Christophe Raynaud De Lage
Féminines © Christophe Raynaud De Lage

Droit au but : dans “Féminines”, Pauline Bureau met en scène l’histoire de la pre­mière équipe fémi­nine fran­çaise de football

Dans son der­nier spec­tacle, la met­teuse en scène Pauline Bureau retrace l’histoire vraie de la pre­mière équipe de foot fémi­nin en France. Pièce de théâtre inven­tive, tou­chante et joyeuse, Féminines est à décou­vrir du 14 au 17 mai à la Villette. C’est le moment de prendre vos billets !

“Je serai une des folles dingues”, lance Marinette à son père, hilare à l’idée que des femmes puissent par­ti­ci­per à un match de foot­ball. Voilà à quoi est réduite l’idée même de femmes pra­ti­quant le bal­lon rond en 1968 en France, là où com­mence la nou­velle pièce de Pauline Bureau. Dans Féminines, la met­teuse en scène retrace l’histoire de ces “folles dingues”, les pre­mières à avoir mon­té une équipe fémi­nine fran­çaise de foot­ball. Une épo­pée d’émancipation joyeuse et poli­tique qui, loin de se can­ton­ner à une his­toire de cram­pons, dresse le por­trait d’une époque et de ses femmes au besoin vis­cé­ral de réalisation. 

Émancipation sur fond de gazon

Il y a Rose, ouvrière à l’usine ; Joanna, pas­sion­née de foot­ball depuis tou­jours ; Marie-​Laure, mère au foyer ; Françoise, gar­dienne du stade de Reims ; ou encore Marinette, jeune fille que sa mère tente de faire éclore par tous les moyens – joli clin d’œil à la pion­nière Marinette Pichon pour le choix du prénom. 

Lire aus­si l Marinette Pichon : le foot, sa sur­face de réparation

Toutes se pré­sentent à un cas­ting pour consti­tuer la pre­mière équipe fémi­nine de foot­ball de France. Loin d’être une ini­tia­tive révo­lu­tion­naire, cette équipe est en fait ima­gi­née dans le cadre de la ker­messe d’un jour­nal qui, chaque année, pro­pose une attrac­tion. Après un com­bat de catch de Lilliputien·nes l’année pré­cé­dente, c’est donc au tour d’un match de foot fémi­nin de diver­tir et amu­ser le public de l’édition 1968. Mais sur­prise : les femmes sélec­tion­nées savent non seule­ment cou­rir après un bal­lon, mais aus­si taper dedans, se pas­ser la balle et même mar­quer des buts ! Emmenées par des coachs mas­cu­lins alliés, les joueuses iront jusqu’à rem­por­ter la Coupe du monde à Taipei dix ans plus tard, le temps de lais­ser cette aven­ture pro­fon­dé­ment trans­for­mer leur existence.

“Je vou­lais racon­ter des par­cours croi­sés de femmes qui sont très dif­fé­rentes les
unes des autres (il y a une lycéenne, une femme au foyer, des ouvrières…) et qui vont se ren­con­trer pour faire, ensemble, quelque chose qu’elles n’auraient jamais ima­gi­né faire : jouer au foot”,
explique Pauline Bureau, autrice et met­teuse en scène de la pièce. Pour ce faire, elle s’est ins­pi­rée libre­ment de la véri­table his­toire de l’équipe fémi­nine de foot­ball de Reims – Les Féminines du Stade de Reims – dont est tiré le titre de la pièce. La jeune femme s’affranchit ensuite du réel pour ima­gi­ner les par­cours indi­vi­duels des joueuses, appor­tant de mul­tiples dimen­sions d’émancipation fémi­nine sur fond de gazon. À l’époque, et depuis l’instauration du régime de Vichy dans les années 1940, les femmes n’ont pas le droit de pra­ti­quer le foot­ball, une de toutes les petites et grandes res­tric­tions qu’elles subissent au quo­ti­dien. Féminines aborde ain­si aus­si bien le rejet des femmes dans le milieu spor­tif, le tra­vail sous-​payé des ouvrières d’usine, que la vio­lence conju­gale, ou encore l’analphabétisme.

Le sport réel

Comme le note encore Pauline Bureau, “la ques­tion des sports d’équipe mas­cu­lins a sou­vent été ana­ly­sée comme une façon de revi­ri­li­ser les pays après les guerres. Mais ça inter­roge aus­si sur les bandes de filles, et leur absence, sur l’angle mort de cet imaginaire-​là”. La cama­ra­de­rie et la soro­ri­té (entre les joueuses, mais aus­si entre elles et leurs coachs) font de Féminines une pièce drôle mais aus­si tou­chante, empreinte de liens tis­sés pro­gres­si­ve­ment. Les joueuses évo­luent, se sou­tiennent – dans le sport et en dehors – et vont même jusqu’à dépas­ser ensemble les car­cans de la scène lors des matchs (pas com­pris). Ces der­niers sont fil­més et retrans­mis sur un écran lors de la pièce, comme un match de foot regar­dé sur une télé­vi­sion. Un pro­ces­sus qui per­met de trans­cen­der le jeu de théâtre pour “que le sport soit réel […], que la repré­sen­ta­tion qu’on a soit une repré­sen­ta­tion du réel pos­sible et qu’on y croit, qu’on entre dans cette his­toire, vrai­ment, avec elles”, pour­suit la met­teuse en scène. 

Fondatrice de la com­pa­gnie La part des anges, Pauline Bureau n’en est pas à son coup d’essai. Créatrice de plu­sieurs pièces, elle a été récom­pen­sée du Molière 2022 de l’autrice fran­co­phone vivante pour Féminines, pré­sen­té la pre­mière fois au théâtre cette année-​là. “Une his­toire d’équipe, une his­toire de joueuses, une his­toire de sport”, concède la met­teuse en scène, qui rap­pelle cepen­dant qu’il s’agit avant tout d’un récit racon­té à tra­vers le regard qui est le sien, un regard fémi­nin, mais “dans n’importe quel Shakespeare, il n’y a que des hommes sur le pla­teau et on ne dit pas : ‘Alors, vous racon­tez des his­toires d’hommes ?’”. Brouillant à nou­veau les fron­tières du théâtre et du réel, Féminines rap­pelle ain­si que le foot­ball et le sport fémi­nins ne sont en réa­li­té que du foot­ball et du sport, et le mas­cu­lin un regard par­mi tant d’autres.

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Féminines, texte et mise en scène de Pauline Bureau. Théâtre de la Villette, du 14 au 17 mai 2024. Infos et réser­va­tions sur Lavillette.com/programmation/pauline-bureau_e1796

Lire aus­si I Gênant ou hila­rant ? Le der­nier spec­tacle de Florence Foresti divise son public féministe

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