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Crise sani­taire : com­ment remettre des paillettes dans nos vies ?

Dieu que la traversée est longue ! Plus d’un an déjà que nos vies sont confinées, rétrécies, ternies. Quand elles ne sont pas meurtries.
Alors chez Causette, on s’est retroussé les manches pour participer, à notre niveau, à l’effort collectif, pour vous redonner goût à la vie et confiance en l’avenir (oui, c’est aussi notre slogan pour 2022).
Nous avons tendu notre micro virtuel à des artistes, écrivain·es, cinéastes, humoristes et autres trublions sachant savourer les petits riens de l’existence et sublimer le quotidien afin qu’ils et elles nous livrent leurs astuces pour refaire scintiller nos vies.

Déroulez en cliquant sur l'icone + pour les lire !

Sophie Fontanel, journaliste

Son compte Instagram est un concentré de bonne humeur. Journaliste, influenceuse et écrivaine sans filtre, elle a plus d’une corde à son arc.

« La douceur fait que je peux m’émerveiller. Le bonheur ne peut pas se défaire d’une part d’indulgence. Indulgence envers les autres et envers soi-même. L’autre jour, j’avais un rendez-vous dans Paris. Eh bien, dans la rue, l’architecture des fenêtres était tellement belle que j’ai osé le décaler pour m’accorder trois quarts d’heure de flânerie, en essayant de me souvenir du temps où j’étudiais… 
Pour être heureuse, aussi, je range. Faire le tri, c’est se libérer des strates de nous que nous avons entassées et qui ne sont plus nous. Je “range” aussi ma journée. En particulier, les moments où je touche au téléphone. Ils sont remplacés par la littérature. Je la garde à portée de main. Il y a le Journal de Delacroix à côté de mon lit. Je travaille beaucoup le dimanche pour avoir le sentiment d’avoir volé le lundi à l’ordre du temps. Et à 18 heures, j’imagine qu’une porte s’ouvre. Un temps à moi. Je mets une sublime robe un peu longue, je suis pieds nus et je fais comme si j’étais en terrasse. Je dresse la table, avec de la très jolie vaisselle genre coquetiers en argent trouvés sur Le Bon Coin. 
Quand j’ai un énorme coup de mou, j’achète des fleurs – des anémones, un truc pas cher, mais royal –, je mets le corps au repos et je me lis des Agatha Christie. Quand le cerveau trouve ce qui ne va pas dans le roman en dénouant l’intrigue, je trouve ce qui ne va pas en moi. Il y a aussi les Notes de chevet, de Sei Shonagon. Elle vivait au Japon au Xe siècle et faisait des listes de tout ce qu’elle remarquait. Du type “choses qu’on ne peut pas regarder deux fois sans pouffer de rire”. Ces listes qui viennent d’un passé si lointain aident à relativiser notre époque. 
Changer ses draps, enfin. Ça coûte rien ! Et un drap de lit blanc c’est sensationnel ! » 

Sébastien Tellier, musicien

Le musicien le plus barré de France a sorti, début 2020, Domesticated : un album très paillettes-Covid pour s’émerveiller de la « vie domestique ».

« On a beau tordre la réflexion dans tous les sens, ce dont on a besoin en ce moment, c’est d’amour. Aimer et être aimé. Ça passe par des petites attentions : offrir un jouet, des cartes Pokémon à ses enfants. Entre adultes, tenter d’obtenir du glamour. Mettre un peu de Marvin Gaye ou de Snoop Dogg – il a un côté hyper sensuel que j’aime bien. En dehors de l’amour, la drogue et l’alcool peuvent beaucoup de choses : un peu de boisson, pas de réflexion et la joie peut naître ! 
Il y a aussi des vérités dans des trucs archi quotidiens. En réfléchissant à la vie domestique, j’ai commencé à trouver le liquide vaisselle beau. À un moment, j’en avais un jaune fluo bien épais. Cette transparence colorée… Il me faisait rêver, comme les yoyos fluos de quand j’étais petit. Dans la salle de bains aussi, les jolis flacons remplis de jolis liquides. On peut prendre un plaisir fou à admirer tout ça. À constater que son salon est bien rangé, puis s’allonger sur son canap. 
Descendre un paquet de Pim’s. Penser à des choses plus grandes. Quand le robot s’est posé sur Mars [la sonde Perseverance, le 18 février, ndlr], j’ai passé une super soirée. Réfléchir au cosmos, réaliser que l’univers continue de grandir, qu’il y a des trous noirs… Ça crée un espace de noblesse dans l’esprit, même si on est frivoles par ailleurs. 
Pour fonder un monde post-Covid plus heureux, plusieurs propositions pour terminer : que les Daft Punk se reforment. Que le Club Med soit gratuit. Les campings aussi. Les sucreries et le chocolat aussi. Et qu’on arrête enfin d’être pressés. » 

