Dans moins de cent jours, Vahine Fierro surfera à domicile la mythique vague Teahupoo lors des Jeux olympiques. À 24 ans, la Polynésienne compte bien rafler l’or et en finir avec le mythe sexiste de la vahiné. Portrait.
Pour les Jeux olympiques de Paris 2024, Vahine Fierro sera à la maison. La Polynésienne connaît la vague de Teahupoo par cœur, elle qui est née non loin de Tahiti – où se dérouleront les compétitions de surf. Cette vague, la surfeuse de 24 ans, qui a décroché son ticket pour Paris 2024, la pratique d’ailleurs presque tous les jours pour se préparer. Et son lien avec la vague tahitienne n’est pas seulement sportif, il remonte à ses racines. “Elle connaît les vieilles histoires de Teahupoo, il y a un côté ‘énergie spirituel’”, assure l’entraîneur de l’équipe de France de surf, Jérémy Florès, qui est aussi l’un de ses meilleurs amis.
À Tahiti, Vahine Fierro a ouvert la voie aux surfeuses, tant Teahupoo fut longtemps l’apanage des hommes. Et le chemin semble encore long. “Il n’y a que quatre ou cinq filles à l’aise à Teahupoo quand c’est gros, et Vahine Fierro en fait partie”, estime l’un des surfeurs tahitiens les plus réputés, Raimana Van Bastolaer. Pour l’entraîneur de l’équipe de France de surf, Vahine Fierro “a ce côté guerrier”. “Beaucoup ont peur de se lancer alors qu’elle y va la tête en bas”, lance-t-il. Quand elle ne surfe pas, Vahine Fierro est policière réserviste depuis janvier 2023. La jeune femme est aussi engagée depuis longtemps dans la protection de l'océan.
Enfance tahitienne
Vahine Fierro naît quelques jours avant l’an 2000 sur l’île de Raiatea, et grandit sur l’île voisine, Huahine. Quelques semaines après sa naissance, elle observe déjà son père sur les vagues depuis le petit bateau familial – Andrew Fierro est un surfeur américain aguerri. Petite, Vahine Fierro apprend très tôt à nager et prend ses premières vagues dès l’âge de 5 ans sur un bodyboard. “Elle a carrément kiffé dès le début, elle avait son petit gilet, elle mettait sa main sur ma tête”, se souvient son père, qui a fabriqué des dizaines de planches de surf pour ses filles : Vahine, puis ses petites sœurs, Heimiti et Kohai.
Toute la famille surfe chaque jour après l’école. Et, dès l’âge de 8 ans, sans ses parents qui n’ont pas les moyens de l’accompagner, Vahine part disputer une compétition en Nouvelle-Zélande. Puis décide à 15 ans d’étudier au lycée de Papara, à Tahiti, qui propose une section surf. C’est à cet âge qu’elle découvre ensuite la vague de Teahupoo, qu’elle apprendra à surfer.
Aux portes de l'élite
À 18 ans, Vahine Fierro devient championne du monde junior. En 2023, à 23 ans, la jeune femme éclabousse de son talent l’épreuve annuelle du circuit pro sur la vague tahitienne. Elle parvient à venir à bout de l’Hawaïenne Carissa Moore, cinq fois championne du monde, avant de s’octroyer la troisième place de l’événement.
Ses proches lui reconnaissent une seule faiblesse, son manque de confiance en elle. “Ce qu’elle pourrait corriger, c’est d’être plus agressive dans l’eau, d’être moins gentille avec les autres”, analyse sa sœur Heimiti, qui juge toutefois qu’elle a progressé sur ce plan.
Et, dans les périodes de doute, la jeune femme se rassure avec une organisation sans faille. “Vahine est très prévoyante, posée, limite maniaque, très préparée”, observe le coach olympique Hira Teriinatoofa, également tahitien. “Elle est très structurée, très organisée et ‘healthy’ : c’est une machine au niveau nutrition”, ajoute Jérémy Florès.
Prendre sa revanche
Pour Vahine Fierro, les JO seront aussi l’occasion de prendre sa revanche après plusieurs échecs aux portes du Championnat du monde de surf, qui rassemble les dix-sept meilleures surfeuses de la planète. “L’an dernier, elle l’a manqué de quatre places, les deux années précédentes, elle était à une place de passer”, regrette son père. Une seule série mal négociée en compétition sonne le glas d’une année d’espoirs. “Le surf, c’est un ‘roller coaster’, il y a toujours des hauts et des bas”, souligne Andrew Fierro.
Sur la vague de Teahupoo, Vahine Fierro prendra aussi une autre revanche, moins personnelle cette fois. Les femmes polynésiennes veulent en effet en finir avec le mythe sexualisé de la vahiné, diffusé par les premiers colons. Si Vahine Fierro conquiert une médaille d’or sur la mythique vague tahitienne, elle fera de son prénom une légende, et cette fois bien au-delà de Huahine.