Alors que la nouvelle Miss France sera élue le 11 décembre prochain, un concours de Miss d’un autre genre s’est joué à Marseille : l’élection d’une Miss Unisexe. Seuls points communs, l’écharpe et le diadème.
Mercredi 1er décembre, au Makeda, lieu de nuit engagé du Vème arrondissement de Marseille, une hérésie a pris fin : dans une ambiance collée serrée et surexcitée, Marseille a retrouvé sa Miss Cagole. Depuis 2018, le concours apparu dans les années 90 ne s’était pas tenu. Pour cette édition 2021, qui de plus approprié que Lisa, fondatrice de la bien nommée marque de vêtements Cagole Nomade, pour relancer l’événement ? « On a souhaité le remastériser avec nos valeurs : l’écologie, le féminisme et l’inclusivité. De cette manière, on prend le contre-pied d’un concours comme Miss France qui est toujours centré sur le physique et ne met en valeur qu’une forme de beauté, très lisse, froide, sage. Notre seul critère, c’est : prendre de la place et être soi-même. » Ici pas de sélections sur le physique, l’âge, ou même le genre. Le concours se veut inclusif, unisexe et unigenre. Les candidat·es ont postulé directement en postant une vidéo « cagolesque » de présentation sur Instagram. Après validation de l’inscription, ils et elles étaient dix : Aby, Yanis, Lili, Angelina, Swan, Valentin, Charlotte, Marie-Julie, Ève et Illan.
En attendant que le show commence, ça s’affaire dans les loges. Les raisons qui poussent les candidat·es à participer sont aussi diverses que leurs physiques. Angelina, body léopard, bottes à paillettes et faux cils, est là pour se prouver qu’elle peut le faire « Ce sont mes copines qui m’ont pimpée parce que je ne fais jamais ça dans la vie de tous les jours. Mais là, je suis à un stade où j’ai envie de me challenger et de m’assumer. » Et puis il y a Aby, venue chercher un peu de liberté : « Jamais je ne pourrais m’habiller comme ça pour sortir en boîte », déplore-t-elle moulée dans un combo collant résille et body. Pas très loin derrière elle, Valentin. Jupe noire fluide, collier tout en strass et couronne de fleurs dans les cheveux, il tente sa chance avant tout par amour de la performance. Il a prévu un Lip Sync (un play back sans musique) de Sophie Marceau et affirme participer car il préférera toujours « la mise en valeur artistique qu’esthétique ».
Second degré mais vraies valeurs
Une soirée animée par Jeanne-Pierrette Boucan et présidée par Jeanne-Vieille de Fond-de-Teint. Du second degré qui ne doit pas faire oublier les convictions défendues : « Les mots d’ordre ce soir sont bienveillance et authenticité », annonce la présidente, de son vrai nom Maryam Kaba, fondatrice de l'école de danse AfroVibe. Pour l’aider dans cette rude tâche, Aïcha (réalisatrice de Mystère et boule d’orgasme) mais aussi Gloria, élue Miss Cagole 2018 qui a donc une idée bien précise de ce qu’il faut pour l’emporter. « S’assumer, ne pas avoir peur d’être authentique. Une cagole, c’est une femme qui ne correspond pas aux critères de beauté classique. Elle n’a pas une féminité calme, lisse, mince, sans aspérité. » Le message a bien été reçu : motif léopard à gogo, strass et paillettes sur les yeux et les corps, talons de 12 cm, robes aussi minis que moulantes… tout dans la chaleur du Makeda a de quoi faire suer le comité Miss France.
![Marseille retrouve sa Miss Cagole, tout en paillettes et en authenticité 2 Capture d’écran 2021 12 03 à 10.27.43](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/12/Capture-d’écran-2021-12-03-à-10.27.43.jpg)
L’un·e après l’autre, ils et elles défilent puis exécutent une performance de leur choix. Quand les Miss France reproduisent des chorégraphies au millimètre près et récitent des textes appris par cœur, les Miss Cagole se laissent porter par l’effet grisant des encouragements du public. Forcément, le résultat est moins parfait. Mais c’est précisément le but : être le plus « soi même » possible, sans aucune retenue. « On a vu des tétons et des poils qui dépassent, pas mal de push-up, mais contrairement à ailleurs, ici, on ne disqualifie pas », lance Maryam Kaba. Parce qu’il ne suffit pas de savoir se déhancher pour être élu·e cagole des cagoles, les prétendant·es ont dû se soumettre à un quizz concocté par Éric Akopian de Clean my Calanque et Aïcha, mêlant écologie, sexualité et féminisme.
100 % cagole
Alors que Jeanne-Pierrette Boucan peine à calmer les ardeurs d’un public survolté, place pourtant à l’épreuve qui requiert calme et attention : les discours. Une candidate a réussi à captiver l’attention. « Née cagole », Lili se démarque par son texte. Elle y raconte les clichés et les propos déplacés liés à « mon gros boule, mes gros cheveux, mon gros nez, mon gros ventre, mes habits de pute » mais surtout qu’elle n’a aucunement l’intention de prendre moins de place ou de taire son « rire qui traverse les murs et les frontières ». Après avoir fait s’affoler l’applaudimètre qui lui donne les 15 points du public, elle remporte l’élection. Miss Cagole Nomade 2021 va-t-elle, comme ses consœurs Miss France promettre de lutter contre la pauvreté et la guerre dans le monde ? Non, seulement de se servir de cette voix « de gitane ou de poissonnière comme disait ma mère » pour continuer à inciter les autres à être ce qu’ils et elles sont. Comme elle le fait : « Je suis une diva, je suis un roi, je suis une multitude de femmes, toutes celles que je veux être : sirène, écolo, militante, gangster, princesse, sorcière, salope, bombasse, avion de chasse, féministe radicale, caillera, cagole, je suis Cagole nomade. »
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