Mardi noir, psy youtubeuse

Qui de mieux que Madame « Psychanalyse-toi la face » sur YouTube pour nous aider à comprendre la période que l’on traverse ? Elle vient de sortir un livre, Êtes-vous bien sûr d’être normal ? (éd. Flammarion), qui parle du poids des conventions. Idéal en ces temps où tout semble cul par-dessus tête. 

« Ça me fait marrer de penser aux paillettes parce que je suis au bout de ma vie depuis des mois ! En ce moment, je trouve mon bonheur dans la transgression des interdits et le contournement des règles. Aller chez une pote le vendredi juste avant 18 heures et y rester tout le week-end. Et dans le “click and collect” de petits plats des restos du quartier aussi ! Même si je préférerais largement consommer sur place. La bouffe a quand même pris une place centrale ces derniers mois. Fini le houmous en barquette, maintenant, on prépare des bons petits plats quand on se retrouve entre potes. Quand je suis seule, je ne lésine pas sur les saveurs non plus. À défaut de pouvoir s’embrasser, misons sur les plaisirs de la bouche. 
Je m’achète aussi plein de fleurs, comme des orchidées un peu étranges et vénéneuses, pour habiller mon intérieur. Je suis une grosse fêtarde en temps normal : j’avais l’habitude de sortir un soir sur deux. Au premier confinement, j’y allais franco sur le mauvais rouge de Franprix et je me suis un peu fait peur. J’ai remplacé par un grand bol de Ricoré au lait devant la télé. Figurez-vous que ça me fait beaucoup de bien ce truc, ça me calme. Je bois toujours de l’alcool, mais je me concentre sur la qualité, en gros, ce que j’achète chez mon caviste. Les petits commerces, c’est vraiment mon refuge. Je peux y rester un long moment pour taper la discute. Je sais plein de trucs sur la gestion des stocks, les aides… Dès que je sens qu’il y a une ouverture pour papoter, pour râler ensemble ou pour se souhaiter bon courage, je fonce. » 

David Foenkinos, romancier

Romancier, Goncourt des lycéens 2014, il a publié, en 2020, un roman sur l’ennui (La Famille Martin, éd. Gallimard). Il sait donc forcément comment le tuer !

« Une seule phrase pour le moment pour mettre des paillettes : se désabonner de Netflix. Ou alors voyager n’importe où, prendre n’importe quel train. J’en suis à rêver d’un week-end à Limoges. Organiser des soirées bisous. Dès qu’on aura vaincu le virus, on se fait des soirées où tout le monde se fait la bise. Une sorte de partouze de la tendresse. »

Marjane Satrapi, bédéaste

La résilience, ça lui parle. C’est pour ça qu’elle a écrit et dessiné Persepolis (2000). Marjane Satrapi sait vivre et saisir le beau là où il se niche. 

