ADELINE TONIUTTI
© Thomas Braut

Adeline Toniutti, sa voix au chapitre

Dans Incandescente pour tou­jours, publié début avril, Adeline Toniutti raconte son his­toire, entre son rêve de deve­nir chan­teuse d’Opéra fau­ché par une extinc­tion de voix, les vio­lences conju­gales et “la douche de lumière” venue avec son rôle de prof à la Star Academy. Portrait. 

Adeline Toniutti n’aime pas tel­le­ment le mot “revanche”, un peu trop bel­li­queux à son goût. Pourtant, à lire son récit auto­bio­gra­phique, Incandescente pour tou­jours, publié le 3 avril aux édi­tions du Rocher, elle semble bien l’avoir prise, sa revanche, sur un paquet d’années de souf­frances où se sont entre­mê­lées errance médi­cale, vio­lences conju­gales et chute sociale. Une impres­sion de rési­lience d’ailleurs pal­pable quand on ren­contre la chan­teuse de 36 ans, recon­nais­sable à sa che­ve­lure flam­boyante, dans un café de Boulogne Billancourt (Hauts-​de-​Seine) la veille de la sor­tie de son livre, en com­pa­gnie de son édi­teur et de son assistante. 

Autre impres­sion : Adeline Toniutti semble être de ces per­sonnes qui ne tiennent pas en place. En témoigne d’ailleurs son quo­ti­dien. Le café, à deux pas de l’immense tour vitrée de TF1, n’a ain­si pas été choi­si au hasard. Après avoir cre­vé l’écran en tant que prof de chant dans la Star Academy nou­velle ver­sion depuis 2022, la voi­ci qu’elle fou­lait cette année le par­quet de la der­nière sai­son de Danse avec les stars, éga­le­ment dif­fu­sée sur la chaîne privée. 

Planning intense

Avant son éli­mi­na­tion de l’émission, same­di 6 avril, elle devait donc jon­gler entre la pro­mo­tion de son livre, six à huit heures de danse par jour et les répé­ti­tions de sa tour­née, Hey man !, qui débu­te­ra mar­di pro­chain au théâtre Bobino, à Paris – et dont le titre est une réfé­rence directe au célèbre exer­cice de chant qu’elle fai­sait faire aux élèves du châ­teau de Dammarie-​les-​Lys (Seine-​et-​Marne) et qui a fait en par­tie son suc­cès. “Parfois, je me dis ‘où est le ser­vice de réani­ma­tion ?’” glisse-​t-​elle en riant à Causette, en repo­sant sa tasse de thé. Mais qu’importe pour elle la fatigue et les cour­ba­tures. “Avoir un plan­ning intense est une urgence vitale, raconte-​t-​elle. Je me dis aus­si sou­vent ‘est-​ce que je serais encore là dans un an ?’.”

Freddie Mercury

Cette urgence se com­prend à mesure que l’on plonge plus pro­fon­dé­ment dans la vie d’Adeline Toniutti. Née au cré­pus­cule des années 1980 dans un petit vil­lage du Doubs, elle gran­dit dans une famille issue de l’immigration ita­lienne et polo­naise qui “n’avait pas tel­le­ment les moyens”. À la mai­son, elle n’a même pas 10 ans qu’elle doit aider ses parents à s’occuper quo­ti­dien­ne­ment de sa grand-​mère et arrière-​grand-​mère mater­nelles, malades. “Il y a avait deux autres membres dans notre famille, Charcot et Alzheimer”, souligne-​t-​elle avec une pointe d’ironie.

Son père, fac­teur, lui trans­met quelque chose qui ne coûte rien : son goût pour la musique, le rock plus par­ti­cu­liè­re­ment. “Mon pre­mier sou­ve­nir, ce ne sont même pas mes parents, lance-​t-​elle en riant. C’est un meuble télé et un homme qui chan­tait dans un stade et qui fai­sait chan­ter le stade.” Cet homme, c’est Freddie Mercury. Grâce à des aides de l’État, la petite fille débute la cla­ri­nette. Moins cher que le pia­no. Elle découvre le chant un peu plus tard, au lycée Pasteur de Besançon (Doubs), où elle suit une spé­cia­li­té musique. Elle caresse déjà le rêve de faire de l’opéra, mais garde tou­jours le rock dans un coin de sa tête. 

Si bien que le chan­teur de Queen sera d’ailleurs le fil rouge de sa vie. Ma der­nière pen­sée avant de mon­ter sur scène va tou­jours vers lui”, confie Adeline Toniutti. C’est aus­si à lui qu’elle pen­se­ra lorsque, en 2015, elle avale des anxio­ly­tiques et des som­ni­fères par poi­gnée dans le but de “mettre un terme [elle]-même” aux vio­lences conju­gales qu’elle subit de la part de son com­pa­gnon depuis un an. 

