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©Sam Balye

Éducation à la sexua­li­té : 60% des parents ignorent que les séances sont obligatoires

À l’occasion de la Journée inter­na­tio­nale de lutte contre les vio­lences faites aux femmes, Causette et La Maison des femmes publient ce 25 novembre une enquête réa­li­sée par OpinionWay sur « Les Français et l’éducation à la vie sexuelle et affec­tive ».

Depuis 2001, la loi pré­voit trois séances d’éducation à la vie affec­tive et sexuelle par an dans les écoles, les col­lèges et les lycées. C'est une obli­ga­tion. Dans la réa­li­té, l'obligation est rare­ment appli­quée, comme le poin­tait un rap­port de l’Inspection géné­rale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) en 2021 sur les man­que­ments de l’école en matière d’éducation à la sexua­li­té (EAS) : « Moins de 15 % des élèves béné­fi­cient de trois séances d’EAS pen­dant l’année sco­laire, en école, au col­lège ou au lycée. » Trois séances annuelles, pour­tant essen­tielles : elles per­mettent de lut­ter contre les vio­lences sexistes et sexuelles en abor­dant « les ques­tions de res­pect et de consen­te­ment », rap­pe­lait ain­si la doc­teure Ghada Hatem, fon­da­trice et pré­si­dente de La Maison des femmes de Saint Denis1 auprès de Causette. Avant d’ajouter que l’école est sou­vent « le seul lieu qui apporte à ces enfants une autre parole ».

Alors que le minis­tère de l’Éducation natio­nale a envoyé, fin sep­tembre, une cir­cu­laire enjoi­gnant les éta­blis­se­ments à faire res­pec­ter l’obligation ins­crite depuis plus de vingt ans dans le code de l’éducation, La Maison des femmes s’est inté­res­sée à ce que pensent les Français·es de l’éducation à la vie sexuelle et affec­tive en com­man­dant à OpinionWay une enquête publiée ce 25 novembre à l’occasion de la Journée inter­na­tio­nale de lutte contre les vio­lences à l’égard des femmes, inti­tu­lée « Les Français et l’éducation à la vie sexuelle et affec­tive pour lut­ter contre les vio­lences ». Pour cette étude dont Causette est par­te­naire, en tout, 2 025 majeur·es ont été interrogé·es du 12 au 20 octobre der­nier. Parmi eux·elles, 52 % sont des femmes et 65 % des parents. D'ailleurs, 31 % sont parents d’enfants de moins de 18 ans.

60 % des parents ignorent que les séances d'EAS sont obligatoires

À la ques­tion « vos enfants ont-​ils eu ou non des cours d’éducation à la vie sexuelle et affec­tive dis­pen­sés à l’école ? », Quatre parents sur dix répondent oui pour le col­lège et le lycée. Un chiffre qui baisse dras­ti­que­ment pour l’école élé­men­taire où un parent sur dix seule­ment peut attes­ter que ses enfants ont déjà reçu des séances. Le son­dage pointe éga­le­ment que 7 % des parents inter­ro­gés assurent que leurs enfants se sont vu refu­ser des séances d’EAS par leur éta­blis­se­ment lorsqu’ils·elles les ont demandées. 

Autre point impor­tant révé­lé par l’étude : trois parents sur dix ne savent tout sim­ple­ment pas si leurs enfants ont reçu ou non les séances d'EAS au col­lège et au lycée. À l’école élé­men­taire, ils·elles sont même 56 % à être certain·es que leurs enfants n’en ont pas reçu. D'ailleurs, 60% des parents igno­raient tout sim­ple­ment que ces séances étaient obli­ga­toires et pré­vues par la loi depuis 2001.

Pourtant, ces séances semblent néces­saires pour les Français·es. Pour neuf interrogé·es sur dix (non-​parents com­pris), l’éducation est d'ailleurs le meilleur moyen de pré­ve­nir les vio­lences faites aux femmes. En ce qui concerne les parents d'enfants mineur·es, ils·elles sont 76 % à juger que l’éducation sexuelle n’est pas suf­fi­sante aujourd’hui dans les éta­blis­se­ments sco­laires. Seulement 18 % des parents d’enfants de moins de 18 ans pensent que l’éducation sexuelle repré­sente « un dan­ger pour les enfants ».

Lire aus­si I Éducation : le gou­ver­ne­ment sou­haite ren­for­cer la lutte contre les sté­réo­types de genre à l'école

Un levier de lutte que les adultes tentent aus­si de lever par eux·elles-mêmes. Selon l'étude, 73 % disent essayer de sen­si­bi­li­ser les jeunes encore sco­la­ri­sés de leur entou­rage à l’importance de l’égalité entre les femmes et les hommes. Sur l’éducation à la sexua­li­té, 90 % des répondant·es estiment d'ailleurs qu’il est néces­saire que les parents évoquent les sujets liés à la sexua­li­té avec leurs enfants. 