« L’année prochaine, je propose qu’on refête tous notre anniversaire et qu’un décret national nous retire un an d’âge, puisqu’on nous a enlevé cette année. Au quotidien, sinon, j’essaie de multiplier les rencontres. Dès qu’il y a quelqu’un qui me parle dans la rue, je discute, alors que je ne le faisais pas avant. Parfois, j’enlève le masque, parce que mon “beau” à moi, c’est de sourire aux gens et qu’ils me sourient. Et puis je fais des blagues. La moitié du temps, les gens ne comprennent pas à cause du foutu masque, mais j’essaie ! Depuis cette année, j’ai des étudiants dans une école d’animation. Pour mettre des paillettes dans leur vie, je leur dis de venir dans mon atelier dès qu’ils veulent. Oui, je brave les règles. J’essaie de sortir faire un petit tour après 18 heures, quitte à me prendre 135 euros d’amende ! C’est vital, ça atténue la colère.
Je prends des bains deux fois par jour, aussi. J’ai cinq gels douche. Je mets une senteur sur tel bras, une autre sur l’autre bras… C’est pas écolo, je sais. Mais ça me donne l’impression de passer un chapitre dans ma journée confinée. Sinon, j’ai essayé à peu près tout ce qu’il y avait dans ma garde-robe. Je m’habille comme si je partais en soirée à 22 heures. Puis je me démaquille et me couche. J’imagine aussi tout ce que je vais faire quand ce sera fini. Ça m’a fait réaliser que cette crise m’a rendue philanthrope ! Toutes les fêtes auxquelles je n’aurais pas participé avant, j’irai et je lécherai les bras des gens ! Plus jamais je ne vais leur en vouloir de marcher trop lentement dans la rue ou de crier à trois heures du mat tellement je serai contente. J’achèterai même des pétales pour leur lancer dessus depuis ma fenêtre ! » 

Camille Aumont Carnel, influenceuse plaisir

Papesse du plaisir sur Insta, avec son compte Je m’en bats le clito, elle sort sur Brut, fin avril, une série sur la sexualité.

« Le premier tips pour remettre des paillettes dans sa vie sexuelle, c’est : acceptons de ne PAS avoir envie. Quand tu vis, traînes et travailles dans 20 mètres carrés, je peux comprendre que ça ne soit pas un enjeu… Une fois qu’on a dit ça, cette période peut être un excellent moyen d’explorer de nouvelles pistes. Notamment en termes de masturbation. Réhabiliter tous nos sens, réfléchir aux odeurs, aux textures… Certains draps nous donnent plus envie que d’autres de nous offrir du plaisir solitaire. Établir des rituels, aussi : après la douche, allumer une bougie, mettre un pschitt de parfum… Ce sont des choses que j’ai mises en place et qui m’aident vachement. Se remémorer comment on se sentait bien lors de nos meilleures parties de jambes en l’air… 
Sinon, il y a des outils géniaux qui permettent de plonger dans des histoires qu’on ne peut pas forcément vivre, comme Voxx ou Dispea – rien que leur compte Insta m’excite ! Le travail de ouf d’Erika Lust [réalisatrice de films pornos féministes, ndlr], aussi, a changé la façon dont je me masturbais. Et enfin, les sextoys. Une fois que nos doigts nous ont saoulées et si on ne se met pas la pression en mode “performance”, c’est très cool. Suffit d’en trouver un pas cher qu’on estime rassurant, en comparant les comptes Insta des marques. Je rappelle qu’il n’y a pas écrit “sextoy” en gros sur la boîte quand tu reçois le colis, alors pas de crainte ni de culpabilisation ! » 

Jean Le Cam

À 61 ans, il a été le héros du Vendée Globe 2020-2021 en sauvant son concurrent Kevin Escoffier. Pas meilleur candidat pour nous rappeler que, dans la vie, “Yes We Cam”.

« Le truc le plus étonnant, c’est de voir la nature qui reprend ses droits. Quand t’as des oiseaux sur la route qui ne bougent pas même quand la voiture arrive, tu prends conscience que cette période avec moins d’activité est, pour les animaux, un confort, quelque chose de positif. Et que l’homme n’est qu’un parmi les autres. C’est une vraie source de joie. 
Se dire aussi qu’à l’échelle d’une vie, un an, c’est tout petit ! Et le pire est derrière nous, car c’est toujours le début qui est le plus difficile. Il n’y a que deux options : soit on va continuer à s’habituer – l’être humain est incroyablement résistant –, soit ça va finir par s’améliorer. “Après la pluie, le beau temps”, comme on dit chez nous ! Pendant le Vendée Globe 2008, quand j’ai perdu ma quille, que j’ai chaviré au cap Horn et que je suis resté bloqué dix-neuf heures à l’intérieur du bateau [Jean Le Cam avait alors lui-même été sauvé par son concurrent Vincent Riou, ndlr], je me disais : “Tinquiète pas, Jean, ça va mieux se passer que ce que tu imagines.” Si je ne m’étais pas dit ça, je serais mort. Donc, il ne faut jamais perdre la motivation ! Et c’est toujours dans les situations les plus sérieuses que les fous rires arrivent, car ça demande une dose de décalage. 
Ce que je voudrais là, par exemple, c’est monter discretos en haut de la tour Eiffel, la nuit, avec un paquet de pétards. Et là, en haut, je fais un feu d’artifice de malade ! Une explosion, une lumière dans la nuit ! Non seulement j’adorerais, mais, en plus, ça ferait plaisir à tout le monde autour… Ouais, faudrait convaincre les politiques de faire des grands feux d’artifice. Avec trois coups de pétard finaux qui signaleront que le Covid est fini : clac clac clac ! » 

