Capture decran 2024 01 09 a 16.56.54
© Capture écran BFMtv

C’est l’histoire de trois mecs, à la télé, qui s’inquiètent de la fécon­di­té des femmes

Qui de mieux pla­cés que trois hommes pour débattre de la meilleure façon d’inciter les Françaises à faire des bébés ? Sur BFM-​TV, ce n’est visi­ble­ment pas un problème.

On sait poser les vraies ques­tions, sur BFM-​TV. Le 5 jan­vier, dans Le Duel du live, la chaîne lan­çait le débat : faut-​il inci­ter les Français à avoir des enfants ? Une inter­ro­ga­tion plus rhé­to­rique qu’autre chose, puisque à en croire le ban­deau à l’écran, la ques­tion était “vite répon­due” : “Natalité en baisse : faites des gosses !”, pouvait-​on y lire. Et pour en par­ler, l’animateur Maxime Switek s’est entou­ré de deux invi­tés remar­qua­ble­ment bien choi­sis : Xavier Iacovelli, séna­teur Renaissance des Hauts-​de-​Seine, et Aleksandar Nikolic, conseiller régio­nal Centre-​Val-​de-​Loire et membre du Conseil natio­nal du Rassemblement natio­nal (RN). Après tout, qui de mieux pla­cés que deux hommes de droite et d’extrême droite pour débattre de la meilleure façon d’“inciter” les femmes à enfan­ter, hein ?

Car oui, pen­dant une bonne par­tie de la séquence, c’est des femmes dont il a été ques­tion. Comme tou­jours lorsqu’on parle fécon­di­té, remar­quez. “Il y a dix ans, par exemple, on était à deux enfants par femme, aujourd’hui on risque de tom­ber à 1,70. 700 000 nais­sances seule­ment en 2023”, s’inquiète ain­si le conseiller RN. La fécon­di­té des hommes ? Quand bien même elle fait aus­si l’objet d’études, ce n’est pas le sujet. En fait, ce n’est jamais le sujet.

On ronge nos “freins”

Une fois de plus, donc, c’est du ventre des femmes – ces mau­vaises élèves – dont ont jugé bon de débattre nos trois lar­rons. “Un cer­tain nombre de freins [se sont] mis en place petit à petit à petit, avec l’écoanxiété bien sûr, avec les ques­tions de loge­ment, avec les car­rières qui com­mencent plus tard, sou­vent… Parce que c’est sou­vent les femmes qui en subissent les consé­quences. Mais les femmes font des études aus­si plus long­temps, et donc com­mencent leur car­rière plus long­temps [sic] et sou­haitent avoir une situa­tion avant d’avoir des enfants. Donc tout ça pro­voque un cer­tain nombre de freins. La ques­tion de l’infertilité, aus­si, puisque plus on fait d’enfants tard, plus on a des dif­fi­cul­tés à avoir des enfants. Sans comp­ter les per­tur­ba­teurs endo­cri­niens”, déve­loppe à son tour Xavier Iacovelli. 

Étonnamment, per­sonne sur le pla­teau n’a son­gé à dire que si les Françaises ne veulent pas faire d’enfant, ou moins que leurs aînées, c’est peut-​être aus­si parce qu’elles se cognent les deux tiers du tra­vail paren­tal et les trois quarts du tra­vail domes­tique. Qu’une fois mères – ou enceintes –, elles se retrouvent dis­cri­mi­nées sur le mar­ché de l’emploi. Qu’en cas de sépa­ra­tion, ce sont elles qui dévissent éco­no­mi­que­ment, d’autant que 30 % d’entre elles sont vic­times de pen­sions ali­men­taires impayées. Mais bon, pour que soient évo­quées ces réa­li­tés, peut-​être aurait-​il fal­lu avoir l’idée révo­lu­tion­naire d’inviter… une femme qui connaî­trait le sujet ?

Une spé­cia­liste qui, par exemple, aurait pu rap­pe­ler qu’en qua­rante ans, plus de 60 % des mater­ni­tés fran­çaises ont fer­mé. Qu’il manque dans ce pays un mode de garde pour 40 % des enfants de moins de 3 ans. Que peu importe le nombre d’enfants à charge, seule­ment 0,8 % des pères prennent un congé paren­tal à temps plein, celui-​ci étant si scan­da­leu­se­ment mal indem­ni­sé. Mais n’allons pas croire que le gou­ver­ne­ment s’en tam­ponne. “Il y a le contexte et il y a ce que nous avons mis en place depuis 2017. Lorsque nous avons dou­blé de qua­torze à vingt-​huit jours le congé pater­ni­té […], lorsque nous modi­fions et réfor­mons le congé de mode garde [la réforme du com­plé­ment de libre choix du mode de garde (CMG) ne sera en réa­li­té effec­tif qu’en 2025, ndlr], lorsque nous créons le ser­vice public de la petite enfance […] pour per­mettre à 160 000 femmes notam­ment de reprendre un tra­vail en créant 200 000 places d’accueil sup­plé­men­taires”, énu­mère le séna­teur Renaissance. Les pères n’ayant mani­fes­te­ment pas besoin de places en crèches pour leurs enfants… Puisque à défaut, les mères sont là pour ça, non ?

Toujours est-​il, reprend le pré­sen­ta­teur que “ça ne se décrète pas, l’envie d’avoir un enfant”. Et de poser la ques­tion : “Est-​ce que vrai­ment une poli­tique nata­liste peut per­mettre de lut­ter contre ce sentiment-​là [le désir de ne pas en avoir], qui est très pro­fond chez les femmes ?” (Encore elles). Oui, est convain­cu le conseiller RN, qui ne manque pas d’idée pour faire ger­mer du petit Français bien de chez nous, évi­dem­ment. Parce que les repro­duc­trices, voyez-​vous, c’est comme les chas­seurs : il y a les bonnes et puis les mau­vaises. [Aujourd’hui] il y a 233 000 nais­sances qui sont des nais­sances avec au moins un parent qui est étran­ger. C’est en aug­men­ta­tion constante”, précise-​t-​il. Et là, d’un coup, les bébés, c’est tout de suite moins inté­res­sant. Alors, pour convaincre les Français·es de se repro­duire, son par­ti a une pro­po­si­tion qui ne se refuse pas : un prêt “de 100 000 euros pour les jeunes qui, en moyenne, ont moins de 30 ans et qui ne serait plus rem­bour­sé à par­tir du troi­sième enfant”. “L’État vous prête de l’argent, vous rem­bour­sez le prêt sauf si vous faites un troi­sième enfant, c’est ça ?” le relance le pré­sen­ta­teur. “Exactement !”, confirme Aleksandar Nikolic. Qui pro­pose aus­si, pour relan­cer la nata­li­té de “sup­pri­mer les impôts des socié­tés pour les moins de 30 ans” ou de mener “une vraie poli­tique avec des chèques appren­tis­sage, avec des métiers concrets”. On ne voit pas bien le rap­port avec nos uté­rus, mais fran­che­ment, mes­dames, on n’est pas bien là, pai­sible, à la fraîche, à écou­ter ces mes­sieurs riva­li­ser d’idées pour nous envoyer pouponner ?

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.