Lorsqu’on est parents, faut-​il par­ler de ces sujets de la même manière aux filles et aux gar­çons ? En tout, 83 % des parents ayant une fille et un gar­çon (27 % des parents de l'enquête) estiment que oui. Mais ils sont seule­ment 70 % à assu­rer le faire réel­le­ment. Parmi les sujets évo­qués par les parents avec leurs gar­çons, on retrouve en pre­mière posi­tion l’amour, l’affection et la ten­dresse (49 %) sui­vies des infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles (40 %) et des méthodes de contra­cep­tion (38 %). Tout en bas du clas­se­ment, on trouve le plai­sir fémi­nin et l’anatomie fémi­nine (8 %). Pour les filles, la pre­mière place est lar­ge­ment domi­née par les méthodes de contra­cep­tion (53 %), l’amour, l’affection et la ten­dresse (47 %) puis la puber­té (43 %). En der­nier, on retrouve le plai­sir mas­cu­lin et l’anatomie mas­cu­line (8 %) tan­dis que son pen­dant fémi­nin est évo­qué par 15 % des parents. 

L’enquête révèle aus­si que si les parents sont à l’aise avec les notions d’amour, de contra­cep­tion et de puber­té, ils·elles le sont moins avec avec les dan­gers des vio­lences sexuelles. Seuls trois parents sur dix en parlent à leurs enfants : 35 % à leurs filles, 28 % à leurs fils. Même chose avec le consen­te­ment, évo­qué à 37 % avec les filles et 32 % avec les gar­çons. Et trois parents sur dix ont peur ou auraient peur de par­ler de sexua­li­té avec leurs enfants, par crainte de les « cho­quer ». On observe une dif­fé­rence par­mi eux·elles : 42 % des parents entre 25–34 ans ont peur de cho­quer leurs enfants, alors qu’ils·elles ne sont que 23 % chez les 65 ans et plus. « Il est plus dif­fi­cile de par­ler de sexua­li­té avec des jeunes enfants qu'avec des ado­les­cents qui ont pu déjà expé­ri­men­ter leur sexua­li­té, observe Éléonore Quarré, direc­trice conseil chez OpinionWay, auprès de Causette. C'est une autre manière de leur en par­ler qui peut faire peur voir tota­le­ment rebu­ter des jeunes parents. »

Quels sujets en priorité ? 

Le son­dage s’est éga­le­ment pen­ché sur les sujets que l’on doit avant tout abor­der dans les cours d’éducation à la vie sexuelle et affec­tive à l’école. Les trois sujets qui reviennent le plus dans les réponses des interrogé·es (plu­sieurs réponses étaient pos­sibles) sont le prin­cipe du consen­te­ment (50%), les méthodes de contra­cep­tion (45 %) et les dan­gers des vio­lences sexuelles (44 %). Les parents se sen­ti­raient fina­le­ment plus à l’aise que ce sujet soit abor­dé dans le cadre de l’école. L’enquête pointe cepen­dant une simi­li­tude avec le cadre de la mai­son : le plai­sir fémi­nin (15 %) et le plai­sir mas­cu­lin (13 %) tiennent là-​aussi le bas du clas­se­ment des sujets à évo­quer en prio­ri­té à l’école. 

L’étude s’est inté­res­sée aux jeunes filles vic­times de vio­lences au sein des écoles en posant la ques­tion sui­vante aux parents d'enfants de moins de 18 ans : « De ce que vous en savez, dans l’établissement sco­laire fré­quen­té́ par vos enfants, y a‑t-​il ou non des jeunes filles qui ont été vic­times de cha­cune des formes de vio­lences phy­siques, psy­cho­lo­giques ou sexuelles ? » En tout, 33 % des parents de mineur·es rap­portent au moins une forme de vio­lences envers des jeunes filles dans l’établissement de leurs enfants. Pour 21 %, cette vio­lence prend la forme de sexisme, de har­cè­le­ment sexuel (16 %), de vio­lences conju­gales de la part d’un petit ami (12%) et/​ou d’agressions sexuelles (12%). 

Pour mieux com­prendre le pro­fil des interrogé·es, l’étude s’est pen­chée sur leur vécu par rap­port à leur couple et à leur sexua­li­té. Deux interrogé·es sur dix trouvent nor­mal d'accepter des pra­tiques sexuelles qui leur déplaisent afin de satis­faire leur par­te­naire. Le son­dage révèle un autre chiffre, de taille : 47% des jeunes femmes en couple ayant entre 18 et 24 ans se demandent si elles ne subissent pas des vio­lences phy­siques, psy­cho­lo­giques ou sexuelles au sein de leur couple. Un chiffre qui tombe à 8 % pour les femmes ayant 65 ans et plus. Un écart géné­ra­tion­nel qui s'explique selon Éléonore Quarré par « un chan­ge­ment de para­digme ». Selon elle, « les anciennes géné­ra­tions ont ten­dance à davan­tage tolé­rer et accep­ter un état de vio­lence, tan­dis que les nou­velles géné­ra­tions se posent davan­tage la ques­tion de savoir si ce qu'elles vivent est tolé­rable. Elles contestent davan­tage ces vio­lences et c'est un bon signal. »

Lire aus­si I Le col­lec­tif #NousToutes pointe l’insuffisance des séances d’éducation à la sexua­li­té au col­lège et au lycée

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  1. La Maison des femmes de Saint-​Denis est un lieu de prise en charge unique des femmes en dif­fi­cul­té ou vic­times de vio­lences.[]
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