Fabienne Sintes, journaliste

Elle a la patate et beaucoup d’humour. Ça s’entend tous les jours dans son émission, le 18/20, sur France Inter. 

« Une des manières de trouver du sens, c’est de se fixer des challenges qui rendent un peu fier de soi. Moi, j’ai arrêté de fumer. Oui, c’est la troisième fois, mes potes se foutent de moi, mais bon. Moi qui suis plutôt nageuse, j’ai même fini par me mettre à courir. J’avais pas couru plus de vingt minutes depuis le bac ! Écoutez, c’est pas si désagréable. C’est une petite découverte de soi. Sinon, j’ai VRAIMENT fait les soldes. J’ai acheté trois futes, un blouson en cuir et… des bottes cavalières. Me demandez pas pourquoi. Ça deviendra peut-être une espèce de butin de confinement, mais pour l’instant, j’adore. 
Pour m’évader, je fais comme les enfants qui se demandent “qu’est-ce que je vais faire quand je serai grand ?”, mais en mode post-Covid. Du genre : est-ce que j’aurai envie d’aller d’abord au théâtre ? De voir au ciné un film que j’ai raté ou un nouveau ? Il ne faut pas hésiter à créer de la rigolade. Un des moments joyeux de mes confinements vient de Twitter. J’avais fait une blague genre “revenons à des choses fondamentales, quand est-ce qu’on va pouvoir manger des Figolu ? [biscuits à la figue sortis du commerce il y a quelques années, ndlr]” Les gens sont rentrés dans le jeu. C’est devenu un vrai truc de partage festif collaboratif et sympa. Le fabricant a finalement annoncé qu’ils les ressuscitaient ! Franchement c’est dans le top 3 – même le top 1 – des victoires collectives du confinement à l’échelle mondiale. » 

Barbara Butch, DJ

Queen des dancefloors grâce à ses DJ sets enflammés et icône queer, elle n’a pas son pareil pour rendre la fête plus folle.

« Mon apothéose au quotidien, c’est la fin de la semaine. Grâce aux soirées L’appart chez moi, que j’organise sur Zoom depuis le premier confinement. C’est comme une grosse soirée de mariage sans oncle relou. Parfois, même si j’ai pas envie ou le courage, ça remet du baume au cœur pour toute la semaine de voir les gens danser. Il y a un truc qui se passe. On a fait une trentaine de soirées. Depuis, c’est une famille. Certains couples se sont formés. Il y a même des bébés conçus grâce à L’appart chez moi. Le 31 décembre, il y a eu deux-trois demandes en mariage… C’est chouette de voir ce public complètement mélangé – avec, parfois, des enfants en bas âge, des grands-mères avec leurs petites-filles – rire ensemble. 
Et puis il faut se dire que c’est possible de rencontrer quelqu’un pendant cette période. Moi, j’ai rencontré ma copine durant le confinement. Elle m’a écrit. Et voilà ! Ça permet de se rappeler que, quand on est prêt à accueillir une rencontre, il y a toujours moyen d’y arriver ! Mon dernier conseil serait de réécouter des morceaux qui nous ont touchés dans des moments où on perdait pied pour se reconnecter à cette sensation de bonheur qu’on a déjà vécue. Ça marche direct, comme un interrupteur que t’allumes. Si t’écoutes par exemple Big Up de Diam’s, t’es une warrior et plus rien ne peut t’arrêter ! »

Maurice Barthélemy, réalisateur et auteur

L’ancien des Robins des bois, devenu réalisateur, vient de signer un livre intitulé Fort comme un hypersensible (éd. Michel Lafon). Rigolo et à fleur de peau, le parfait combo.

