Disponible dès aujourd’hui sur Arte, ce documentaire dresse le portrait de quatre dessinatrices venues de quatre pays du monde arabe.
Dix ans après le début des Printemps arabes, à Casablanca, à Tunis, à Beyrouth et au Caire, le temps des revendications est loin d’être passé… surtout pour les femmes. Les réalisatrices Éloïse Fagard et Lizzie Treu dressent ainsi les portraits croisés de quatre femmes qui ont choisi le dessin comme moyen d’expression et de contestation. Leurs mots et leurs coups de crayon continuent de faire vivre les demandes de liberté et de justice réclamés pendant ces mouvements.
Zainab Fasiki dénonce notamment les inégalités femme-homme grâce à la superhéroïne qu’elle a fait naître sur ses planches. Une femme géante, nue, qui parcourt les rues de Casablanca. Une « féministe dans une société patriarcale », explique-t-elle. Le documentaire présente également une autre superhéroïne, Qahera, de la dessinatrice égyptienne Deena Mohamed, qui, elle, porte l’abaya « car c’est comme ça que sont la majorité des femmes ici ». Une autre manière de « casser les clichés sur les femmes musulmanes », précise l’artiste. À Tunis, la contestation prend la forme d’un chat malicieux, né sous la plume de Willis from Tunis, qui critique notamment les islamistes et leur vision rétrograde des femmes tunisiennes.
Le dessin, moyen d’expression contestataire pour les femmes
Toutefois, si Willis from Tunis a choisi un pseudonyme, c’est qu’elle sait ce que risque une femme qui dessine et qui s’exprime. « 2011 a été un changement total : du jour au lendemain, j'ai pu m’exprimer sans censure […], mais je garde l’anonymat, car je ne crois pas aux promesses », regrette-t-elle. Un sentiment partagé par Zainab Fasiki, qui reçoit des insultes et des menaces pour ses dessins. « Ici, la femme artiste est considérée comme une pute », explique la jeune femme.
La bande dessinée, c’est « un moyen de s’exprimer à portée de main, une forme d’empowerment », explique Lena Merhej, dessinatrice libanaise. Le documentaire d’Arte montre l’essor de ce moyen d’expression, dans un milieu d’ordinaire très masculin, qui devient un outil pour faire entendre les voix des femmes dans ces sociétés conservatrices.
Portraits de quatre villes en mouvement
Séances de rap sur les toits de Casablanca, graffitis dans les rues de Tunis, bâtiments en ruine à Beyrouth… À travers ces dessinatrices, Crayon au poing peint également le portrait de quatre villes du monde arabe. C’est notamment le cas pour Lena Merhej qui, dans son œuvre, dessine le Beyrouth d’avant l’explosion du port, en août 2020, pour « se réapproprier la ville ».
Le documentaire est une véritable balade urbaine rythmée par des musiques emballantes, où l’on découvre les quatre villes grâce à de vraies images entrecoupées de dessins qui s’animent sur les bâtiments. Crayon au poing ouvre les portes de l’univers des dessinatrices, de leurs engagements et de leur villes.
À voir sur arte.tv.