Trop petits, trop gros, trop pendants… Pour beaucoup de femmes, les seins sont synonymes de complexes, et ce, depuis la nuit des temps. Dans Bénissez nos seins, la journaliste Angèle Marrey questionne le poids du patriarcat sur nos poitrines.
“Est-ce que vous aimez vos seins ?” Angèle Marrey, ex-cofondatrice du média Period, et également à l’origine du podcast de Nouvelles Écoutes, On a vendu des photos de nos pieds, entame son documentaire par cette question qui semble bouleverser les interrogé·es, qui peinent d’abord à répondre. La réalisatrice, à qui l’on doit déjà 28 Jours, un documentaire qui levait le tabou autour des menstruations, vient explorer, avec Bénissez nos seins, notre rapport aux boobs, tant d’un point de vue intime que sociétal.
De la puberté à la ménopause en passant parfois par la grossesse, les seins changent d’apparence au cours de nos vies. Certaines femmes choisissent la chirurgie esthétique, d’autres disent au revoir à leurs soutifs, d’autres encore en empilent plusieurs les uns sur les autres pour écraser leurs seins, et quelques-unes se percent le téton. Peu, en tous cas, sont celles qui entretiennent des rapports non contrariés à leurs nibards. Et pour cause. Depuis la nuit des temps, les seins de femmes sont scrutés, représentés, surinvestis ou diabolisés. Le patriarcat ayant un avis très précis sur eux depuis toujours.
Des témoignages percutants
Ce documentaire, produit par Ève Simonet pour sa plateforme de streaming engagée on.suzane, donne la parole à des personnes de tous les âges et de toutes professions qui témoignent avec émotion et authenticité devant la caméra d’Angèle Marrey. On écoute, entre autres, les voix de femmes ayant été malades d’un cancer du sein, de militantes féministes, d’un homme trans qui parle de sa mastectomie, de femmes victimes d’agressions sexuelles, de femmes camerounaises ayant subi des mutilations mammaires, ou encore de femmes qui ont rencontré des problèmes lors de leur allaitement.
Tous et toutes racontent leur rapport à leur corps et, surtout, à leur poitrine. Certaines parlent de leur entrée dans la puberté et de la poussée de leurs seins, qui, d’un coup, les ont fait devenir des “femmes” aux yeux de la société, alors qu’elles étaient parfois encore des adolescentes, voire des enfants. Leur corps se transformait, alors leur statut devait, lui aussi, se transformer sans qu’elles y soient forcément prêtes.
Histoire des représentations
Pour mettre en perspective ces témoignages, la réalisatrice interview des expertes qui lui permettent de parcourir l’histoire des représentations de la poitrine. Elle commence par traverser des musées, auprès d’une médiatrice culturelle et d’une doctorante en histoire de l’art. Sur les peintures, des femmes dénudées, aux seins ronds, flottants, figés, correspondant à une soi-disant image de la perfection. Irréalistes surtout. Et toujours peints par… des hommes ! Angèle Marrey échange également avec Mélodie Thomas, autrice de La mode est politique, qui revient sur les débuts de la lingerie et l’apparition des corsets qui exercent un contrôle sur le corps des femmes. Ou encore des fantasmes des hommes pour les seins avec une travailleuse du sexe et une sexologue. L’écrivaine Morgane Ortin parle également de sentiments, de rapport au corps et de santé mentale.
Angèle Marrey rend hommage aux seins et à ce qu’ils ont subi. Compressés dans des corsets, critiqués pour leur apparence, condamnés à être cachés quand ils servent à allaiter, mais exhibés à tout va quand il s’agit de satisfaire le male gaze. Touchant, poignant, drôle, réconfortant, rageant, ce documentaire donne de la force. Et on le termine en se disant une seule chose : Free the nipple, pour de bon.
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