« Je laisse place à toute la bêtise qu’il y a dans ma tête. Je me donne une entière liberté de connerie. Lors du premier confinement, j’ai fait quelques vidéos comme celle de l’homme – moi – qui se fait aspirer par son propre aspirateur. J’ai tourné ça tout seul avec mon téléphone, j’ai fait un petit montage et un quart d’heure plus tard, je l’ai posté sur les réseaux sociaux. Les gens ont eu l’air d’aimer et moi, ça m’a fait rire. Je me suis créé un moment drôle et éphémère. Depuis un an, notre plaisir s’est vraiment restreint, donc il faut s’accorder tout ce qui peut nous en procurer de façon facile et rapide. 
L’apéro en plein après-midi ? Mais oui, bien sûr, allons-y (avec modération). Autorisons-nous à peu près tout ! Bon, je déconseille quand même de fracasser la porte de votre voisin, si c’est ça que vous rêvez de faire. Mais vous pouvez par exemple sonner chez lui et lui proposer un cours de danse ou un petit verre. Depuis quelques mois, je suis l’heureux propriétaire d’un robot culinaire acheté chez Lidl. Avec ce monsieur Robot, on a fait pas mal de flans pâtissiers et de tartes au citron. C’était bon. Il faut aussi chercher les petits moments de grâce. Quand j’étais confiné, je me suis surpris à danser seul sur ma terrasse sur de la salsa à mort – c’est un truc récent, mais je ne me souviens pas du titre, désolé – pendant vingt minutes. On n’est pas vraiment seul quand on danse la salsa. » 

Lili Barbery, prof de yoga

Pendant le premier confinement, les séances de méditation gratuites sur Instagram de cette ancienne journaliste devenue prof de yoga ont permis à pas mal de gens d’éviter de péter un câble. Inspirez, expiiiiiiirez. 

« J’étais justement en train de danser en préparant de la tisane quand vous m’avez appelée. J’ai mis Da Funk, de Daft Punk, un bon vieux tube des familles, à fond dans ma cuisine, et je me suis lâchée. J’adore danser et faire la conne comme ça. Je le fais beaucoup avec ma fille de 13 ans et demi. Se secouer dans tous les sens, ça fait un bien fou, non ? Y a rien de plus dégueu que les eaux stagnantes. Vous avez déjà senti le fond d’un vase quand les fleurs y sont restées des jours entiers ? Je me dis que notre corps, c’est pareil. Donc je bouge. Quand je sens que la marmite va exploser, je m’isole dans une pièce, la salle de bains par exemple, et je pratique la respiration du feu. Vous ne connaissez pas ? Je vais vous expliquer. Par contre, il ne faut pas la pratiquer en cas de grossesse ou les deux premiers jours du cycle menstruel. On inspire par le nez et on expire en essayant de plaquer son nombril contre sa colonne vertébrale. Il faut que ça soit rythmique et léger. Ça active le feu dans le corps, ça vide, comme si on avait ouvert une fenêtre. 
J’essaie de prendre soin de mon corps, pas comme une injonction, mais parce que c’est un véhicule et que j’essaie de garder de l’énergie pour affronter les situations et éviter de sombrer dans la peur ou dans la plainte. Je n’ai pas particulièrement de paillettes dans ma garde-robe, à part une paire de chaussures qui me donne l’impression d’être Dorothy dans Le Magicien d’Oz, mais la lumière et les reflets lumineux me font du bien. Dans les cours de yoga que je donne, j’utilise souvent l’image de la pluie de paillettes ou du miroitement pailleté à la surface de l’eau, car je trouve que c’est porteur d’un imaginaire très fort. » 

Rokhaya Diallo, journaliste et militante

Réalisatrice, journaliste et militante, elle met des paillettes dans la lutte féministe et antiraciste à coups de punchlines sur Twitter. Et parvient toujours à garder son calme face aux haters. 

