­quer en cas de gros­sesse ou les deux pre­miers jours du cycle mens­truel. On ins­pire par le nez et on expire en essayant de pla­quer son nom­bril contre sa colonne ver­té­brale. Il faut que ça soit ryth­mique et léger. Ça active le feu dans le corps, ça vide, comme si on avait ouvert une fenêtre. 
J’essaie de prendre soin de mon corps, pas comme une injonc­tion, mais parce que c’est un véhi­cule et que j’essaie de gar­der de l’énergie pour affron­ter les situa­tions et évi­ter de som­brer dans la peur ou dans la plainte. Je n’ai pas par­ti­cu­liè­re­ment de paillettes dans ma garde-​robe, à part une paire de chaus­sures qui me donne l’impression d’être Dorothy dans Le Magicien d’Oz, mais la lumière et les reflets lumi­neux me font du bien. Dans les cours de yoga que je donne, j’utilise sou­vent l’image de la pluie de paillettes ou du miroi­te­ment paille­té à la sur­face de l’eau, car je trouve que c’est por­teur d’un ima­gi­naire très fort. » 

Rokhaya Diallo, jour­na­liste et militante

Réalisatrice, jour­na­liste et mili­tante, elle met des paillettes dans la lutte fémi­niste et anti­ra­ciste à coups de pun­chlines sur Twitter. Et par­vient tou­jours à gar­der son calme face aux haters. 

« Le truc le plus fou pour aller bien ? Avoir un rythme quo­ti­dien. Franchement, com­prendre à nou­veau l’importance du repos, le fait d’être réglée, de man­ger à l’heure, c’est wow. Apprendre des cho­ré­gra­phies, aus­si, c’est cool. Mon com­pa­gnon danse hyper bien, alors je lui ai deman­dé de m’apprendre le moon­walk. Comme ça, je pour­rai per­for­mer dès qu’on refe­ra des soi­rées ! Ou apprendre une langue. Je ne parle pas très bien le wolof [langue séné­ga­laise, pays d’origine de Rokhaya Diallo, ndlr]. M’y mettre sérieu­se­ment, pour renouer avec les membres de ma famille avec qui j’avais du mal à com­mu­ni­quer, c’est bon pour le cœur. 
Se faire des masques, des trucs à l’huile. Avec Le Cheveutologue, par exemple, sur Instagram. Il apprend aux femmes d’origine afri­caine à s’occuper de leurs che­veux selon leurs savoirs ances­traux. Regarder des séries ou man­ger des trucs sucrés, c’est un autre hob­by. Aller à la bou­lan­ge­rie et regar­der leurs nou­velles pâtis­se­ries, oh là là… C’est ma sor­tie pour retom­ber en enfance. Pour remettre des paillettes dans la vie d’une copine qui est au bout du rou­leau : lui rap­pe­ler un moment catas­tro­phique de sa vie, pire que main­te­nant. Envoyer des pho­tos mar­rantes d’Internet, sinon, j’adore. Les mèmes sur Sarkozy font vrai­ment du bien ! [Rokhaya Diallo nous envoie dans la fou­lée une pho­to de Karl Marx avec une fausse cita­tion : “Inch’Allah” et une légende : “Manifeste de l’islamogauchisme”]. Pour mettre des paillettes dans nos vies, on peut vrai­ment en por­ter. Avec des bas­kets argen­tées, des vête­ments qui brillent… Dans une ville gri­sâtre, ça remonte le moral. » 

Clémentine Mélois, artiste

Plasticienne, pho­to­graphe, écri­vaine. Avec son roman-​photo, Les Six Fonctions du lan­gage (éd. Seuil) fraî­che­ment publié, elle porte l’humour en ban­dou­lière. Qu’importe le fla­con, pour­vu qu’elle ait l’ivresse de la créa­tion et du détournement. 

« J’ai quelques satis­fac­tions impa­rables : man­ger des frites – c’est tou­jours joyeux de man­ger des frites, non ? –, lire un livre de Jean Echenoz en gri­gno­tant quelques bis­cuits et dan­ser en chaus­settes dans mon salon sur Toxic, de Britney Spears. C’est essen­tiel de gar­der ses chaus­settes pour glis­ser et ondu­ler cor­rec­te­ment. 
J’ai tou­jours eu ten­dance à regar­der la vie avec une forme de déta­che­ment et de déca­lage, en m’attardant sur les détails. 
La période actuelle est inquié­tante et absurde, donc, au lieu de dépri­mer, j’en fais un objet d’étude. J’imagine le visage de mon voi­sin dans le bus, en son­geant que sous son masque, c’est peut-​être Keanu Reeves. Il y a de fortes chances pour que ça ne soit pas lui, mais au moins, je m’octroie de pré­cieuses minutes de rêve­rie. Je col­lec­tionne les listes de courses que les gens oublient au super­mar­ché ou font tom­ber par terre. Je m’invente des his­toires à par­tir de ces listes : un rendez-​vous amou­reux, des jeunes qui vivent en colo­ca­tion… 
Lors du pre­mier confi­ne­ment, je n’arrivais ni à lire ni à écrire. Alors j’ai essayé de me chan­ger les idées en cher­chant et en créant des images déca­lées venues ‑d’Internet, des col­lages qui mêlent des cha­tons, des pan­go­lins, que j’ai par­ta­gés sur les réseaux sociaux. C’est deve­nu un livre, que j’ai inti­tu­lé Bon pour un jour de légè­re­té (éd. Grasset). » 

Alice Zeniter, écrivaine

Écrivaine, Goncourt des lycéens 2017, elle vient de publier Je suis une fille sans his­toire (éd. L’Arche), réflexion sur la fabrique des grands récits depuis l’Antiquité. Bonne base pour apprendre à lâcher son imaginaire.