“Cette nuit-​là, ma voix est par­tie avec la chasse d’eau”

Tout sem­blait pour­tant lui sou­rire en 2014. À 26 ans, Adeline Toniutti venait enfin de trou­ver sa voix et sa voie. Elle enchaîne les cas­tings et les répé­ti­tions, La Traviata, de Verdi, à l’opéra Bastille notam­ment. Mais en octobre, alors qu’elle se retire à la cam­pagne pour répé­ter, Adeline Toniutti est vic­time d’un acci­dent domes­tique : les fumées toxiques d’une che­mi­née défec­tueuse lui brûlent les cordes vocales. Elle se met à vomir du sang dans les toi­lettes. “Cette nuit-​là, ma voix est par­tie avec la chasse d’eau”, écrit-​elle dans son auto­bio­gra­phie. Le comble pour une chan­teuse d’opéra. 

S’ensuit une longue errance médi­cale, la perte de son emploi, une inter­mi­nable chute pro­fes­sion­nelle et sociale. C’est à ce moment-​là, aus­si, que la vio­lence de son com­pa­gnon s’immisce dans sa vie. “Il va m’étrangler alors que je ne peux plus crier, raconte-​t-​elle à Causette. Je vais être sa proie à la mai­son.” En silence, Adeline Toniutti subit les coups, les viols et le contrôle coer­ci­tif. “C’est pra­tique pour lui : je me retrouve coin­cée, sans tra­vail et très affai­blie par la perte de ma voix”, lance-​t-​elle. Et la jeune femme ne pour­rait de toute façon pas en par­ler : son com­pa­gnon menace de tuer ses parents. 

Quelques mois plus tard, une amie met fina­le­ment le doigt sur les vio­lences qu’elle subit et Adeline trouve la force de se confier à ses parents et de fuir le domi­cile conju­gal. Elle a por­té plainte depuis, mais cette der­nière a fini clas­sée sans suite, “comme un paquet de plaintes pour vio­lences conju­gales”, souffle-​t-​elle. En novembre 2022, elle trouve de nou­veau le cou­rage de les racon­ter, cette fois publi­que­ment, à Libération. Puis à la télé­vi­sion dans l’émission Sept à huit sur TF1, en jan­vier 2023. “J’avais tel­le­ment peur de le faire, mais mon équipe m’a répé­té que ça pou­vait aider d’autres vic­times”, explique-​t-​elle. Le soir de la dif­fu­sion, elle est chez elle, ter­ro­ri­sée, cer­taine que son ex-​compagnon va venir la tuer. 

Faire chan­ter les autres 

Adeline Toniutti ne peut plus chan­ter ? Qu’importe, elle fera chan­ter les autres. Son acci­dent et son com­bat pour retrou­ver sa voix la poussent à acqué­rir une solide tech­nique vocale. En 2019, elle fonde Calyp, une école de chant dans laquelle elle dis­pense des cours de chant (évi­dem­ment), mais aus­si des séances de réédu­ca­tion vocale. Elle s’attache à mettre la connais­sance du corps humain et plus par­ti­cu­liè­re­ment du larynx au ser­vice de cet art. Puis vient 2021 et une troi­sième opé­ra­tion des cordes vocales. Miracle, la voix de la chan­teuse lyrique revient. La même année, d’ailleurs, que celle des 30 ans de la mort de Freddie Mercury, précise-​t-​elle. Toujours lui. 

À ce moment aus­si qu’Endemol, la socié­té de pro­duc­tion de la Star Ac', repère son per­son­nage et lui pro­pose d’intégrer le corps pro­fes­so­ral de la sai­son 2.0 en 2022. L’énergie et la che­ve­lure rousse de la prof de chant font rapi­de­ment mouche à l’écran, elle devient le per­son­nage toté­mique du télé-​crochet. Rebelote l’an der­nier. Et si rien n’est encore acté à ce jour, Adeline Toniutti rem­pi­le­ra cer­tai­ne­ment pour la pro­chaine sai­son de la Star Ac.

Elle sait à pré­sent qu’elle ne sera jamais une chan­teuse d’opéra, mais semble aujourd’hui avoir enfin (re)trouvé sa voix. Et lorsqu’on lui demande ce qu’on peut lui sou­hai­ter pour les dix années à venir, les idées fusent tout de suite. Elle vou­drait la san­té et le bon­heur. Mais aus­si faire des cas­cades à son pro­chain spec­tacle, “arri­ver sur scène dans les airs comme Johnny”, faire un docu­men­taire sur les enfants dans les zones de guerre, mais aus­si s'essayer au ciné­ma, peut-​être réécrire un livre et tou­jours, tou­jours, s’engager pour les autres.“Je serai une femme d’engagement jusqu’à ce que je ferme les yeux”, appuie-​t-​elle. La tren­te­naire a bien des objec­tifs à atteindre. Un appé­tit insa­tiable de vivre, pour rat­tra­per, peut-​être, des années de mutisme forcées. 

FIC214558

Incandescente pour tou­jours, Adeline Toniutti, Éd. du Rocher, 2024, 192 pages, 19 euros. 

Adeline Toniutti sera sur scène le mar­di 16 avril au théâtre Bobino à Paris, puis en tour­née dans toute la France et en Belgique avec son spec­tacle Hey Man ! 

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.