Dans une étude analysant des millions de tweets relatifs au changement climatique, le CNRS montre que depuis cet été, les discours climatosceptiques se structurent sur le Twitter francophone… Et sont souvent liés à des discours antivax et pro-Poutine.
C'est pas qu'ils soient plus nombreux, mais c'est que leur ramdam a un grand pouvoir de nuisance. « Les discours sur Twitter des communautés dénialistes [synonyme de climatosceptique, ndlr] et technosolutionnistes freinent probablement la dissémination des connaissances scientifiques et des conclusions du GIEC en agissant de manière négative sur l’activité en ligne des scientifiques » en France, affirme le rapport Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme. Publié lundi 13 février, il a été réalisé par l'Institut des systèmes complexes Paris Île-de-France, rattaché au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) grâce au Climatoscope, un outil qui a analysé les millions de tweets qui, ces deux dernières années, ont évoqué le réchauffement climatique.
Ses conclusions ont de quoi alarmer : « Une importante communauté dénialiste française s’est structurée à l’été 2022 sur Twitter » écrivent ses auteurs, David Chavalarias, Paul Bouchaud, Victor Chomel et Maziyar Panahi. Au moment même des gigantesques incendies qui ont ravagé la côte ouest du pays, donc, avec 66 000 hectares partis en fumée sur l'ensemble du territoire. L'étude montre qu'après une période où la pandémie de Covid a « détourné l'opinion publique des questions relatives au changement climatique », les échanges sur le sujet ont repris de plus belle avec, au niveau mondial, « environ 30% de climato-denialistes parmi les comptes Twitter qui abordent les questions climatiques ».
Astroturfing
Pourquoi ces comptes sont-ils particulièrement nuisibles ? Parce que, contrairement aux experts de la communauté pro-climat qui « concentrent leurs prises de parole sur un sujet spécifique, leur domaine d’expertise », la communauté dénialiste ne s'embarrasse pas de ces précautions et fait feu de tout bois : « Un noyau dur de comptes qui s’expriment sur une multitude de sujets, concentrent une présumée expertise et fabriquent la majorité des narratifs en circulation », analyse l'étude.
Une autre arme est à disposition des climatosceptiques dans cette guerre d'influence : l'astroturfing, soit « la stratégie consistant à faire croire en l’adhésion d’une foule à une cause par la création d’une foule factice ». Concrètement, la communauté climatosceptique est artificielle gonflée par des comptes « probablement bots », avec une proportion de comptes inauthentiques au sein de la communauté dénialiste française « 2,8 fois supérieure à celle de la communauté française du GIEC ». D'où la question soulevée par les chercheurs : « Le regain de popularité du dénialisme est-il réellement porté par la population ou est-il le résultat d’une mise à l’agenda inauthentique par certains acteurs ? »
Complotistes
Enfin, l'étude dessine les contours de ces « acteurs » : elle montre en effet des liens entre l'idéologie climatosceptique et celles « antivax » et « pro-Poutine ». Qui n'ont pas peur d'employer des méthodes pouvant constituer du cyberharcèlement : « La communauté dénialiste produit ou relaie 3,5 fois plus de messages toxiques que la communauté GIEC », indiquent les chercheurs. Ces messages toxiques correspondent à des « obscénités, des insultes, des menaces, des attaques sur le genre ou la religion ». De la même manière, le rapport observe des liens de proximité de ces comptes avec un seul parti politique : celui de Reconquête !, avec « une proportion non négligeable de comptes impliqués dans la sphère informationnelle du parti d'extrême droite ».
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