« J’ai galé­ré cet hiver, donc je suis aus­si des­ti­na­taire de votre dos­sier. Pour aller mieux, je pense à… me limer les ongles devant une série télé. Improviser une recette de cui­sine, la plan­ter, me dire que c’est une cata, la man­ger et me dire que c’est bon quand même. Traîner en librai­rie et ache­ter des livres. Après avoir vu cer­tains com­merces fer­més, s’y rendre donne l’impression de faire un geste pirate. Ce sont des petits déca­lages dans les­quels je trouve une cer­taine joie de vivre. 
Brûler du bois de figuier dans ma che­mi­née. Ça recrée un peu un ham­mam. De tous les sens, l’odorat me semble être le plus brut, le moins conscien­ti­sé. Le récon­fort qu’on peut trou­ver dans une odeur est char­gé d’une dimen­sion pri­mi­tive. C’est lié à l’enfance. Ça nous cajole. J’aime bien l’idée de hur­le­ments régu­liers, sinon. Une fois par heure, on se lais­se­rait aller, comme les cloches des églises, pour éva­cuer les minutes qui viennent de s’écouler. C’est plus simple que faire du yoga ! On est tou­jours prêt pour un bon cri. Si l’heure a été bonne, on chante. On se fait un petit yodel suisse. 
Niveau lec­ture, soit on lit une bonne grosse tra­gé­die qui fait rela­ti­vi­ser, comme L’Autre Moitié du soleil, de Chimamanda Ngozi Adichie. Soit un truc léger et drôle comme Et si l’amour c’était aimer ?, de Fabcaro, ou L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, le Goncourt de cette année. Pas éton­nant qu’il se soit si bien ven­du : on res­sent un plai­sir régres­sif dans les blagues qui s’y trouvent et la science–fiction com­plè­te­ment folle nous fait sor­tir du réel. » 

Eva Bester, journaliste

Tous les dimanches sur France Inter, elle ques­tionne ses invité·es sur leurs « remèdes à la mélan­co­lie ». Elle en connaît un rayon sur la lutte contre le petit coup de mou.

« Comment je remets des paillettes et du récon­fort dans ma vie ? En pre­nant en pho­to mes chiens ima­gi­naires appa­rus pen­dant le pre­mier confi­ne­ment. Regardez, en voi­ci une de leur lea­der : Permafrost. L’existence des chiens et les livres seront tou­jours des réjouis­sances éter­nelles. 
Je fais des fêtes de dan­dy en pyja­ma avec Flaubert, Cioran, Vialatte, Huysmans ou Bret Easton Ellis. Parfois, je mets mon kimo­no et fais des katas de kara­té grâce à la chaîne YouTube Karate at home. Mais ce sont mes amis qui sont ma plus grande source de joie, car ils sont une famille choi­sie. On s’appelle en imi­tant des voix absurdes. Quand rien ne marche, je me défonce en regar­dant des croix de phar­ma­cie cli­gno­ter et je mange des cor­ni­chons polonais. »

Valérie Donzelli, réalisatrice

La réa­li­sa­trice de La Reine des pommes, La guerre est décla­rée ou Notre dame vient de ter­mi­ner le tour­nage d’une série pour Arte qui raconte la gros­sesse d’une femme de 70 ans. Elle s’y connaît en fan­tai­sie et en tendresse. 

« J’en ai ras-​le-​bol des masques et des tests PCR dans le nez, quel enfer ce truc quand même. Il n’y a rien d’agréable dans ce virus. Mais comme j’aime être de bonne humeur, que je déteste faire la gueule, je me suis cher­ché des moyens d’égayer le quo­ti­dien et ça tombe bien : il m’en faut peu pour être heu­reuse. 
Déjà, j’ai mis un super papier peint à fleurs, très gai et très années 1970, dans mon appar­te­ment. Et je m’occupe aus­si de mes petites plantes d’intérieur. Je les arrose, je net­toie les feuilles. Le truc impa­rable, c’est de lan­cer ce que j’appelle “une séquence boum” : je me mets à dan­ser avec mes enfants. On met Whitney Houston, Jean-​Jacques Goldman ou bien du rap – la play­list est variée – et on se déchaîne. Je suis très joueuse, donc on fait aus­si des par­ties de Scrabble, de cartes ou de Gagne ton papa ! C’est un jeu de construc­tion avec des formes géo­mé­triques en bois où les enfants peuvent lan­cer des défis aux adultes. Ce que j’adore faire aus­si, c’est prendre soin de moi en me met­tant des crèmes. Je trouve que ça remonte le moral. Et puis la lec­ture aus­si, évi­dem­ment. Je me couche beau­coup plus tôt qu’avant et je prends un livre. Je suis en train de dévo­rer L’Inconnu de la poste, de Florence Aubenas. » 

Hervé, musi­cien

Son clip confi­né de Si bien du mal, où il se tré­mousse comme un beau diable en fai­sant des crêpes, nous a don­né envie de lui deman­der sa recette per­so des bonnes vibes

« Ma doc­trine pour que ça pétille, c’est de tou­jours être à fond. Ma vie, à aucun moment je veux la pas­ser en mode avion. J’ai arrê­té d’hésiter. Si j’ai envie d’aller voir ma famille, de ren­trer en Bretagne pour sur­fer, j’y vais. Si j’ai deux jours, je me fais tes­ter et je fonce. Être dans l’eau me rend vrai­ment heu­reux. Et voir mon chat, Pucci, aus­si. J’essaie de ne pas me lais­ser dis­traire par les dis­cours de Jeannot Lapin [Jean Castex, si tu nous lis, ndlr]. Il ne faut pas hési­ter à se dire qu’on s’aime et qu’on se manque. »

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