Carol, Ma belle-famille, Noël et Moi, ou encore Les Quatre Filles du Dr March : Causette vous propose une sélection sans micro-agressions à binger sous la couette.
Carol (2015), de Todd Haynes
Cette somptueuse adaptation d’un roman de Patricia Highsmith met en scène les amours contrariées d’une jeune vendeuse d’un grand magasin et d’une grande bourgeoise mariée, jouées par Rooney Mara et Cate Blanchett. Un jeu de regards brûlants sur fond de réjouissances de fin d’année à New York. Comme on est en pleine Amérique puritaine des années 1950, on s’embarque aussi pour un bad trip de Noël, soyons honnêtes. Mais le film, qui impose Todd Haynes comme le meilleur allié des féministes au cinéma, est la preuve que l’on peut épouser le female gaze en étant un homme.
Les Quatre Filles du Dr March (1994), de Gillian Armstrong
L’adaptation du roman de Louisa May Alcott n’est pas au sens propre un film de Noël, mais plusieurs scènes de chansons au coin du feu et de lac enneigé suffisent à y apposer le label feel good. La romancière s’était inspirée de son enfance dans une communauté progressiste de la côte Est et ne se doutait pas que ses Mémoires deviendrait un classique : son héroïne affranchie, Jo, apprentie autrice, est restée un modèle pour plusieurs générations de jeunes filles. Unique succès de la cinéaste australienne Gillian Armstrong, cette adaptation nineties ne brille pas par sa mise en scène, mais plutôt par son harmonieuse troupe de comédien·nes, dont certain·es débutant·es à l’époque : Kirsten Dunst, Claire Danes, Christian Bale, sans oublier Winona Ryder. On peut aussi lui préférer la version revisitée en 2019 par Greta Gerwig, qui en a modifié la fin pour la rendre plus féministe (pas de spoil, promis).
Ma belle-famille, Noël et moi (2020), de Clea DuVall
La communauté LGBTQIA+ a aussi droit à ses productions niaises de fin d’année : c’est chose faite avec Happiest Season, en VO. Kristen Stewart et Mackenzie Davis se prêtent au jeu avec délice, campant ici un couple lesbien prêt à fêter Noël en famille et à décorer le sapin main dans la main. Mais quand l’une veut demander l’autre en mariage, elle s’aperçoit qu’elle n’est pas out auprès de ses proches, tous et toutes plus bigot·es les un·es que les autres. Drama garanti.
Le Journal de Bridget Jones (2001), de Sharon Maguire
Avant de nous jeter des boules de neige au visage, replacez ce film dans son contexte, soit le début des années 2000, quand la grossophobie n’était pas encore unanimement dénoncée. On passera donc sur l’horripilant décompte des calories (et les visages désespérément blancs) que nous inflige Bridget Jones, pour en retenir le portrait enlevé d’une héroïne indépendante, avec une carrière, un corps normal et des ami·es passablement alcoolisé·es. Et pour une fois dans une comédie romantique, pas de catfight au menu, mais deux bellâtres (Hugh Grant et Colin Firth) qui s’affrontent pour la même femme. Sans oublier la sempiternelle scène de baiser sous la neige et même une apparition surprise de Salman Rushdie. Qui dit mieux ?
La Reine des neiges (2013), de Jennifer Lee et Chris Buck
On l’admettra, à sa sortie en 2013, le dessin animé givré de Disney s’apparentait davantage à une séance de torture en famille où morveux·euses et Disney-adults de l’entourage s’époumonaient en cœur sur un hymne qui tient mieux en tête que la neige au sol en décembre. Il n’empêche que, dix ans plus tard (coup dur), celles et ceux qui se risqueront à revisiter La Reine des neiges y verront peut-être, au delà d’un conte à base de nez qui coulent, l’émergence d’une figure rare chez Disney : celle d’une héroïne indépendante et douée de profondeur. Certes, pour servir de modèle d’empowerment, il y avait déjà Mulan et Pocahontas, ces badass. Difficile néanmoins de ne pas voir dans leurs personnages l’expression d’un regard blanc comme neige sur les femmes racisées soudainement fétichisées et dépeintes comme moins délicates que les princesses de l’Ouest. Dans La Reine des neiges, cette fois, l’héroïne, Elsa, est elle aussi combative et imparfaite. Cerise sur la bûche : pas l’ombre d’un prince à l’horizon.