« Le truc le plus fou pour aller bien ? Avoir un rythme quotidien. Franchement, comprendre à nouveau l’importance du repos, le fait d’être réglée, de manger à l’heure, c’est wow. Apprendre des chorégraphies, aussi, c’est cool. Mon compagnon danse hyper bien, alors je lui ai demandé de m’apprendre le moonwalk. Comme ça, je pourrai performer dès qu’on refera des soirées ! Ou apprendre une langue. Je ne parle pas très bien le wolof [langue sénégalaise, pays d’origine de Rokhaya Diallo, ndlr]. M’y mettre sérieusement, pour renouer avec les membres de ma famille avec qui j’avais du mal à communiquer, c’est bon pour le cœur. 
Se faire des masques, des trucs à l’huile. Avec Le Cheveutologue, par exemple, sur Instagram. Il apprend aux femmes d’origine africaine à s’occuper de leurs cheveux selon leurs savoirs ancestraux. Regarder des séries ou manger des trucs sucrés, c’est un autre hobby. Aller à la boulangerie et regarder leurs nouvelles pâtisseries, oh là là… C’est ma sortie pour retomber en enfance. Pour remettre des paillettes dans la vie d’une copine qui est au bout du rouleau : lui rappeler un moment catastrophique de sa vie, pire que maintenant. Envoyer des photos marrantes d’Internet, sinon, j’adore. Les mèmes sur Sarkozy font vraiment du bien ! [Rokhaya Diallo nous envoie dans la foulée une photo de Karl Marx avec une fausse citation : “Inch’Allah” et une légende : “Manifeste de l’islamogauchisme”]. Pour mettre des paillettes dans nos vies, on peut vraiment en porter. Avec des baskets argentées, des vêtements qui brillent… Dans une ville grisâtre, ça remonte le moral. » 

Clémentine Mélois, artiste

Plasticienne, photographe, écrivaine. Avec son roman-photo, Les Six Fonctions du langage (éd. Seuil) fraîchement publié, elle porte l’humour en bandoulière. Qu’importe le flacon, pourvu qu’elle ait l’ivresse de la création et du détournement. 

« J’ai quelques satisfactions imparables : manger des frites – c’est toujours joyeux de manger des frites, non ? –, lire un livre de Jean Echenoz en grignotant quelques biscuits et danser en chaussettes dans mon salon sur Toxic, de Britney Spears. C’est essentiel de garder ses chaussettes pour glisser et onduler correctement. 
J’ai toujours eu tendance à regarder la vie avec une forme de détachement et de décalage, en m’attardant sur les détails. 
La période actuelle est inquiétante et absurde, donc, au lieu de déprimer, j’en fais un objet d’étude. J’imagine le visage de mon voisin dans le bus, en songeant que sous son masque, c’est peut-être Keanu Reeves. Il y a de fortes chances pour que ça ne soit pas lui, mais au moins, je m’octroie de précieuses minutes de rêverie. Je collectionne les listes de courses que les gens oublient au supermarché ou font tomber par terre. Je m’invente des histoires à partir de ces listes : un rendez-vous amoureux, des jeunes qui vivent en colocation… 
Lors du premier confinement, je n’arrivais ni à lire ni à écrire. Alors j’ai essayé de me changer les idées en cherchant et en créant des images décalées venues -d’Internet, des collages qui mêlent des chatons, des pangolins, que j’ai partagés sur les réseaux sociaux. C’est devenu un livre, que j’ai intitulé Bon pour un jour de légèreté (éd. Grasset). » 

Alice Zeniter, écrivaine

Écrivaine, Goncourt des lycéens 2017, elle vient de publier Je suis une fille sans histoire (éd. L’Arche), réflexion sur la fabrique des grands récits depuis l’Antiquité. Bonne base pour apprendre à lâcher son imaginaire.

« J’ai galéré cet hiver, donc je suis aussi destinataire de votre dossier. Pour aller mieux, je pense à… me limer les ongles devant une série télé. Improviser une recette de cuisine, la planter, me dire que c’est une cata, la manger et me dire que c’est bon quand même. Traîner en librairie et acheter des livres. Après avoir vu certains commerces fermés, s’y rendre donne l’impression de faire un geste pirate. Ce sont des petits décalages dans lesquels je trouve une certaine joie de vivre. 
Brûler du bois de figuier dans ma cheminée. Ça recrée un peu un hammam. De tous les sens, l’odorat me semble être le plus brut, le moins conscientisé. Le réconfort qu’on peut trouver dans une odeur est chargé d’une dimension primitive. C’est lié à l’enfance. Ça nous cajole. J’aime bien l’idée de hurlements réguliers, sinon. Une fois par heure, on se laisserait aller, comme les cloches des églises, pour évacuer les minutes qui viennent de s’écouler. C’est plus simple que faire du yoga ! On est toujours prêt pour un bon cri. Si l’heure a été bonne, on chante. On se fait un petit yodel suisse. 
Niveau lecture, soit on lit une bonne grosse tragédie qui fait relativiser, comme L’Autre Moitié du soleil, de Chimamanda Ngozi Adichie. Soit un truc léger et drôle comme Et si l’amour c’était aimer ?, de Fabcaro, ou L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, le Goncourt de cette année. Pas étonnant qu’il se soit si bien vendu : on ressent un plaisir régressif dans les blagues qui s’y trouvent et la science--fiction complètement folle nous fait sortir du réel. » 

