Meuf Paris lance aujourd’hui le premier réseau social 100 % meufs. The safe place to be !
Créé il y a six ans par Claire Suco, Meuf Paris est une marque de fringues chouette et engagée. Vêtements à messages antisexiste, culottes menstruelles, brassières… Mais c’est aussi des réseaux sociaux puissants sur lesquels on parle de tout, à commencer par des sujets tabous. De quoi inspirer à Claire Suco un nouveau projet : le premier réseau social 100 % meufs. Disponible dès aujourd’hui.
Causette : D’où vient cette idée de réseau social en non-mixité ?
Claire Suco : Cela découle de notre travail pendant six ans avec Meuf où j’ai pu observer qu’il y avait beaucoup de problèmes sur les réseaux sociaux quand on est une femme. L’idée c’est de remédier à ça et d’avoir enfin un endroit où nous, les femmes, on se sent complètement en sécurité, où on n’a pas à se poser de questions sur ce qu’on poste. Un endroit où on se sent libre de penser et de s’exprimer comme on a envie. Une safe place sur laquelle on pourra échanger en toute sécurité sur toutes les problématiques qui nous concernent : règles, ménopause, avortement, grossesse, post-partum, fausse couche, violences sexistes et sexuelles. Mais aussi pouvoir faire ce qu’on fait déjà sur d’autres réseaux sociaux sans peur du jugement et notamment celui du regard masculin, qui peut être très violent.
L’idée c’est donc d’échapper au cyberharcèlement ?
C. S. : 75 % des femmes sont harcelées en ligne aujourd’hui, c’est énorme. Finalement, on a reproduit sur Internet ce qui se passait dans la réalité. Et huit femmes sur dix se censurent. Autant de femmes qui n’osent pas prendre la parole ou poster, réagir à des sujets de société, qu’il s’agisse d’écologie, d’économie, de politique, de peur d’être jugées ou, pire, insultées.
Beaucoup sont celles aussi qui ne vont pas oser poster des photos d’elles. Nombre d’images mais aussi de mots sont censurés sur les réseaux. Aujourd’hui, on n’a plus le droit d’utiliser les mots orgasme, avortement, viol, suicide. La liste est longue. Et évidemment, ce sont des mots qui concernent les femmes, le plus souvent. Donc on se retrouve à mettre des zéros, des **, ou des bandeaux noirs sur les tétons des femmes pour contourner la censure.
Comment cela se passera sur votre réseau ?
C. S. : Déjà, on ne pourra pas utiliser de filtres. Parce qu’aujourd’hui, il y a vraiment un gros souci avec ça, notamment chez les jeunes filles qui vont voir des chirurgiens esthétiques en montrant une photo de quelqu’un avec un, voire plusieurs filtres, et qui disent : “Je veux ça.” L’idée, c’est d’avoir un endroit où on peut montrer ce que c’est que la réalité d’une peau de femme et à quel point c’est beau sans filtre. Et aussi la diversité des corps. Avec notre marque de culottes, j’ai pu expérimenter la censure. On allait du 32 au 58, mais dès que je voulais poster une photo d’une femme qui faisait plus de 42 – en sachant que 42, c’est la taille moyenne en France –, on se faisait bannir. Parce que l’algorithme, au-delà du 42, détecte la peau et estime qu’il y en a trop et le classe donc comme du nu. Les algorithmes des réseaux sont ultra grossophobes et très problématiques en termes de représentation, puisque du coup, on voit toujours les mêmes corps. Donc, si on fait une taille supérieure à du 42, on va penser qu’on a un problème, que personne n’est comme nous. Alors que ce n’est pas du tout le cas, c’est juste ce qu’on nous laisse voir qui correspond à ça.
On va enfin pouvoir poster des photos de seins peinardes ?
C. S. : Évidemment ! La censure des tétons des femmes sur les réseaux classiques empêche de parler de plein de choses : de cancer du sein, d’allaitement, ou juste de montrer ses seins si on en a envie ! On n’aura évidemment pas de censure des tétons sur notre réseau.
Et est-ce qu’il y a un enjeu de réseau professionnel aussi ?
C. S. : J’ai cinq cents bêta-testeuses. J’échange beaucoup avec elles, notamment avec des créatrices de contenus et d’artistes qui ont beaucoup évoqué ce point-là. Donc, je pense que c’est quelque chose qu’on développera. Afin de pouvoir savoir quelle femme fait quoi autour de soi et voir si on peut éventuellement bosser ensemble sur certains sujets.
Et comment vous allez financer tout ça ?
C. S. : Pour le début, j’ai fait tout en autofinancement. En parallèle, j’ai réalisé une première levée de fonds. Mais il faudra évidemment en refaire si l’appli fonctionne bien. Parce que ça coûte beaucoup d’argent de maintenir une application comme ça en vie.
Ça sera gratuit ?
C. S. : Oui ! On va aussi développer un forfait payant qui permettra l’accès à des expertes, des événements, des webinaires, des choses comme ça. Mais sinon, c’est gratuit, oui.
Comment vous allez faire pour que ça reste une safe place et ne pas être infiltrée par les mascus ?
C. S. : On demande une carte d’identité et un selfie à l’inscription. On ne conserve aucune donnée, c’est vraiment pour pouvoir vérifier. On est bien sûr ouvert aux meufs trans. Du coup, ça se fera de manière manuelle si le changement de nom n’a pas encore eu lieu sur les papiers d’identité. Et après, il y aura une modération très stricte. Donc, si des gens arrivaient quand même à passer ces étapes-là et à “nous avoir”, au moindre signalement, d’un commentaire ou d’un post, ce sera vérifié et tracé. Ce qui n’existe pas sur les réseaux classiques parce qu’ils ont tout intérêt à laisser la haine se répandre. Ça fait vendre. Chez nous, ce sera tolérance zéro.
Pour rejoindre le réseau social Meuf, c’est ici.