Donald Tusk a annoncé être prêt à déposer au parlement une proposition de loi libéralisant l'avortement dans ce pays où la loi sur l'IVG compte parmi les plus restrictives d'Europe.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk, de la Coalition civique (KO), parti centriste, a annoncé mercredi que, conformément à ses promesses électorales, il était prêt à déposer au parlement une proposition de loi libéralisant l'avortement dans ce pays où la loi sur l'IVG compte parmi les plus restrictives d'Europe.
Les élections législatives qui se sont tenues en octobre dernier avaient donné gagnante la coalition d'opposition face au parti populiste nationaliste Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis huit ans. Remportant la majorité des sièges du Parlement et du Sénat, l’opposition centriste pro-européenne avait en effet promis aux Polonais·es un avenir loin de la politique conservatrice de son prédécesseur.
"Nous sommes prêts à déposer dans les prochaines heures" ce texte autorisant "l'avortement légal et sécurisé jusqu'à la 12e semaine de la grossesse", a déclaré Donald Tusk après avoir annoncé une proposition de lois ouvrant l'accès à la "pilule du lendemain" que le gouvernement populiste nationaliste précédent avait sévèrement limité. "La question a été finalisée, le projet de loi sera transmis au parlement", a déclaré le premier ministre en précisant que le projet prévoit un accès entièrement libre à cette méthode "à compter de l'âge de 15 ans".
En Pologne, pays de forte tradition catholique, l'IVG n'est autorisée qu'en cas de viol ou d'inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger. En 2020, la Cour constitutionnelle s'était rangée du côté du gouvernement populiste-nationaliste de l'époque en déclarant les interruptions de grossesse pour malformation foetale "inconstitutionnelles". En décembre, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la Pologne pour "violation du droit au respect de la vie privée" après qu'une jeune femme a été empêchée d'accéder à un avortement fondé sur "l'existence d'anomalies foetales".
La Gauche, parti membre de la coalition gouvernementale victorieuse des élections d'octobre dernier, a donc déposé depuis au parlement, en son propre nom, ces deux propositions législatives. Un deuxième membre de cette coalition gouvernementale, la Troisième voie (chrétien démocrate), est cependant opposé à l'idée d'une libéralisation aussi poussée du droit à l'avortement. Ce groupement, composé du parti Pologne 2050 du président de la chambre basse du parlement, Szymon Holownia, et du parti paysan PSL, propose, lui, "le retour de l'ancienne loi" de 1993 qui prévoyait un droit très limité à l'avortement.
Depuis la prise du pouvoir, la nouvelle coalition proeuropéenne a déjà restauré le financement public de la fécondation in vitro. Concernant la pilule du lendemain, en revanche, le gouvernement dans son ensemble a approuvé le projet de loi. La prescription médicale restera nécessaire pour les moins de quinze ans, comme c'était le cas avant les restrictions introduites en 2017 par le pouvoir nationaliste populiste et entérinées par le président Andrzej Duda qui en est issu, toujours en fonctions.
"C'est un grand moment pour nous tous ! Nous rendons aux femmes le droit de
décider d'elles-mêmes", s'est félicité sur X (ex-Twitter) le ministère de la
Santé. En 2022, seuls 161 avortements légaux ont été pratiqués, contre environ
2.000 avant le durcissement de la loi en 2020. Selon des organisations féministes, 100.000 femmes interrompent chaque année leur grossesse en utilisant des pilules abortives, interdites en Pologne, ou en partant à l'étranger.
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