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Nathalie Attias devant la classe de cinquièmes du collège Jean Mermoz (Bois-Colombes). ©A.T.

Journée du droit au col­lège : « Tous égaux devant la justice ? »

Causette s’est invitée au collège Jean Mermoz de Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine, où des élèves de cinquième débattaient mardi sur l’égalité et l'injustice, en compagnie de l’avocate Nathalie Attias. Une séance dans le cadre de la cinquième édition de la Journée du droit organisée par le Conseil national des barreaux (CNB) et le ministère de l’Éducation nationale.

La sonnerie vient de siffler la fin de la récréation. Ce mardi 4 octobre matin, les élèves de 5ème du collège Jean Mermoz, situé à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine, ne traînent pas des pieds pour retourner en cours. Un enthousiasme qui ne vient pas de la photo de classe qui aura lieu dans quelques heures, mais parce que l’heure d’EPS de ce matin est remplacée par un cours un peu particulier : une initiation au droit, dans le cadre de la cinquième édition de la Journée du droit dans les collèges. Un exercice inédit pour ces élèves âgés de 11 à 12 ans, mais aussi pour le collège Jean Mermoz, qui participe pour la première fois à cette Journée organisée par le Conseil national des barreaux (CNB) et le ministère de l’Éducation nationale depuis 2018. Pour sensibiliser et former les citoyen·nes de demain à leurs droits et devoirs, le CNB a ainsi dépêché un bataillon d'avocat·es volontaires devant des rangées d'élèves, à travers 500 collèges de France.

À Jean Mermoz, quatre classes de 5ème sur six reçoivent ce 4 octobre quatre avocat·es. Les vingt-cinq élèves de la 5ème B s’installent dans un joyeux brouhaha de la salle 14. Après un retour au calme et un bref appel des noms, la professeure d’EPS s’assoit au fond de la classe, aux côtés de la médiatrice du collège. Pour les deux prochaines heures, leur prof sera Nathalie Attias, avocate spécialiste en droit du travail. Costume bleu foncé, large sourire et verbe haut, elle capte tout de suite l’attention de son jeune auditoire du jour. L’avocate ne laisse d'ailleurs pas de blanc s’installer et donne tout de suite le ton de la séance, en inscrivant le thème de cette édition 2022 sur le large tableau blanc : « Tous égaux devant la justice ? » Après des éditions placées sous les thèmes des réseaux sociaux, de l'égalité entre les hommes et les femmes, et des libertés, cette année est donc consacrée à l’égalité mais aussi à l'injustice. 

"À votre avis les enfants, à quoi sert la loi ?"

« Tout d’abord, je sais que vous avez élu vos délégués de classe cette semaine, c’est important de voter, lance Nathalie Attias à la jeune assistante en même qu’elle dessine une balance, symbole de la justice, sur le large tableau blanc. Moi, je suis un peu comme le délégué de classe des avocats. » Les élèves boivent ses paroles et lorsque l’avocate demande « à votre avis les enfants, à quoi sert la loi ? », dans la seconde, six paires de mains se lèvent et les réponses fusent. « Sans les règles, ça serait le bazar », répond assurément un jeune garçon tandis que de l’autre côté de la salle, une jeune fille abonde « On ferait n’importe quoi ! ». Pour exposer son propos, Nathalie Attias fait un parallèle avec le règlement intérieur de l’établissement puis dessine au tableau la navette parlementaire en expliquant le rôle des député·es et des sénateur·trices. 

« Surtout, dites-moi si je ne suis pas assez claire. Ce n’est pas mon métier de parler à des enfants, le mien consiste à parler aux adultes », prévient Nathalie Attias. Ce n’est pourtant pas la première fois que l’avocate quarantenaire se porte volontaire pour l’exercice. « C’est la troisième fois que je participe à la Journée du droit et c’est toujours un plaisir, même si ce n’est pas simple de vulgariser des termes juridiques spécifiques. Le CNB met des fiches à notre disposition, mais c’est à nous de travailler notre prise de parole », raconte Me Attias auprès de Causette. Elle n’a pas tort : il faudra s’y reprendre à plusieurs reprises pour que les élèves démêlent les distinctions entre le Palais bourbon et la chambre haute. « C’est fondamental de voter pour une Assemblée nationale qui nous ressemble », conclu-t-elle. 

