Coup de gueule
« Il ne l’a pas violée », a déclaré Woody Allen hier à propos de Luis Rubiales, qui a embrassé de force la joueuse Jenni Hermoso fin août. Au-delà du malaise, ces propos éclairent les accusations pesant contre lui d’un jour nouveau.
C’est bien connu, les hommes accusés de violences sexistes et sexuelles peuvent toujours compter sur le soutien de la sainte confrérie des autres hommes accusés de violences sexistes et sexuelles. Dernier exemple en date : Woody Allen volant au secours de Luis Rubiales, le patron de la Fédération de football espagnole, suspendu temporairement par la Fifa après avoir embrassé sur la bouche la joueuse Jenni Hermoso sans son consentement en août, lors de la finale de la Coupe du monde de football féminine. En pleine présentation de son dernier film, Coup de chance, à la Mostra de Venise, le réalisateur américain a été interrogé lundi 4 septembre par le quotidien espagnol El Mundo sur le cas Rubiales. Déjà, on se questionne sur la pertinence de tendre le micro à Woody Allen sur le sujet. Rappelons que l’homme de 87 ans est lui-même visé par des accusations d’agression sexuelle, notamment sur sa fille adoptive lorsqu’elle avait 7 ans. Le minimum de la décence envers la victime supposée ne serait-il pas de se taire sur ce type de sujet ? Mais passons.
Rappelons surtout que le baiser forcé, volé par surprise par Luis Rubiales, n’est pas un baiser désiré et constitue une agression sexuelle. Mais ça, Woody Allen ne semble absolument pas le comprendre. « Embrasser cette footballeuse était une erreur, mais il n’a pas brûlé une école. Il ne s’est pas caché et ne l’a pas embrassée dans une ruelle sombre. Il ne l’a pas violée, c’était juste un baiser et c’était une amie. Quel mal y a‑t‑il à cela ? », a déclaré le réalisateur sans ciller. Woody Allen minimise les faits supposés, mais annihile également la parole de la victime présumée qui rappelons-le encore, a affirmé, quelques minutes après avoir été embrassée de force par Rubiales, que « ça ne [lui avait] pas plu ». Woody Allen prouve ici que la notion de consentement lui échappe et qu’il hiérarchise la gravité des violences sexuelles. Et c’est un énorme problème étant donné les charges qui pèsent sur lui. Ces propos ne peuvent pas ne pas éclairer ces accusations d’un jour nouveau. Le réalisateur le mesure-t-il ? Probablement pas.
Lire aussi I La Fédération espagnole de football demande la démission de Luis Rubiales après son baiser forcé sur Jenni Hermoso
Quant à la décision de suspension de Rubiales par la Fifa pendant 90 jours et la procédure disciplinaire pour « faute grave » ouverte contre lui par le Tribunal administratif du sport espagnol ? Là encore, Woody Allen ne semble pas non plus les comprendre. « C’est difficile d’imaginer qu’une personne puisse perdre son emploi et être pénalisée de la sorte pour un baiser en public », s’est même emporté le cinéaste. Mais c’est vrai, comment l’imaginer quand, à 87 ans, on tourne son 50e film et l’on continue à être adoubé par une large frange du cinéma, alors qu’on est soi-même accusé de multiples violences sexuelles depuis plus de vingt-cinq ans.
De cette affaire, on préfèrera alors retenir le comportement de la sélection masculine espagnole qui a publiquement pris position hier contre le président de leur Fédération. « Nous souhaitons dénoncer le comportement inacceptable de M. Rubiales, qui n’a pas été à la hauteur de l’institution qu’il représente, ont affirmé d’une seule voix les joueurs lors d’une conférence de presse. Nous nous situons fermement du côté des valeurs portées par le sport. Le football espagnol doit être source de respect, d'inspiration, d'inclusivité et de diversité, et doit donner l'exemple dans ses comportements, aussi bien sur le terrain qu'en dehors. » Unique exemple où l’envie nous vient d’affirmer : « Not all men ».