Lancée cet été par deux jeunes entrepreneurs, Hors normes achète à moindre prix des fruits et légumes bio théoriquement invendables et voués à la destruction pour les distribuer en paniers à Paris.
Navets boule d'or trop gros, patates douces trop petites, pommes, choux fleurs et pousses d'épinard en surproduction : voilà le contenu des paniers de fruits et légumes bios livrés à 180 client·es mardi 8 décembre par la jeune entreprise Hors Normes, pour 15€ (3 à 4 kilos, ou 28€ pour 6 à 8 kilos). Il y avait même des kiwis, qui n'étaient ni trop moches, ni trop mûrs, ni quoi que ce soit, mais venaient à compléter harmonieusement la récolte de la semaine. « Lorsque nous avons commencé, nous nous demandions comment les gens allaient réagir à l'absence d'information sur les contenus des paniers avant réception, raconte le co-fondateur d'Hors normes, Sven Ripoche. Mais au final, c'est l'une des choses qu'ils préfèrent : avoir la surprise et sortir de leur zone de confort alimentaire pour (re)découvrir des légumes qu'ils n'ont pas l'habitude de cuisiner. »

Sven Ripoche et son associé Grégoire Carlier, amis depuis leur rencontre en école de commerce, ont tous les deux 28 ans et l'ambition de participer à la lutte contre le gaspillage alimentaire « dès le début de la chaîne », alors que, selon les chiffres de l'Agence de la transition écologique (Ademe), 10 millions de tonnes d'aliments sont gaspillées chaque année en France. Ils lancent Hors normes à l'été 2020, avec un principe simple : acheter, auprès de producteurs bio et à moindre coût, des fruits et légumes voués à être gaspillés – parce qu'ils ne rentrent pas dans les critères esthétiques attendus par les distributeurs ou ont été produits en surplus – avant de les revendre.
Cela ressemble aux légumes moches d'Intermarché, initiative qui avait connu un certain succès médiatique il y a quelques années, la livraison à domicile ou en point relai en plus. Pour séduire une clientèle urbaine et jeune, le service se fait flexible : « Vous pouvez acheter un panier ponctuellement ou choisir la formule "commande récurrente" mais celle-ci peut se suspendre à tout moment, quand vous partez en vacances par exemple », précise Sven Ripoche. Une campagne Ulule couronnée de succès cet automne leur a permis d'embaucher deux personnes, à la communication et aux opérations.

Hors Normes n'a pas eu de mal à convaincre les producteurs. « Au tout début, lorsque nous avons commencé à communiquer sur notre projet, des cultivateurs de butternuts sont venus à nous pour nous les proposer, se souvient Sven Ripoche. Et ils ont fait circuler l'info autour d'eux. Les fruits et légumes qui restent sur les bras des producteurs ne sont jamais complètement perdus, car les agriculteurs peuvent nourrir leurs terres avec, ou les vendre à très bas prix pour en faire des produits transformés, des compotes par exemple. Mais ils vendront à meilleur prix chez nous. » Une fois les productions sélectionnées acheminées en Île-de-France grâce aux convois des transporteurs, les paniers sont assemblés à Rungis, par les salarié·es de l'Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes). « Ce chantier de réinsertion fait travailler des chômeurs longue durée, principalement des femmes, précise Sven Ripoche. Ça nous a semblé être la solution la plus cohérente avec les valeurs environnementales mais aussi sociales que nous souhaitons porter. »
Pour l'heure, Sven et Grégoire sont toujours préposés, chaque mardi, aux distributions des paniers grâce à un kangoo jaune qui connut ses belles années chez La Poste. Si leur petite entreprise anti-gaspi se développe suffisamment, ils souhaiteraient ouvrir leur boutique à d'autres produits que les fruits et légumes, et surtout, livrer en dehors de Paris. Et parce que la petite équipe d'Hors Normes croit dans les produits qu'elle vend, elle propose sur leur compte Instagram, en « cuisiniers amateurs », des recettes pour accommoder ces drôles de légumes laissés-pour-compte. À vous les enchiladas au fromage épinards – navets boule d'or !