Éveiller la conscience citoyenne 

Si Nathalie Attias se plaît à mettre son expérience professionnelle à disposition de la jeunesse, c’est que l’avocate « [voit] l’avenir de notre société à travers ses enfants » qui n’ont pour l’heure que peu de connaissance du système juridique français. « C'est une journée importante pour moi, dit-elle avec émotion. C’est un devoir d’éveiller leur conscience citoyenne et leurs capacités de raisonnement. Ce travail doit être fait le plus tôt possible. » 

Après avoir défini ce qu’était le principe constitutionnel d’égalité devant la justice et l'impartialité de la loi, (elle « doit être la même pour tous » selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), Me Attias s’attarde sur son contraire : la discrimination. « Avez-vous des exemples de discriminations ? » demande l’avocate aux élèves toujours attentif·ves. Une nouvelle fois, les mains ne se font pas prier pour se lever. Nathalie Attias énumère au tableau les discriminations liées au genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine ethnique, aux convictions religieuses et politiques, au physique ou encore à la santé.

Définir le harcèlement 

Il est bientôt midi, les estomacs commencent à gargouiller et les jeunes esprits à se dissiper. Un sujet qu’ils·elles connaissent bien rétablit la concentration : le harcèlement. Comme depuis le début de la séance, Nathalie Attias s’attache à d’abord faire définir chaque notion par les élèves pour s’assurer de leur compréhension. « Le harcèlement, c’est quand on dit tous les jours à quelqu’un des méchancetés, la personne va se sentir mal dans sa peau et ça peut créer des situations très graves comme le suicide », répond ainsi une jeune fille. 

Nathalie Attias insiste sur l’importance de la libération de la parole des victimes de harcèlement scolaire, « ça tue de l’intérieur de garder cela pour soi ». Tout le monde est très attentif dans la salle. L’avocate rappelle ensuite l'importance du rôle de la médiatrice éducative, qui se situe au fond de la classe. Au sein du collège, cette dernière est chargée de tisser des liens entre les ados. Elle est aussi présente pour recueillir la parole des élèves qui en ressentent le besoin. « Les élèves savent venir vers moi en cas de besoin et heureusement », souligne Aline1 à Causette. « On peut aussi appeler le 3020 [la plateforme d’aide aux victimes de harcèlement scolaire, ndlr] », ajoute une élève. 

Connaître le droit à l’oubli 

Nathalie Attias semble très satisfaite de l’implication des élèves. « C’est bien de voir qu’ils sont bien au courant de leurs droits, j’ai trouvé leurs remarques très intelligentes », observe-t-elle auprès de Causette après la séance. 

Devant eux·elles, l’avocate évoque aussi le rôle des réseaux sociaux, qui amplifient le harcèlement. « Il y a un groupe WhatsApp dans la classe, mais il n’y a pas de harcèlement entre nous », promet un élève. Nathalie Attias aborde dans la foulée le sujet sensible de l’envoi et de la diffusion sur Internet de photos intimes. « Si vous le faites, posez-vous la question : “Est-ce que j’ai toujours envie de voir ces photos circuler dans vingt ans ?” », lance-t-elle avant d’aborder le droit à l’oubli numérique. « C’est important que vous le sachiez : si un jour vous souhaitez faire retirer une photo de vous d’Internet, c’est possible. Il existe une procédure. »

Impatience  

Une certaine impatience commence à se faire sentir dans la salle 14 du collège. En témoignent les cartes de cantine qui jaillissent sur quelques tables à l’approche du déjeuner. Nathalie Attias a dû s’en apercevoir elle aussi, car elle sonne la fin de la séance dix minutes en avance : « Alors, est-ce qu’on est tous égaux devant la justice ? », demande-t-elle en pointant la phrase toujours écrite au tableau. Des oui et des non fusent de part et d’autre de la classe. « C’est tout à fait ça. La loi dit que oui, mais dans la vie, les choses ne sont jamais aussi simples. La vie n’est pas forcément juste », conclut l'avocate.

"Harcèlement vertueux"

Il est 12 h 15, la séance se termine par les applaudissements fournis des élèves. « C’était très accessible, merci à vous », vient immédiatement la féliciter la professeure d’EPS. Odile Bigot, la principale adjointe du collège rejoint le petit groupe d'adultes qui s’est formé dans le hall. Elle aussi a l’air satisfaite de cette première édition. « Les élèves étaient impressionnés de recevoir des avocats, précise cette dernière à Causette. On a même reçu des mails de parents d’élèves regrettant que leurs enfants d’autres niveaux n’aient pas pu assister à cette séance. » 

Pour tenter de contenter tout ce petit monde, la principale adjointe a déjà convenu d’une séance de rattrapage mercredi prochain pour une autre classe de cinquième. Nathalie Attias, quant à elle, voit plus loin. « Pourquoi pas instituer aussi des séances au lycée ? Il faut semer une graine le plus tôt possible, mais il faut ensuite un matraquage constant pour faire grandir cette conscience citoyenne. C’est ce qu’on peut appeler un harcèlement vertueux. » 

  1. le prénom a été modifié[]
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