Docu Julie Douib infrarouge
Photo : France TV

Documentaire sur le fémi­ni­cide de Julie Douib : autop­sie d’un sys­tème judi­ciaire défaillant et d’une omerta

Dans le documentaire, Julie, récit d’un féminicide, diffusé ce mardi soir sur France 2, la réalisatrice Giulia Montineri donne la parole aux habitant·es de l’Île-Rousse (Haute-Corse) où vivait Julie Douib, tuée par son ex-compagnon en mars 2019. Elle questionne ainsi la responsabilité collective d’un féminicide annoncé dans une communauté “où tout le monde savait”.

Elle fut le trentième féminicide de l’année 2019. Il y a cinq ans, Julie Douib mourrait à l’âge de 34 ans, tuée par son ex-compagnon et père de ses deux fils, Bruno Garcia-Cruciani, de trois balles dans le corps, dans son appartement de l’Île-Rousse (Haute-Corse). Mais la trentenaire n’a pas seulement été “un numéro” parmi la litanie macabre des 146 féminicides de l’année 2019. Elle est devenue le symbole des violences conjugales et surtout des dysfonctionnements de la police et de la justice, soulevant l’opinion publique au point de devenir l’un des déclencheurs du Grenelle contre les violences conjugales, qui s’ouvrira six mois plus tard. Deux jours avant d’être tuée, la jeune femme avait appris le classement sans suite des sept plaintes qu’elle avait déposé pour violences et menaces à l’encontre de son ex-compagnon depuis leur séparation en septembre 2018. Elle avait aussi émis un signalement auprès du juge des affaires familiales. En vain.

Cinq ans après sa mort et un peu plus d’un an après la condamnation de Bruno Garcia-Cruciani à la réclusion criminelle à perpétuité, la réalisatrice corse Giulia Montineri a posé sa caméra à l’Île-Rousse – village de son enfance – pour tenter de sonder l’écho de ce traumatisme collectif au sein d’une communauté où tout le monde se connaît. En sort un documentaire poignant, Julie, récit d’un féminicide, diffusé ce mardi 12 mars à 23 h 15 dans l’émission Infrarouge sur France 2 (également disponible en replay).

Responsabilité collective ?

La réalisatrice donne la parole à la famille de Julie Douib, dont le père, Lucien, consacre depuis sa vie à la médiatisation de l’affaire et à la lutte contre les violences conjugales. Mais aussi à ses amies qui retracent la vie, les derniers mois de la jeune femme, les graves manquements de la justice et l’après. Les parents de Julie vivant sur le continent, la police avait délégué à ces amies la lourde tâche d’annoncer la mort de Julie à ses deux enfants. “Leurs réactions sont gravées dans ma mémoire”, confie l’une d'elles. 

Du comptoir d’une fromagerie à la terrasse d’un café, Giulia Montineri donne aussi la parole aux anonymes. En interrogeant des habitant·es de l’Île-Rousse, un village “où tout le monde savait que Julie subissait des violences”, elle questionne ainsi la responsabilité collective. Il y a cette femme qui se souvient par exemple de la fois où Bruno Garcia-Cruciani a violemment frappé Julie devant le terrain de foot où jouait leur fils. Personne n’est intervenu. Cette fois aussi où l’homme avait ouvertement menacé Julie devant l’école des enfants. Là encore, personne n’est venu. “On peut le dire : on n’a pas compris ce qu’elle a vécu”, témoigne l’une de ses amies en pleurant, qui lui avait conseillé de déménager loin de la Corse.

Lire aussi I Plaintes en diffamation : l’arme fatale des hommes accusés de violence

Pour beaucoup, il y a eu un avant et un après Julie Douib. “Ça a jeté un froid sur la ville”, observe ainsi la réalisatrice. Pour mesurer l’évolution du sexisme ordinaire dans le village – et plus globalement dans la société corse –, Giulia Montineri distribue un violentomètre –, un outil d’auto-évaluation visuel permettant de grader et de repérer les violences conjugales – aux habitant·es de l’Île-Rousse. “Ça résume toute la vie de Julie”, glisse gravement l’une d’eux·elles en énumérant la gradation des violences.

Face à la caméra, les femmes dénoncent toujours le sexisme, le machisme, la loi du silence et de “l’honneur”, la pression des agresseurs et le poids de la communauté. Elles en veulent pour preuve, par exemple, l’avalanche de procédures-bâillons – du nom de ces plaintes en diffamation déposées par des hommes accusés publiquement de violences – déposées en Corse à la suite du mouvement de libération de la parole sous le hashtag #IwasCorsica à l’été 2020.

Mais à en croire plusieurs hommes interrogés dans le documentaire, la société insulaire serait au contraire “matriarcale”. “Chez nous, il n’y a rien qui cloche entre les hommes et les femmes”, affirme, sans ciller, un habitant face à la caméra. Pourtant, rappelle Giulia Montineri, les femmes en Corse sont statistiquement autant victimes de féminicides qu’ailleurs en France. Et sur la corniche pas très loin du village, le tag “per Julie, per tutte” (pour Julie, pour toutes) a été peinturé de noir.

Julie, récit d’un féminicide, de Giulia Montineri. Mardi 12 mars à 23h15 sur France 2 et en replay sur le site de France.tv.

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