Eva Bester, journaliste

Tous les dimanches sur France Inter, elle questionne ses invité·es sur leurs « remèdes à la mélancolie ». Elle en connaît un rayon sur la lutte contre le petit coup de mou.

« Comment je remets des paillettes et du réconfort dans ma vie ? En prenant en photo mes chiens imaginaires apparus pendant le premier confinement. Regardez, en voici une de leur leader : Permafrost. L’existence des chiens et les livres seront toujours des réjouissances éternelles. 
Je fais des fêtes de dandy en pyjama avec Flaubert, Cioran, Vialatte, Huysmans ou Bret Easton Ellis. Parfois, je mets mon kimono et fais des katas de karaté grâce à la chaîne YouTube Karate at home. Mais ce sont mes amis qui sont ma plus grande source de joie, car ils sont une famille choisie. On s’appelle en imitant des voix absurdes. Quand rien ne marche, je me défonce en regardant des croix de pharmacie clignoter et je mange des cornichons polonais. »

Valérie Donzelli, réalisatrice

La réalisatrice de La Reine des pommes, La guerre est déclarée ou Notre dame vient de terminer le tournage d’une série pour Arte qui raconte la grossesse d’une femme de 70 ans. Elle s’y connaît en fantaisie et en tendresse. 

« J’en ai ras-le-bol des masques et des tests PCR dans le nez, quel enfer ce truc quand même. Il n’y a rien d’agréable dans ce virus. Mais comme j’aime être de bonne humeur, que je déteste faire la gueule, je me suis cherché des moyens d’égayer le quotidien et ça tombe bien : il m’en faut peu pour être heureuse. 
Déjà, j’ai mis un super papier peint à fleurs, très gai et très années 1970, dans mon appartement. Et je m’occupe aussi de mes petites plantes d’intérieur. Je les arrose, je nettoie les feuilles. Le truc imparable, c’est de lancer ce que j’appelle “une séquence boum” : je me mets à danser avec mes enfants. On met Whitney Houston, Jean-Jacques Goldman ou bien du rap – la playlist est variée – et on se déchaîne. Je suis très joueuse, donc on fait aussi des parties de Scrabble, de cartes ou de Gagne ton papa ! C’est un jeu de construction avec des formes géométriques en bois où les enfants peuvent lancer des défis aux adultes. Ce que j’adore faire aussi, c’est prendre soin de moi en me mettant des crèmes. Je trouve que ça remonte le moral. Et puis la lecture aussi, évidemment. Je me couche beaucoup plus tôt qu’avant et je prends un livre. Je suis en train de dévorer L’Inconnu de la poste, de Florence Aubenas. » 

Hervé, musicien

Son clip confiné de Si bien du mal, où il se trémousse comme un beau diable en faisant des crêpes, nous a donné envie de lui demander sa recette perso des bonnes vibes

« Ma doctrine pour que ça pétille, c’est de toujours être à fond. Ma vie, à aucun moment je veux la passer en mode avion. J’ai arrêté d’hésiter. Si j’ai envie d’aller voir ma famille, de rentrer en Bretagne pour surfer, j’y vais. Si j’ai deux jours, je me fais tester et je fonce. Être dans l’eau me rend vraiment heureux. Et voir mon chat, Pucci, aussi. J’essaie de ne pas me laisser distraire par les discours de Jeannot Lapin [Jean Castex, si tu nous lis, ndlr]. Il ne faut pas hésiter à se dire qu’on s’aime et qu’on se manque. »

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