Loin des clichés trop souvent accolés à la banlieue, cette nouvelle série ordonne ses huit épisodes autour de Leïla, une jeune fille de Seine-Saint-Denis qui reprend sa vie en main grâce au théâtre et à l’Antigone de Bertolt Brecht ! Créé par la chanteuse Wallen, qui y a mis beaucoup d’elle-même, réalisé par Abd al Malik, ce récit initiatique détonant est à découvrir sur Francetv.slash
Donner une autre image des banlieues, plus positive, plus inspirante, sans tomber pour autant dans une mièvrerie bien-pensante, tel est l’enjeu de la toute première série créée et écrite par Wallen, ex-chanteuse-autrice-compositrice de RnB, et réalisée par Abd Al Malik, son rappeur d’époux depuis vingt-cinq ans (autant dire qu’ils sont sur la même longueur d’onde !). Un pari globalement réussi. Car même jalonné çà et là de petites maladresses d’écriture, leur nouveau bébé surprend et séduit. Il n’est pas courant, il est vrai, de donner le premier rôle à une jeune héroïne dans un récit estampillé “quartiers”, ni de mêler théâtre, communisme et spiritualité alors que l’on s’adresse en priorité à un public d’ados ou de jeunes adultes ! De fait, 9.3 BB croit aux vertus salvatrices de la culture, plus qu’en aucune autre religion, et elle a bien raison.
BB alias Bertolt Brecht
Jugez plutôt : ses huit épisodes de vingt-six minutes, aussi courts qu’intenses, s’ordonnent autour de Leïla, 19 ans. Passionnée de poésie, cette jeune fille rêveuse vit en Seine-Saint-Denis et vient d’entrer à la faculté de droit, essentiellement pour rassurer sa mère qui l’élève seule et parce qu’elle ne se projette plus vraiment dans rien depuis la mort de son petit ami, Bruno, un policier infiltré dans un groupuscule d’extrême droite… Jusqu’à la révélation Bertolt Brecht (le “BB” du titre !) : une représentation d’Antigone, un soir, dans le théâtre de sa cité, la bouleverse. Sa vocation est trouvée, il ne lui reste plus qu’à convaincre ses ami·es d’enfance, deux filles exubérantes et un garçon plus discret, de jouer dans la pièce qu’elle va écrire et mettre en scène… Car Leïla est une vraie leadeuse. Soutenue par Brian, le directeur post-soixante-huitard du théâtre, elle ne sait pas encore, toutefois, qu’elle s’engage dans un parcours de combattante, jalonné d’inimitiés et de sentiments insoupçonnés…
Des lendemains qui chantent
Futée, cette nouvelle série dûment filmée en Seine-Saint-Denis démarre donc sur un fait divers (la mort du jeune policier), passage obligé de la majorité des fictions françaises sur la banlieue, avant de bifurquer vers quelque chose d’autrement plus intéressant et personnel : un récit initiatique au féminin, peu ou prou inspiré du propre parcours de Wallen (elle y fait d’ailleurs une apparition fugace), qui parvient à mixer humour, amour, deuil et transcendance sans fausse note, nous ménageant en outre quelques surprises. Ainsi le personnage de Bruno, fantôme récurrent, qui s’avère être un enfant de la DDASS adopté par une famille maghrébine, histoire de parler autrement d’accueil et d’intégration. Ainsi Bertolt Brecht, dramaturge allemand du XXe siècle acquis au marxisme et fuyant le nazisme, évidemment érigé en symbole ici, qui crée une passerelle entre les générations et ranime la flamme de Leïla.
Par-delà sa malice, 9.3 BB casse donc bel et bien les codes, les cloisons et la sinistrose ambiante, distillant mine de rien un vrai message politique et citoyen. Un message de réconciliation. Ni rose ni morose, sa banlieue ravit d’autant plus qu’elle mêle nouvelles venues (dont l’excellente Luiza Benaïssa dans le rôle de Leïla) et acteurs plus connus (dont Patrick Bouchitey dans celui du directeur du théâtre). Joliment rythmée par une BO métissée et filmée tout en douceur et fluidité par Abd Al Malik, qui confirme ici son talent de réalisateur après Qu’Allah bénisse la France (2014), voilà une série qui veut croire encore en l’énergie créative de la jeunesse – et des femmes ! – comme aux lendemains qui chantent…
9.3 BB, de Wallen et Abd al Malik. Série de 8 épisodes inédits de 26 minutes. Sur francetv.slash, à partir du 19 avril.
