Comme si jetais morte France Tv 2
Image issue du documentaire “Comme si j'étais morte” © France TV

“Comme si j’étais morte”, un docu­men­taire upper­cut sur la pros­ti­tu­tion des mineures placées

Dans le docu­men­taire Comme si j’étais morte, dis­po­nible dès aujourd’hui sur la pla­te­forme Slash de France Télévisions puis dif­fu­sé sur France 5, des ado­les­centes enca­drées par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) nous racontent leur par­cours dans la pros­ti­tu­tion. On découvre leurs com­bats, sou­te­nus par des travailleur·euses sociaux·ales investi·es et bienveillant·es. 

Pendant plu­sieurs mois, Benjamin Montel a fil­mé dans un foyer pour nous offrir 54 minutes en immer­sion auprès de rési­dentes et d’éducateur·rices. Les chiffres sont impla­cables : “En France, au moins dix mille mineurs seraient vic­times de pros­ti­tu­tion”, “80% d’entre eux seraient des enfants de l’aide sociale à l’enfance”. Comme si j’étais morte donne la parole à trois de ces ado­les­centes pla­cées en foyer sous l’encadrement de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui ont été exploi­tées sexuel­le­ment par des proxé­nètes et mar­chan­di­sées. Les visages sont mas­qués, sauf pour la plus âgée. C’est l’histoire de leur ten­ta­tive de sur­vie qui est racon­tée dans ces récits bou­le­ver­sants mais pas tra­giques. Car ici, on s’attarde plu­tôt sur le che­min effec­tué pour prendre conscience des vio­lences subies, apai­ser des trau­ma­tismes et trou­ver une route de sortie.

Des ado­les­centes “multi-​vulnérabilisées”

Ayant déjà subi des vio­lences sexuelles et des rup­tures fami­liales, ce sont des jeunes filles “multi-​vulnérabilisées” constate une édu­ca­trice. Cela, les pré­da­teurs le repèrent et prennent contact sur les réseaux sociaux ou vont jusqu’à tour­ner en “voi­ture autour du foyer” pour for­cer une rencontre. 

Pour Lucie, les choses ont com­men­cé par une pré­sence ras­su­rante, don­nant l’illusion d’être pro­té­gée. La jeune fille parle aujourd’hui d’un “retour­ne­ment de cer­veau”. Elle pen­sait vivre le grand amour, mais un jour, son “lover boy” – comme les appellent les éducateur·rices – lui demande de tra­vailler pour lui. Prise dans l’engrenage, tout arrê­ter lui semble infai­sable pen­dant plu­sieurs mois. Avec des menaces phy­siques et vio­lences psy­cho­lo­giques, les prédateurs-​proxénètes les main­tiennent sous leur emprise, en bonne “mar­chan­dise”. 

Chloé, quant à elle, ne vit plus au foyer et tente de faire face aux trau­ma­tismes lais­sés par des vio­lences phy­siques et psy­chiques. On la découvre en train d’encadrer un cercle de parole d’adolescentes qui vivent en foyer. Les fugues, le dan­ger, la soli­tude : Chloé cherche à sen­si­bi­li­ser pour ne pas voir de nou­velles jeunes subir les mêmes expé­riences. Mais com­ment venir en aide si, en face, la jeune fille cette main ten­due, la refuse, la rejette, pense ne pas la méri­ter et a la sen­sa­tion d’être un poids pour son entou­rage ? Ce sont les ques­tions que pose le par­cours d’éva, une ado­les­cente de 14 ans à peine, qui a été vic­time de la dif­fu­sion de vidéos intimes à son insu sur Snapchat.

Pour ces jeunes filles, si choix il y a, c’est celui des hommes bien plus âgés qui paient pour un “accès au corps de mineures”, selon une édu­ca­trice. “Aucune fille ne devrait être mani­pu­lée”, affirme une autre tra­vailleuse du foyer à Lucie. Lors de l’une de leurs entre­vues, elle des­sine et tente de mettre des mots sur des méca­nismes toxiques. L’urgence est de faire la dif­fé­rence entre l’amour et la mani­pu­la­tion, et de leur reti­rer la res­pon­sa­bi­li­té et la culpa­bi­li­té qui peuvent les envahir. 

Lire aus­si l Documentaire sur le fémi­ni­cide de Julie Douib : autop­sie d’un sys­tème judi­ciaire défaillant et d’une omerta

“Au début, on a l’impression de chan­ger le monde. à la fin, si cela per­met aux cre­vettes que l’on a ren­con­trées d’aller un peu mieux, c’est déjà pas mal”, raconte le direc­teur du foyer qui cherche à les accom­pa­gner par tous les moyens à sa dis­po­si­tion. Le réa­li­sa­teur met à l’honneur les travailleur·euses sociaux·ales, qui accom­pagnent et font de leur pré­sence incon­di­tion­nelle un socle pré­cieux pour les rési­dentes. “On est pas là pour enfer­mer ni for­cer à res­ter”, mais pour faire en sorte que chaque erreur, chaque rechute, chaque fugue, soit tou­jours accueillie et écou­tée. L’enjeu pre­mier est de main­te­nir un lien à tra­vers un espace de parole et de res­ter attentif·ive aux appels à l’aide. Contre les regards exté­rieurs, qui consi­dèrent les jeunes placé·es en foyer comme des délinquant·es, le direc­teur affirme : “Non, ce sont des enfants à pro­té­ger.” En dépit du peu de moyen et du sen­ti­ment d’impuissance des proches et des éducateur·rices, on voit tout le tra­vail mis en œuvre pour que des ado­les­centes se sentent entou­rées et sortent de sché­mas toxiques et dangereux. 

Comme si j’étais morte inter­roge et nous laisse même avec de nom­breuses ques­tions sur l’ASE, les proxé­nètes, les consé­quences trau­ma­tiques des vio­lences subies. L’œuvre nous per­met fina­le­ment d’être témoin du tra­vail réso­lu­ment humain des éducateur·rices du foyer. Mais sur­tout de la force que les ado­les­centes en lutte per­ma­nente déploient. 

Lire aus­si l Prostitution des mineures : un refuge pour s'en sortir

Comme si j'étais morte, de Benjamin Montel. Documentaire de 58 min, dis­po­nible sur France.tv Slash et dif­fu­sé le 26 mars sur France 5.

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