Gratias Kibanja Lukoo © Facebook
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Gratias Kibanja Lukoo, pilier de l'émancipation des femmes en RDC

Avec son orga­ni­sa­tion "Femmes en action pour la digni­té humaine" ("Women in Action for Human Dignity"), la juriste Gratias Kibanja Lukoo bataille pour défendre les droits des femmes en République Démocratique du Congo (RDC). Causette l'a ren­con­trée alors qu'elle était de pas­sage à Paris.

Dans le cadre de l'initiative "Féministes en Action", sept mili­tantes issues de dif­fé­rents pays, ont ren­con­tré, la semaine der­nière, des res­pon­sables poli­tiques français·es afin de témoi­gner de la réa­li­té du ter­rain dans leurs pays res­pec­tifs. La juriste Gratias Kibanja Lukoo était de celles-​là. Il faut dire qu'elle est un pilier de l'émancipation et de la défense des droits des femmes en RDC. En 2012, elle par­ti­cipe à la créa­tion de l'organisation "Femmes en action pour la digni­té humaine", léga­li­sée en 2015 et dont elle est tou­jours aujourd'hui la coor­di­na­trice. Cette ini­tia­tive a d'abord été lan­cée par des jeunes filles de la ville de Goma qui se sen­taient exclues de la poli­tique natio­nale. Depuis une décen­nie, ces mili­tantes luttent contre les vio­lences et le har­cè­le­ment sexuel en milieu sco­laire qui poussent cer­taines filles à arrê­ter leurs études. Pour limi­ter ces cas d'agressions, elles sen­si­bi­lisent la popu­la­tion aux ques­tions de san­té sexuelle et reproductive.

"Femmes en action pour la digni­té humaine" œuvre aus­si pour ce que Gratias Kibanja appelle "l'autonomisation de la femme", afin que celles-​ci jouent un rôle poli­tique dans un pay­sage essen­tiel­le­ment mas­cu­lin. "Que ce soit dans les zones urbaines ou rurales de RDC et même, dans d'autres pays afri­cains comme le Burundi, nous don­nons une exper­tise et ren­for­çons les com­pé­tences des jeunes femmes", ajoute Gratias Kibanja. Des ini­tia­tives vic­to­rieuses : en décembre der­nier, seize femmes ont obte­nu des sièges aux élec­tions muni­ci­pales de la ville de Goma, située dans la région Est de la RDC, après que les acti­vistes de "Femmes en action pour la digni­té humaine" ont mené des démarches en ce sens. Rappelons par ailleurs que Judith Suminwa Tuluka, actuelle Première Ministre, élue ce 1er avril, est la pre­mière femme à obte­nir un tel poste. Signe que, mal­gré tout, les choses évoluent.

Des mesures juri­diques pour pro­té­ger les femmes 

Parmi les nom­breux faits d'armes de Gratias Kibanja, cette der­nière peut aus­si se van­ter d'avoir coor­don­né une cam­pagne de plai­doyer pour l'inscription du Protocole de Maputo au Journal Officiel. Adopté en 2003, ce pro­to­cole amène les États signa­taires, membres de l'Union Africaine, à garan­tir les droits des femmes, leur éga­li­té sociale avec les hommes et la fin des muti­la­tions géni­tales fémi­nines. En 2006, il a fait l'objet d'une loi auto­ri­sant l’adhésion de la RDC à ce pro­to­cole. Il aura fal­lu attendre… 2018 pour qu'elle soit appli­quée et ins­crite au Journal Officiel. C'est en par­tie grâce à Gratias Kibanja qui, en 2016, a lan­cé sa cam­pagne de plai­doyer pour accé­lé­rer le pro­ces­sus. Elle se rap­pelle : "On a mobi­li­sé plus de cinq-​cent jeunes pour qu'ils soient ambas­sa­deurs. On vou­lait inter­ve­nir davan­tage dans les milieux reli­gieux car il y avait eu des mou­ve­ments 'anti-​droits', en par­tie por­tés par des femmes de l’Église catho­lique. Nous avons dû faire face à ces per­sonnes là pour défendre le pro­to­cole dans un contexte de guerre où le viol est uti­li­sé comme arme." 

Violences sexuelles en temps de guerre 

Malheureusement, la guerre s'est en effet invi­tée dans les com­bats de Women in action… Comme le rap­pelle Gratias Kibanja : dans la région du Nord-​Kivu, en proie à de vio­lents conflits armés depuis vingt ans, le viol est uti­li­sé comme une arme de guerre, cer­taines femmes doivent se pros­ti­tuer pour se nour­rir et les infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles (IST) sont mon­naie cou­rante, à l'instar des gros­sesses non dési­rées. D'après un article de Médiapart en février, on observe une explo­sion des cas de vio­lences sexuelles dans les camps de per­sonnes dépla­cées de l’est du Congo, autour de Goma. "Nous tra­ver­sons une période qui fait que nous retour­nons très en arrière par rap­port aux avan­cées signi­fi­ca­tives que nous avions réa­li­sé en RDC. Les femmes vivent dans des bâches, de petits abris pro­vi­soires. Dans cette situa­tion, les femmes et les enfants sont quatre, cinq, voire six fois plus vul­né­rables que les hommes", observe-​t-​elle.

Lire aus­si l RDC : Tatiana Mukanire Bandalire, une lumière dans la "capi­tale mon­diale du viol"

La sor­tie du conflit est un enjeu majeur pour la popu­la­tion congo­laise. "Ce sont des inno­cents qui meurent", mar­tèle Gratias Kibanja. C'est pré­ci­sé­ment pour aler­ter sur la néces­si­té de l’aide inter­na­tio­nale qu'elle était de pas­sage de France. "Il est temps que les Nations Unies voient com­ment arrê­ter la guerre en RDC et par­tout dans le monde. Couper l'aide huma­ni­taire c'est remettre les droits humains en cause", déclare Gratias Kibanja.

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