Dans Incandescente pour toujours, publié début avril, Adeline Toniutti raconte son histoire, entre son rêve de devenir chanteuse d’Opéra fauché par une extinction de voix, les violences conjugales et “la douche de lumière” venue avec son rôle de prof à la Star Academy. Portrait.
Adeline Toniutti n’aime pas tellement le mot “revanche”, un peu trop belliqueux à son goût. Pourtant, à lire son récit autobiographique, Incandescente pour toujours, publié le 3 avril aux éditions du Rocher, elle semble bien l’avoir prise, sa revanche, sur un paquet d’années de souffrances où se sont entremêlées errance médicale, violences conjugales et chute sociale. Une impression de résilience d’ailleurs palpable quand on rencontre la chanteuse de 36 ans, reconnaissable à sa chevelure flamboyante, dans un café de Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine) la veille de la sortie de son livre, en compagnie de son éditeur et de son assistante.
Autre impression : Adeline Toniutti semble être de ces personnes qui ne tiennent pas en place. En témoigne d’ailleurs son quotidien. Le café, à deux pas de l’immense tour vitrée de TF1, n’a ainsi pas été choisi au hasard. Après avoir crevé l’écran en tant que prof de chant dans la Star Academy nouvelle version depuis 2022, la voici qu’elle foulait cette année le parquet de la dernière saison de Danse avec les stars, également diffusée sur la chaîne privée.
Planning intense
Avant son élimination de l’émission, samedi 6 avril, elle devait donc jongler entre la promotion de son livre, six à huit heures de danse par jour et les répétitions de sa tournée, Hey man !, qui débutera mardi prochain au théâtre Bobino, à Paris – et dont le titre est une référence directe au célèbre exercice de chant qu’elle faisait faire aux élèves du château de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) et qui a fait en partie son succès. “Parfois, je me dis ‘où est le service de réanimation ?’” glisse-t-elle en riant à Causette, en reposant sa tasse de thé. Mais qu’importe pour elle la fatigue et les courbatures. “Avoir un planning intense est une urgence vitale, raconte-t-elle. Je me dis aussi souvent ‘est-ce que je serais encore là dans un an ?’.”
Freddie Mercury
Cette urgence se comprend à mesure que l’on plonge plus profondément dans la vie d’Adeline Toniutti. Née au crépuscule des années 1980 dans un petit village du Doubs, elle grandit dans une famille issue de l’immigration italienne et polonaise qui “n’avait pas tellement les moyens”. À la maison, elle n’a même pas 10 ans qu’elle doit aider ses parents à s’occuper quotidiennement de sa grand-mère et arrière-grand-mère maternelles, malades. “Il y a avait deux autres membres dans notre famille, Charcot et Alzheimer”, souligne-t-elle avec une pointe d’ironie.
Son père, facteur, lui transmet quelque chose qui ne coûte rien : son goût pour la musique, le rock plus particulièrement. “Mon premier souvenir, ce ne sont même pas mes parents, lance-t-elle en riant. C’est un meuble télé et un homme qui chantait dans un stade et qui faisait chanter le stade.” Cet homme, c’est Freddie Mercury. Grâce à des aides de l’État, la petite fille débute la clarinette. Moins cher que le piano. Elle découvre le chant un peu plus tard, au lycée Pasteur de Besançon (Doubs), où elle suit une spécialité musique. Elle caresse déjà le rêve de faire de l’opéra, mais garde toujours le rock dans un coin de sa tête.
Si bien que le chanteur de Queen sera d’ailleurs le fil rouge de sa vie. “Ma dernière pensée avant de monter sur scène va toujours vers lui”, confie Adeline Toniutti. C’est aussi à lui qu’elle pensera lorsque, en 2015, elle avale des anxiolytiques et des somnifères par poignée dans le but de “mettre un terme [elle]-même” aux violences conjugales qu’elle subit de la part de son compagnon depuis un an.
