Des féministes appellent au rassemblement en début de soirée, ce mardi, devant l’ambassade de Pologne à Paris mais aussi dans d’autres villes françaises. Une manière de soutenir les Polonaises, qui attendent l’examen par le Parlement, jeudi, de trois propositions de loi pour et une contre l’IVG, toujours interdite dans le pays sauf exception.
“On est en train de se faire avoir.” Deux jours avant un débat à la Diète polonaise autour de pas moins de quatre propositions de loi concernant le droit à l’avortement, Marta Lempart ne cache pas sa colère. Jointe par téléphone, la militante féministe polonaise, leader du mouvement Grève des femmes pour le droit à l’IVG, l’annonce d’emblée : “Alors que le nouveau gouvernement a été élu en octobre dernier, notamment grâce aux voix des femmes à qui il avait promis de rétablir le droit à l’avortement en Pologne, les chances actuelles que cela se passe sont proches de zéro.”
À l’heure actuelle, la Pologne a la loi la plus restrictive de l’Union européenne en matière d’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle n’est autorisée qu’en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger. Les avortements pour cause de malformation du fœtus avaient été jugés inconstitutionnels en 2020, au moment où les ultra conservateur·rices du parti Droit et Justice (PiS) gouvernaient.
Des ultra cathos dans la coalition Tusk
Que s’est-il passé, entre les élections législatives de cet automne, marquant le retour au poste de Premier ministre du centriste Donald Tusk – qui avait largement fait campagne sur le rétablissement du droit à l’IVG – et ce mois d’avril pour que les espoirs des féministes soient douchés ? Composant avec une majorité issue d’une coalition très hétéroclite, “Donald Tusk a brillé par son silence pendant des mois après les élections et s’est réveillé beaucoup trop tard pour s’engager dans la bataille”, tance Marta Lempart.
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Sur les quatre propositions de loi examinées par la chambre basse jeudi 11 avril et qui feront l’objet d’un vote le lendemain, trois consistent à décriminaliser l’avortement. “Ces textes proposent peu ou prou la même chose et sont issus de trois partis politiques différents”, explique la militante. Mais c’est le dernier texte, soumis par le parti Troisième Voie, membre de la coalition au pouvoir, qui suscite sa colère : il entend rétablir l’interdiction intégrale de l’IVG et criminaliser les personnes qui aideraient les femmes à avorter. “Le parti Troisième Voie est issu de la même minorité catholique ultra radicale qui gouvernait jusqu’à l’automne, souligne Marta Lempart. Ils ont fait alliance avec Tusk parce qu'ils demeurent démocrates, mais poursuivent le même agenda réactionnaire que PiS.” Troisième Voie peut donc compter sur les voix des député·es PiS pour faire passer leur proposition de loi liberticide.
Tout ceci est d’autant plus rageant, assure Marta Lempart, que les Polonais·es seraient largement favorables à une légalisation de l’IVG. “Les enquêtes d’opinion montrent que 70 % des Polonais sont favorables à l’avortement. Et c’est même 81 % chez les électeurs de Troisième Voie, qui ne respecte donc même pas les personnes qui l’ont porté au pouvoir.”
"Humiliation"
Les militantes de Grève des femmes pour le droit à l’IVG, qui ont rejoint le 8 mars dernier le mouvement européen My Voice My Choice pour exiger de l'Union européenne qu'elle harmonise par le haut les différentes lois des pays membres en la matière, sont plus que jamais mobilisées pour faire entendre leurs voix en ce rendez-vous législatif capital pour l'avortement en Pologne. Elles pourront également compter sur une mobilisation de My Voice My Choice dans plusieurs pays européens.
En France, un rassemblement devant le consulat de Pologne à Toulouse s’est tenu lundi soir et sera suivi d’une manifestation devant l’ambassade de Pologne à Paris, mardi 9 avril à 18 h 30. D’autres rassemblements sont attendus devant les consulats de Pologne à Bordeaux (9 avril à 18h) ou encore à Nantes (10 avril à 18h30), selon Alice Coffin, conseillère municipale Les Écologistes de Paris membre de My Voice My Choice. “C’est très important pour nous que des féministes européennes se mobilisent devant les ambassades, car la Pologne est ainsi obligée de les voir, nous en sommes très reconnaissantes, explique Marta Lempart. Mais d’un autre côté, c’est aussi humiliant d’avoir à demander de l’aide à l’extérieur pour arracher nos droits.”
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