Ce jeudi, neuf librairies féministes et engagées à Paris, Lille, Lyon, Massy, Nantes et Toulouse ont affiché le collage « Qui sème l'impunité récolte la colère », en soutien aux Parleuses à Nice, dont les collages féministes en vitrine ont été cachés lors de la visite de Gérald Darmanin la semaine dernière.
« On est très en colère et déterminées ! » Sur un air de chansons de Noël, qui passent en boucle dans la petite librairie féministe parisienne Un livre et une tasse de thé, les deux responsables, Annabelle Chauvet et Juliette Debrix, sont remontées. Quelques jours après que des collages féministes et le livre Impunité de la journaliste Hélène Devynck ont été cachés par un drap noir tenu par des policiers, sur la devanture des Parleuses à Nice lors de la venue de Gérald Darmanin, neuf confrères et consœurs féministes et engagé·es ont décidé d'afficher leur soutien. Ce jeudi à Paris, Lille, Lyon, Massy, Nantes et Toulouse, le message « Qui sème l'impunité récolte la colère », censuré à Nice, a été collé en lettres noires sur papiers blancs sur ces lieux de culture.
Les patronnes de la librairie parisienne, qui font partie d'un groupe de discussion Instagram avec ces librairies depuis l'été dernier, racontent que cette action s'est décidée mercredi matin, sur une idée de Soazic Courbet, de l'Affranchie à Lille. Elles ont dessiné à la main chaque lettre l'après-midi et les ont affichées hier soir. « Nous avons été choquées par la censure qui s'est exercée à Nice. Les libraires des Parleuses ont été courageuses et nous voulions leur apporter du soutien », explique Juliette Debrix.
Pour sa collègue Annabelle Chauvet, « on ne peut censurer ni des livres, ni des libraires ». « Le monde du livre a connu une semaine apocalyptique, avec cette affaire mais aussi tout ce qu'il s'est passé autour de Bastien Vivès. C'est comme si certains artistes pouvaient dire ce qu'ils veulent, mais d'autres quand ils ont un certain message, comme Hélène Devynck, non », ajoute-t-elle.
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« Que la police vienne »
Mardi, les libraires des Parleuses et la journaliste Hélène Devynck, qui accuse de viol PPDA, ont saisi la justice. Leur « recours en annulation », déposé au tribunal administratif de Nice, vise le maire de Nice Christian Estrosi et le ministère de l’Intérieur. Il concerne les décisions administratives ayant mené à l’entrave de l’accès à la librairie, et à la pose d’un drap noir sur ses vitrines « en vue de cacher les collages militants placés à l’intérieur ainsi que les exemplaires du livre Impunité dont il était fait la promotion ». Livre signé par Hélène Devynck, et retraçant l'omerta sur l'affaire PPDA. Les collages, quant à eux, faisaient référence à l'affaire Sophie Patterson-Spatz, du nom de cette femme qui accuse le ministre de l'Intérieur de viol et a récemment fait appel d'un non lieu sur le sujet.
Lorraine Questiaux, l'avocate des libraires, estime dans ce document, selon Mediapart, que cela a porté atteinte, d’une part, « à l’exercice de la liberté d’expression [de la librairie] en censurant les messages figurant en vitrine », et, d’autre part, « à l’exercice de sa liberté de commerce, puisque l’opération de police s’est soldée par une fermeture forcée de l’établissement durant plusieurs heures ».
Si Annabelle Chauvet et Juliette Debrix avaient « un peu la boule au ventre » en venant travailler ce matin, les deux libraires sont déterminées à laisser leur message aussi longtemps que nécessaire sur leur vitrine. « Que la police vienne », lancent-elles avec détermination.