Rose ©Pixeline Photographie
Rose © Pixeline Photographie

“La sobriété est un chemin” : Rose, la chanteuse qui dissèque le cercle vicieux des addictions

Pendant de nombreuses années, la chanteuse Rose a caché sous sa frange une dépendance à un mélange de coke et d'alcool, double addiction révélée dans un roman et un disque, tous les deux nommés Kérosène, en 2019. Elle vient de publier son troisième livre, Contre-addictions, prolongement de son podcast du même nom, où elle dissèque les rouages de cette maladie et livre les clés pour essayer de se retrouver et se rétablir.

En 2006, dans sa célèbre chanson La Liste, la chanteuse Rose dressait l’ensemble des petites choses du quotidien qu’elle voulait partager avec l’être aimé. “Allez chez Ikea”, “acheter un chien”, “boire de la vodka”, prendre un “café noir”, ou “fumer beaucoup trop”. En 2024, quand on la retrouve dans une brasserie du 15e arrondissement, à deux pas du métro Pasteur, l’artiste âgée de 45 ans – de son vrai nom Keren Meloul – commande un déca, n’a plus touché à une cigarette depuis un an et confie assister quotidiennement à des réunions des Alcooliques anonymes ou des Narcotiques anonymes. Pendant de nombreuses années, l’interprète à la jolie voix éraillée et aux douces mélodies folk a caché sous sa frange une dépendance à un mélange de coke et d’alcool, double addiction révélée dans un roman et un disque, tous deux nommés Kérosène, en 2019. Elle vient de publier son troisième livre, Contre-addictions, aux éditions Eyrolles, prolongement de son podcast du même nom, où elle dissèque les rouages de cette maladie et livre les clés pour essayer de se retrouver et se rétablir.

L’artiste prend pour la première fois de la coke lors de la tournée de son premier album Rose, au contact d’un technicien qui en consommait. Celle pour qui le succès a été fulgurant et instantané – plus de 650 000 exemplaires vendus pour ce disque – se souvient d’une ambiance “festive”, proche de “la colonie de vacances”. “Je suis entourée de mes amis, on est jeunes, on fait la fête, on boit avant et après les concerts, poursuit-elle… Parfois, chanter devient un détail, le plus important, c’est de s’amuser. Certains voient que ça tourne mal, que je rate des dates, mais personne ne veut que ça s’arrête. On est comme des troubadours. On sillonne la France, on s’éclate… Je ne tiens pas l’alcool. La cocaïne me donne des ailes, l’impression d’être surpuissante, de pouvoir continuer à faire la fête, ce qui me rend fatiguée et abîme mes cordes vocales. À la fin de la tournée, je suis aphone, je prends de la cortisone, cela devient violent, mais tout va bien : je suis belle, connue, riche… Je me marie, c’est la teuf intersidérale, j’ai même de la cocaïne cachée dans le bustier de ma robe.”

"C'est très insidieux, très lent"

Un début de carrière loin de coller à l'image "lisse et fade" que les médias fabriquent d'elle. "J'étais présentée comme la jeune Niçoise aux yeux bleu-gris, institutrice, alors que cela ne faisait qu'un an et demi que j'exerçais. J'ai été autant institutrice que serveuse, je suis passée par 12 000 métiers...", rigole aujourd'hui la quadragénaire. Mais très vite, tout déraille. Le mariage finit en divorce, le deuxième album ne s'écrit pas aussi facilement que le premier, les fêtes s'enchaînent... Sa rencontre avec le père de son fils et la naissance de ce dernier, Solal, offrent des moments de répit avant que l'artiste ne retombe "dans un cercle vicieux de dépression". Nouvelle séparation, le succès se rouille, Rose n'arrive pas à s'occuper de son enfant... "Tu ne sais plus si tu consommes parce que tu vas mal ou si tu vas mal parce que tu consommes. C'est très insidieux, très lent. Tu es dans un état nébuleux, tu ne te rends pas compte que tu as développé une addiction", explique-t-elle.

