Longtemps érigée en icône de la paix, la chef de facto du gouvernement birman est fustigée par la communauté internationale pour son inaction face aux exactions contre les Rohingya. Retour sur l’effondrement d’un mythe à quelques jours des législatives en Birmanie, qui devraient voir la réélection de son parti.
La scène a fait le tour du monde. Celle d’une Prix Nobel réfutant les accusations de génocide contre son pays. Celle d’une icône de la paix protégeant ses ex-bourreaux militaires face à la justice internationale. Celle enfin d’une femme niant les viols subis par d’autres. Pendant les trois jours d’audience à la Cour internationale de justice à La Haye, aux Pays-Bas, en décembre 2019, Aung San Suu Kyi est restée impassible face aux récits des atrocités vécues par les Rohingya, cette minorité musulmane qui a dû fuir les exactions de l’armée birmane et des milices bouddhistes en août 2017. Des semaines auparavant, la chef de facto du gouvernement birman avait même accepté de venir défendre son pays accusé de génocide, alors que rares sont les chefs d’État qui font eux-mêmes le déplacement.

La dirigeante birmane s'est rendu à La Haye (Pays-Bas)
devant la Cour internationale de justice pour défendre son pays,
accusé de génocide contre les Rohingya.
© Sai Aung Main /AFP)
Les années n’ont pas atteint son charisme légendaire. Des fleurs parent toujours sa chevelure, son port altier, hérité d’une éducation aristocratique, semble éternel, ses traits restent fins, son élégance assurée. Assise face aux juges qui pourraient un jour la condamner pour complicité de crimes contre les Rohingya, Aung San Suu Kyi assume ses contradictions et achève de mettre un point final au conte de fées écrit pour elle par les Occidentaux. Car depuis son accession au pouvoir en avril 2016, Aung San Suu Kyi doit en réalité composer avec l’armée qui tient un rôle majeur dans le pays, malgré l’autodissolution de la junte en 2011
« Le fait de se rendre à La Haye a donné à Aung San Suu Kye l'occasion de se présenter auprès de la population comme le plus important dirigeant de Birmanie »
Debbie Stothard, ancienne sécrétaire générale de la FICH et fondatrice d'Altsean-Burma
Le vrai problème en Birmanie, c’est la Constitution de 2008. Selon elle, l’armée dispose d’un droit de veto effectif sur les amendements constitutionnels. En effet, l’armée détient automatiquement 25 % des sièges au Parlement », souligne Debbie Stothard, ancienne secrétaire générale de la[…]