Sur le plateau de Léa Salamé, Michel Drucker a créé samedi soir le malaise total en mettant en doute la parole de Marie Portolano, qui avait dénoncé le sexisme dans le journalisme sportif dans son documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste.
La séquence est lunaire. Invité sur le plateau de Quelle époque ! de Léa Salamé, samedi soir, Michel Drucker – après nous avoir raconté en long en large et en travers ses opérations du cœur et son amour de l’antenne qu’il ne compte pas, soyez-en informé·e, quitter avant sa mort –, s’est permis d’interpeller la journaliste Marie Portolano avec un paternalisme et une condescendance qui laissent sans voix.
Invitée, avec son confrère Thomas Sotto, pour parler de leur actualité, à savoir, le fait qu’ils coprésentent depuis la rentrée Télématin, sur France 2, le présentateur du très très vieux monde, s’est permis d’intervenir en interpellant Marie Portolano sur un tout autre sujet. À savoir, le sexisme dans le sport. En effet, la journaliste est l’autrice d’un documentaire retentissant datant de 2021, intitulé Je ne suis pas une salope, je suis journaliste. Un travail qui a fait date dans la lutte contre le sexisme dans le sport et dans lequel pas moins de dix-huit journalistes témoignaient des violences subies de la part de leurs confrères.
Comme si #MeToo n’avait jamais existé, comme s’il n’avait jamais entendu parler de la misogynie crasse qui a trop longtemps régné dans le journalisme sportif (on ose espérer que c’est moins le cas aujourd’hui), et comme si Marie Portolano était une petite menteuse qui n'aurait pas dit toute la vérité à son papa qui lui donnerait là l’occasion de se racheter en mode “faute avouée à moitié pardonnée”, Michel Drucker lui demande, d’un air mi-amusé, mi-défiant : “Alors c’est l’ancien reporter sportif qui vous parle, là, Marie. Vous avez vraiment souffert avec les copains des sports, les mecs des sports ?” Sidérée par la question tellement lunaire qu’il est quasiment impossible d’y répondre, Marie Portolano tente l’ironie : “Euh… Non…” Et Drucker de renchérir : “Ils ont vraiment eu des attitudes inconvenantes ? Oui, vraiment ?” Devenant l’insistance et comprenant qu’il ne s’agit pas d’une blague, Marie Portolano retourne au premier degré et rétorque : “Bah… y en a eu beaucoup quand même. Je ne suis pas la seule à le dire puisqu’on est dix-huit à témoigner dans ce documentaire et que j’aurais pu encore aller chercher plus de consœurs…”
Tout dans cette séquence donne envie de mourir. Car soit Michel Drucker a vécu dans la cave de Vivement dimanche ces six dernières années et raté quelques révolutions sociétales au passage, soit il crache véritablement à la figure de Marie Portolano, et par là même à celle de toutes les femmes, en toute tranquillité, à une heure de grande écoute sur le service public.
Il semblerait malheureusement que l’option deux soit à privilégier. Et elle est plus que problématique. Lui poser la question ainsi, c’est sous-entendre qu’elle aurait exagéré, c’est nier son travail d’enquête, c’est mettre en doute sa parole et celle des dix-huit femmes qui ont courageusement témoigné dans son documentaire. C’est faire comme si les répercussions monumentales qu’on eues ce travail d’investigation (enquêtes internes dans de multiples rédactions ayant entraîné des licenciements et des mises à pied) n’avaient jamais existé.
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C’est aussi, plus largement, faire table rase du sexisme dans le domaine sportif qui a pourtant pignon sur rue (coucou Candeloro) quand il ne s’agit pas de viols, d’agression sexuelle (cf. très récemment l’affaire du baiser forcé en Espagne) ou des multiples scandales de pédocriminalité qui entachent toutes les disciplines sportives depuis des années…
Non, face aux preuves et à l’évidence, Michel Drucker préfère évoquer le bon boy’s club des “copains des sports”. Ces bons gaillards, peut-être un peu bourrins, qui ne feraient pas de mal à une mouche. Et que Marie Portolano a sûrement mal compris. Cette remise en cause insidieuse de la parole des femmes par un homme aussi médiatique et, par ailleurs respecté en France, est une insulte de plus faite aux femmes. Et elle fait le lit des masculinistes qui n’en demandaient pas tant de la part de la statue Grévin du paf. Quelle époque, en effet, mes ami·es !
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