Le comédien et metteur en scène Yves Heck adapte pour la scène le fameux essai de Martin Page paru en 2019 : Au-delà de la pénétration. Le spectacle se joue au théâtre de la Reine blanche, à Paris, jusqu’au 25 novembre.
“Un soir, lors d’un dîner une amie lâche : “Je pense que pas mal de femmes pourraient clairement se passer de pénétration.” Avec son compagnon, on s’est vraiment trouvés idiots. C’est devenu d’un coup très réel : je me suis rendu compte que cette idée concernait beaucoup de femmes et qu’on n’en parlait pas.” Voilà comment est née l’idée, pour Martin Page, auteur d’une vingtaine de romans et de livres jeunesse, d’écrire Au-delà de la pénétration, paru en 2019, ainsi qu’il le racontait à Causette la même année. Depuis, le petit essai (mais ce n’est pas la taille qui compte, c’est le cas de le dire) a connu un grand succès. Sans doute plus largement auprès des femmes. Mais aussi de quelques hommes, on l’espère. Ce fut le cas du comédien Yves Heck.
« Cette lecture m’a transformé́ », explique-t-il dans le dossier de presse du spectacle. « Incarner et mettre en scène cette parole d’homme hétérosexuel féministe s’est paradoxalement imposé à moi qui suis gay », ajoute-t-il. Expliquant que « l’imaginatif et réjouissant humanisme des réflexions de Martin Page » y furent pour beaucoup.
Ce postulat, cet endroit d’où il parle, le comédien le pose au milieu du spectacle. Si le mentionner peut questionner les spectateur·rices au départ, il ajoute en vérité un éclairage singulier à cette proposition théâtrale, nous rappelant que, bien souvent, convergence des luttes oblige, la communauté homosexuelle est la meilleure alliée des femmes et des féministes.
Ceci étant dit, reste le texte, puissant, de Martin Page. Et son humour, qui ne gâche rien à l’affaire. Yves Heck le fait entendre avec douceur, audace et amusement, le tout dans un décor feutré de salon vintage. Des musiques originales et des passages dansés gracieusement ponctuent ces réflexions sur l’injonction à la pénétration perpétrée depuis des siècles et des siècles.
Heureusement, le spectacle est également émaillé de voix de femmes, enregistrées. Des témoignages touchants extraits de la dernière partie du livre intitulée « Propos sur la pénétration », ainsi que des témoignages anonymes audio collectés pour le spectacle.
Répandre la bonne parole
Voir cette pièce nous rappelle à ce texte qu’il faut diffuser encore et encore. L’offrir, le relire, l’entendre. Car si la pénétration peut-être délicieuse (il ne s’agit en aucun cas de l’éradiquer), il faut pouvoir sortir de sa toute-puissance et de son seul prisme. Car les femmes auront beau crier sur tous les toits que c’est leur clitoris qui les fait jouir, si les hommes ne remettent pas en question le premier rôle que tient leur zguègue dans les ébats hétérosexuels, nous n’avancerons pas. D’autant que tout le monde a à y gagner puisque, déconstruite, cette injonction a le mérite de faire sacrément baisser la pression sur les épaules des hommes hétéros qui se croient obligés de bander à tout prix et en toutes circonstances.
Cette pièce contribue à répandre la bonne parole, alors traînez‑y vos conjoints, vos frères, vos pères, vos tontons et vos cousins. Et plus, promis, ils passeront un bon moment. Le soir où nous avons vu le spectacle, les hommes étaient nombreux dans la salle. Et semblaient ravis.
![“Au-delà de la pénétration”, du texte à la scène 2 1693391473](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/10/1693391473.jpeg)
Au-delà de la pénétration, d’après le livre de Martin Page (Le Nouvel Attila, 2020). Adaptation scénique Isabelle Deffin, Yves Heck, Thierry Illouz. Conception, mise en scène & interprétation Yves Heck.
Au théâtre La Reine Blanche, 2 bis, passage Ruelle, 75018 Paris. Du 21 octobre au 25 novembre 2023, les mardis et jeudis à 21 heures (relâche le 7 novembre), les samedis à 20 heures.