“Cette nuit-là, ma voix est partie avec la chasse d’eau”
Tout semblait pourtant lui sourire en 2014. À 26 ans, Adeline Toniutti venait enfin de trouver sa voix et sa voie. Elle enchaîne les castings et les répétitions, La Traviata, de Verdi, à l’opéra Bastille notamment. Mais en octobre, alors qu’elle se retire à la campagne pour répéter, Adeline Toniutti est victime d’un accident domestique : les fumées toxiques d’une cheminée défectueuse lui brûlent les cordes vocales. Elle se met à vomir du sang dans les toilettes. “Cette nuit-là, ma voix est partie avec la chasse d’eau”, écrit-elle dans son autobiographie. Le comble pour une chanteuse d’opéra.
S’ensuit une longue errance médicale, la perte de son emploi, une interminable chute professionnelle et sociale. C’est à ce moment-là, aussi, que la violence de son compagnon s’immisce dans sa vie. “Il va m’étrangler alors que je ne peux plus crier, raconte-t-elle à Causette. Je vais être sa proie à la maison.” En silence, Adeline Toniutti subit les coups, les viols et le contrôle coercitif. “C’est pratique pour lui : je me retrouve coincée, sans travail et très affaiblie par la perte de ma voix”, lance-t-elle. Et la jeune femme ne pourrait de toute façon pas en parler : son compagnon menace de tuer ses parents.
Quelques mois plus tard, une amie met finalement le doigt sur les violences qu’elle subit et Adeline trouve la force de se confier à ses parents et de fuir le domicile conjugal. Elle a porté plainte depuis, mais cette dernière a fini classée sans suite, “comme un paquet de plaintes pour violences conjugales”, souffle-t-elle. En novembre 2022, elle trouve de nouveau le courage de les raconter, cette fois publiquement, à Libération. Puis à la télévision dans l’émission Sept à huit sur TF1, en janvier 2023. “J’avais tellement peur de le faire, mais mon équipe m’a répété que ça pouvait aider d’autres victimes”, explique-t-elle. Le soir de la diffusion, elle est chez elle, terrorisée, certaine que son ex-compagnon va venir la tuer.
Faire chanter les autres
Adeline Toniutti ne peut plus chanter ? Qu’importe, elle fera chanter les autres. Son accident et son combat pour retrouver sa voix la poussent à acquérir une solide technique vocale. En 2019, elle fonde Calyp, une école de chant dans laquelle elle dispense des cours de chant (évidemment), mais aussi des séances de rééducation vocale. Elle s’attache à mettre la connaissance du corps humain et plus particulièrement du larynx au service de cet art. Puis vient 2021 et une troisième opération des cordes vocales. Miracle, la voix de la chanteuse lyrique revient. La même année, d’ailleurs, que celle des 30 ans de la mort de Freddie Mercury, précise-t-elle. Toujours lui.
À ce moment aussi qu’Endemol, la société de production de la Star Ac', repère son personnage et lui propose d’intégrer le corps professoral de la saison 2.0 en 2022. L’énergie et la chevelure rousse de la prof de chant font rapidement mouche à l’écran, elle devient le personnage totémique du télé-crochet. Rebelote l’an dernier. Et si rien n’est encore acté à ce jour, Adeline Toniutti rempilera certainement pour la prochaine saison de la Star Ac.
Elle sait à présent qu’elle ne sera jamais une chanteuse d’opéra, mais semble aujourd’hui avoir enfin (re)trouvé sa voix. Et lorsqu’on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour les dix années à venir, les idées fusent tout de suite. Elle voudrait la santé et le bonheur. Mais aussi faire des cascades à son prochain spectacle, “arriver sur scène dans les airs comme Johnny”, faire un documentaire sur les enfants dans les zones de guerre, mais aussi s'essayer au cinéma, peut-être réécrire un livre et toujours, toujours, s’engager pour les autres.“Je serai une femme d’engagement jusqu’à ce que je ferme les yeux”, appuie-t-elle. La trentenaire a bien des objectifs à atteindre. Un appétit insatiable de vivre, pour rattraper, peut-être, des années de mutisme forcées.
Incandescente pour toujours, Adeline Toniutti, Éd. du Rocher, 2024, 192 pages, 19 euros.
Adeline Toniutti sera sur scène le mardi 16 avril au théâtre Bobino à Paris, puis en tournée dans toute la France et en Belgique avec son spectacle Hey Man !