Après une énième soirée de beuverie, où la compositrice casse tout dans son appartement, son nouvel amoureux lui dit ne plus en pouvoir. “Ce n’est pourtant pas le dernier pour faire la fête. Mais là, il me glisse qu’il va falloir trouver une solution, car c’est ingérable. Je sens alors que cet amour est hyper important pour moi. Je lui promets d’arrêter. Et j’arrête tout”, se souvient-elle. Nous sommes le 11 octobre 2017, une date que Rose a fait tatouer dans sa chair. Elle consulte déjà depuis plusieurs mois une addictologue auprès de laquelle elle apprend à se soigner, se met à travailler d’arrache-pied sur son premier roman, Kérosène, sa “béquille”, qu’elle met aussi en musique. La machine médiatique reprend, le livre connaît son petit succès, la chanteuse part en tournée… Mais le Covid-19 lui coupe l’herbe sous le pied. Confinée avec son compagnon, elle se sent néanmoins heureuse, entre les moments passés en cuisine ou à chanter en live sur les réseaux sociaux. Trois ans déjà qu’elle est abstinente, mais elle succombe un soir à un verre d’alcool. Petit à petit, cet écart se transforme en rechute qui s’intensifie à la fin de l’année 2020. Sa découverte des réunions à distance des Alcooliques anonymes l’aidera à s’en sortir.

"Il n'y a rien de magique"

Malheureusement, on diagnostique un cancer du sein à Rose, en 2021. Un événement qui entraînera une nouvelle rechute et lui donnera l’impression d’enchaîner les périodes de six mois où elle arrive à s’arrêter, avant de reprendre. Mais la sobriété reste dans sa “ligne de mire” : “La sobriété est un chemin. Un chemin extrêmement intéressant, lumineux et qui t’amène vers toi. J’aimerais vraiment dans dix ans pouvoir dire que je n’ai plus touché à une substance. Mais il ne faut pas non plus se culpabiliser. L’important est de s’entourer et de trouver une multitude d’activités pour ne jamais laisser une porte ouverte à l’addiction.” L’artiste fait du yoga tous les jours, marche régulièrement dans la forêt à côté de chez elle et se rend le plus possible aux groupes de parole pour les personnes dépendantes. Elle suis également un programme en douze étapes, créé par les Alcooliques anonymes. “Le but est d’être heureux sans consommer. On consomme par manque d’amour. Donc, on va guérir en allant trouver de l’amour dans les groupes anonymes, en apprenant à s’aimer grâce à la thérapie, en faisant du sport, pour ne plus détester son corps… C’est très long, mais il n’y a rien de magique”, résume-t-elle.

Son salut passe aussi par son podcast, Contre-addictions, qu’elle anime et coproduit depuis deux ans avec l’agence Double Monde. Elle invite artistes (JoeyStarr, Carla Bruni, Doully...), thérapeutes, addicts et ex-addicts à venir discuter avec elle de toutes les formes de dépendances qu’il peut exister. Un travail poursuivi avec le livre du même nom, passionnant manuel s’appuyant sur des références scientifiques autant que philosophiques, pour comprendre comment se nouent les addictions et mieux s’en sortir. Rose reçoit des témoignages poignants à la fois de personnes dépendantes et de leurs proches, qui ont écouté son travail. “Je me dis que c’est tellement beau. Je suis tellement reconnaissante de ça. J’aurais aimé avoir ce genre de choses quand j’ai découvert mes addictions”, glisse, émue, la chanteuse. Elle devrait encore continuer à aider celles et ceux qui en ont besoin avec Dans tous les sens, un nouveau spectacle hybride, mêlant chant, lecture et écoute de son podcast, prévu pour 2025.

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Contre-addictions, de Rose, publié aux éditions Eyrolles

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