Député européen écologiste, Damien Carême a vu, ce mardi, sa requête devant la CEDH pour inaction climatique de la France rejetée pour des questions formelles. Mais il se réjouit de la victoire concomitante du collectif Aînées pour la protection du climat, qui vient de faire condamner la Suisse pour les mêmes motifs.
“La justice climatique est un droit de l’homme”, proclame, mardi 9 avril au matin, une pancarte tendue dans la foule rassemblée devant le parvis de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. Des étudiant·es portuguais·es, des retraitées suisses, un eurodéputé français et même… Greta Thunberg : ils et elles ne se connaissaient pas forcément, mais s’étaient tous et toutes réuni·es dans une ambiance festive, mais déterminée pour attendre ses jugements sur trois requêtes distinctes.
Qu’il s’agisse de celle contre la France de Damien Carême, celle contre la Suisse du collectif Aînées pour la protection du climat, ou encore de celle contre trente-deux États d’un collectif de jeunes Portugais·es, toutes avaient la même ambition : faire condamner des États pour inaction climatique, au titre du “droit à la vie” présent dans l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, que la cour est chargée de faire respecter à ses quarante-six États-membres.
Le jour est historique : c’est la première fois que la CEDH avait à se prononcer sur la responsabilité des États en matière d’action contre le changement climatique. Et pour les Aînées pour la protection du climat (2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne), l’épopée judiciaire se solde sur une victoire : la CEDH a condamné la Suisse à la suite de la requête de l’association, qui dénonçait des “manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique” qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé.
Si seule la Suisse a été condamnée cette fois, Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe et actuel député européen Les Écologistes (il est candidat d’ouverture sur la liste France insoumise pour les élections de juin) ne boude pas son plaisir. “Pour moi, c’est une semi-défaite, parce que je n’ai perdu que sur une question de forme [l’ancien maire n’habite plus Grande-Synthe, alors que sa requête initiale mentionnait les menaces dans ce cadre de vie sur le littoral du Nord, ndlr], précise-t-il à Causette. Le plus important, c’est que ma requête avait été jugée recevable par la grande chambre de la CEDH.”
Contraintes
Pour le député européen, la victoire des grands-mères suisses est par ailleurs “un signal extrêmement fort envoyé aux États quant à l’efficience de la justice pour le climat et aux militants sur la voie à prendre pour forcer la main des États qui rechignent à prendre des mesures climatiques pour protéger les vies humaines”. “La Suisse va devoir accélérer ses actions pour protéger ses concitoyens du danger climatique puisque les jugements de la CEDH s’imposent à ses États membres”, rappelle aussi celui qui a déjà fait condamner la France en 2020 devant le Conseil d’État au sujet de l’inaction du pays pour protéger Grande-Synthe de la montée inexorable des eaux.
Si l’élu écologiste était, au début de son engagement politique, loin de s’imaginer de ferrailler avec l’État français, il perçoit cet outil comme une nécessité aujourd’hui. “On a affaire à des gouvernements obtus qui se refusent à agir, la justice devient la seule voie qui nous reste”, soupire-t-il. Et de faire remarquer qu’en quelques mois la communication du gouvernement a évolué au sujet du climat. “Le ministre de l’Écologie, Christophe Béchu, ne parle plus de ‘lutte’, mais simplement d’‘adaptation’. Allez voir dans quel état physique et psychologique sont les personnes de ma région qui, cet hiver, ont subi pas moins de quatre crues dévastatrices.” Manière de dire que s’adapter sans plus lutter, c’est renoncer.
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