L’une a trouvé sa voiture sabotée, un autre reçoit des menaces de mort, quand certaines craignent d’être surveillées ou agressées… En France, les journalistes qui s’intéressent d’un peu trop près aux dérives de l’agriculture intensive ou aux scandales environnementaux subissent pressions et intimidations croissantes.
Ce vendredi 24 mars, dans la petite commune de Glomel (Côtes‑d’Armor), Morgan Large prend le volant de sa voiture, quand elle est alertée par un bruit inquiétant. Le garagiste n’a pas à chercher bien loin : l’une de ses roues a été déboulonnée. Encore. Deux ans plus tôt, cette journaliste de Radio Kreiz Breizh avait été victime du même sabotage. Le point d’orgue d’une campagne d’intimidation lancée quelques mois auparavant, au cours de laquelle elle avait eu droit à des appels nocturnes, retrouvé son chien empoisonné, trouvé les portes des locaux de sa radio forcées… Manifestement, ses enquêtes sur le système agro-industriel breton et ses fermes usines gigantesques dérangent. Surtout depuis qu’elle a témoigné dans le documentaire Bretagne : une terre sacrifiée, diffusé sur France 5 en novembre 2020.
« Mon travail était jusqu’alors resté assez confidentiel. Je pense que la visibilité donnée par cette diffusion télé, suivie par un million de téléspectateurs, a été insupportable pour certaines personnes, dont elle gêne les intérêts », analyse-t-elle rétrospectivement. En dévoilant les conséquences de l’agrobusiness en Bretagne, première région agroalimentaire en Europe, cette fille du cru s’attendait certes à se faire « interpeller », voire « engueuler » à l’occasion. Mais voir sa vie menacée, non. « Quand j’ai appelé Reporters sans frontières après avoir trouvé l’une de mes roues déboulonnée, ils m’ont dit : "Ça, on ne le voit que dans les Balkans, pas en France" », résume-t-elle, encore sous le choc de ce deuxième sabotage.