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CEDH © Openverse

Inaction cli­ma­tique : grâce à la mobi­li­sa­tion de femmes âgées, la CEDH rend un juge­ment his­to­rique en condam­nant la Suisse

Pour la pre­mière fois dans son his­toire, la Cour euro­péenne des droits de l’homme s’est pro­non­cée sur la res­pon­sa­bi­li­té des États en matière d’action contre le chan­ge­ment cli­ma­tique. Sur les trois requêtes qui lui étaient sou­mises, la cour a don­né rai­son au col­lec­tif Aînées pour la pro­tec­tion du cli­mat, qui met­tait en cause l’inaction cli­ma­tique de la Suisse. 

La Cour euro­péenne des droits de l’Homme (CEDH) a ren­du, mar­di 9 avril, un juge­ment his­to­rique en condam­nant pour la pre­mière fois un État pour inac­tion cli­ma­tique, en l’occurrence la Suisse. Une déci­sion juri­di­que­ment contrai­gnante qui devrait faire juris­pru­dence dans les quarante-​six États membres du Conseil de l’Europe.

Alors que le mois de mars a bat­tu un nou­veau record mon­dial de cha­leur, la déci­sion de la cour était très atten­due : la CEDH ne s’était encore jamais pro­non­cée sur la res­pon­sa­bi­li­té des États en matière d’action contre le chan­ge­ment climatique.

Mais la pré­si­dente de la CEDH, l’Irlandaise Siofra O’Leary, a ren­du trois conclu­sions dif­fé­rentes sur la même thé­ma­tique. Si la Suisse a été condam­née, deux autres requêtes ont été reje­tées : celle d’un ancien maire éco­lo­giste d’une com­mune lit­to­rale du nord de la France contre l’État et sur­tout celle très média­ti­sée de jeunes Portugais·es contre trente-​deux États. 

La CEDH devait dire si les États visés ont enfreint la Convention euro­péenne des droits de l’homme, en par­ti­cu­lier le “droit à la vie” (article 2) et le “droit au res­pect de la vie pri­vée et fami­liale” (article 8), en ne lut­tant pas suf­fi­sam­ment contre le réchauf­fe­ment climatique.

La pre­mière affaire était por­tée par les Aînées pour la pro­tec­tion du cli­mat (2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne) et quatre de ses membres qui avaient déve­lop­pé en plus des requêtes indi­vi­duelles, les­quelles ont été reje­tées. La requête de l’association dénon­çait des “man­que­ments des auto­ri­tés suisses pour atté­nuer les effets du chan­ge­ment cli­ma­tique” qui ont des consé­quences néga­tives sur les condi­tions de vie et la santé.

Plusieurs heures avant ces arrêts, des dizaines de per­sonnes s’étaient ras­sem­blées sous le ciel gris de Strasbourg devant la cour, dont la jeune mili­tante éco­lo­giste sué­doise Greta Thunberg. “La jus­tice cli­ma­tique est un droit de l’homme”, pro­cla­mait en anglais une ban­de­role bleue tenue par les dames aux che­veux blancs des Aînées pour la pro­tec­tion du cli­mat. “J’ai 82 ans et je ne ver­rai pas les effets des déci­sions ren­dues aujourd’hui. Il faut que les poli­tiques changent et ça pren­dra du temps”, a décla­ré Mona Bruna-​Molinari, membre de l’association helvétique.

"Tous tou­chés"

Un second dos­sier était à l’initiative de l’eurodéputé fran­çais (ex-​EELV) Damien Carême. Cet ancien maire de Grande-​Synthe (Nord), atta­quait les “carences” de l’État fran­çais, esti­mant notam­ment qu’elles font peser sur la ville lit­to­rale, un risque de submersion.

En 2019, il avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, sai­si le Conseil d’État pour “inac­tion cli­ma­tique”. La plus haute juri­dic­tion admi­nis­tra­tive avait don­né rai­son à la com­mune, mais avait reje­té sa demande indi­vi­duelle, l’amenant donc à sai­sir la CEDH. “Voir ma ville sub­mer­gée dans trente ans est insup­por­table”, jus­ti­fiait Damien Carême, expli­quant vou­loir “en finir avec la léthar­gie” et “le refus d’agir de l’État”.

Lire aus­si l À Grande-​Synthe, chez le (presque) meilleur maire du monde

La troi­sième affaire était sou­te­nue par un col­lec­tif de six Portugais·es âgé·es de 12 à 24 ans, mobilisé·es après les ter­ribles incen­dies qui ont rava­gé leur pays en 2017. Leur requête était diri­gée non seule­ment contre Lisbonne, mais éga­le­ment contre tous les États de l’UE, ain­si que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-​Uni et la Russie, soit trente-​deux pays au total.

"Un tour­nant"

“Ces trois affaires, inten­tées par des per­sonnes âgées de 12 ans à plus de 80 ans, montrent que nous sommes tous tou­chés par la crise cli­ma­tique”, sou­li­gnait la Portugaise Catarina dos Santos Mota, 23 ans, avant le ver­dict. La posi­tion de la cour “peut mar­quer un tour­nant dans la lutte pour un ave­nir vivable, assu­rait de son côté l’avocat Gerry Liston, de l’ONG Global Legal Action Network (Glan). Une vic­toire dans l’une des trois affaires consti­tue­rait pour l’Europe l’évolution juri­dique la plus signi­fi­ca­tive sur le chan­ge­ment cli­ma­tique depuis la signa­ture de l’Accord de Paris en 2015.” Les signa­taires s’étaient alors engagé·es à limi­ter le réchauf­fe­ment de la pla­nète “bien en deçà” de 2 degrés depuis l’époque pré­in­dus­trielle (1850−1900) et de 1,5 degré si possible.

Avec un nou­veau record de tem­pé­ra­tures en mars, les douze der­niers mois ont été les plus chauds jamais enre­gis­trés dans le monde, 1,58 degré de plus que dans le cli­mat de la pla­nète au XIXe siècle, a jus­te­ment annon­cé, mar­di, l’observatoire euro­péen Copernicus.

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