Au programme de ce mois de février, Ce matin-là, de Gaëlle Josse, Toni tout court, de Shane Haddad et Tu ne désireras pas, de Jonathan Miles.
Ce matin-là, de Gaëlle Josse
![La sélection livres de février 2021 (2-3) 2 119 Couv ce matin là © Editions Notablia](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/02/119_-Couv-ce-matin-là-©-Editions-Notablia-655x1024.jpg)
éd. Noir sur blanc/Coll. Notabilia,
224 pages, 17 euros.
On appelle cela le « burn out » et il paraît que c’est très grave. Dans son nouveau roman, Ce matin-là, Gaëlle Josse nous aspire dans le tourbillon intérieur d’une jeune femme à bout de nerfs, mais qui n’a rien vu venir. Clara Legendre, élégante trentenaire au sourire militaire, vient d’être promue au service commercial de sa boîte de crédit. « Ne nous le faites pas regretter », a glissé sa patronne dans un « sourire serpent ». Mais ce matin-là, Clara n’arrive plus à se lever. Son corps, sa voiture, plus rien ne démarre, tout a lâché : « brûlée », « cramée », « carbonisée ». Ses amis, ses amours, sa famille, ses collègues… Plus rien n’a de sens, tout va progressivement s’effriter. Direction la casse ? Peut-être pas. Car derrière le burn out se prépare peut-être un feu de joie ! Avec une pudeur extrême et une patience infinie, Gaëlle Josse, romancière du vertige, nous fait trembler de l’intérieur et frôler la solitude de cette héroïne comme si c’était la nôtre. Un récit minuscule et universel, d’une puissance enivrante. Une prouesse ! L.M.
Toni tout court, de Shane Haddad
![La sélection livres de février 2021 (2-3) 3 Toni tout court](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/02/Toni-tout-court-699x1024.jpg)
éd. P.O.L., 160 pages, 17 euros.
C’est un roman-live. Une performance littéraire inclassable qui transgresse les catégories, réinvente les genres. Shane Haddad, écrivaine prodige de 24 ans, improvise sous nos yeux, pour son premier roman, la voix intérieure d’une héroïne à peine plus jeune qu’elle, « Toni tout court ». Ce jour-là, Toni a 20 ans, c’est son anniversaire, mais c’est surtout jour de match. Fan de foot, elle sent « la gagne » et passe sa journée à rêver son arrivée dans une tribune remplie d’hommes qui acclameraient son arrivée. Cherchant une place entre son père, son frère, toutes les virilités qui l’insultent et l’écrasent, la jeune fille dribble entre les mots, les songes, les normes, les âges et élabore une nouvelle forme d’émancipation poétique. Un roman d’une inventivité rare, tendu comme un drame, doux comme un poème et insoumis comme un conte philosophique. L.M.
Tu ne désireras pas, de Jonathan Miles
![La sélection livres de février 2021 (2-3) 4 9782381960111](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/02/9782381960111-701x1024.jpg)
traduit de l’anglais (américain)
par Jean-Charles Khalifa.
éd. Monsieur Toussaint Louverture, 464 pages,
24, 50 euros. Sortie le 4 février.
Quelques années après un récit en forme de lettre à… une compagnie d’aviation (Dear American Airlines, 2012), l’Américain Jonathan Miles revient sur Terre. Tu ne désireras pas, son deuxième roman, est une ronde de personnages, un par chapitre, à New York ou autour. À commencer par Talmage et Micah, couple qui squatte un appartement abandonné et ne vit qu’en recyclant le contenu des poubelles (et en fumant des pétards). C’est une veuve du 11–Septembre qui poursuit son travail de résilience à travers sa famille recomposée. C’est un linguiste perdu entre son père amnésique et sa propre épouse adultère. Le roman démarre piano, puis monte en tension tragi-comique et gagne en densité quand chaque strate thématique pose la question de la pollution (écologique ou psychologique), de l’obsolescence ou bien de la durée de ce qui (nous) est cher. Un roman à grands fonds. H.A.