La crise sanitaire et le confinement font vivre à notre génération un moment historique, de ceux que les générations futures voudront qu’on leur raconte. Mais derrière le politique et au-delà de la réflexion sur la société d’après se trament
des chamboulements plus intimes.

« À la sortie de tout ça, je plaque mon job et j’ouvre un gîte en Ardèche, souffle Emma*, entre deux lampées de bière d’un Skype apéro. Rigolez pas, c’est vrai. » Ruptures amoureuses, envies de nouveaux métiers, projets d’installation à la campagne…, des chamboulements intérieurs traversent toutes les personnes qui ont témoigné dans cet article, et cela n’étonne pas Claire Marin, la philosophe autrice du retentissant essai Rupture(s), paru en mars 2019 aux éditions de L’Observatoire. « Chaque épreuve ou crise peut être soit une expérience très angoissante, avec un effet de sidération, soit un moment de distance critique et de réflexion sur la vie dans laquelle on est parfois un peu pris sans avoir le temps de la questionner, analyse-t-elle. Ce moment particulier et vécu par tous provoque pour beaucoup d’entre nous une réévaluation de ce qui nous est tolérable ou pas, il a un effet grossissant sur des problématiques latentes. » Ou révélateur de réalités qu’on s’était défendu de regarder en face jusqu’à présent.
Déclencheur de ruptures
Naomi a atteint un point de non-retour quand son compagnon, avec qui elle venait de se pacser, a décidé d’aller se confiner… chez ses parents, à l’autre bout de la France. Sans elle, donc. « Je n’ai pas ‑compris sa décision. Lui non plus d’ailleurs… Mais il était trop tard, soutient la professeure de SVT de 24 ans. Mes rêves d’avenir avec lui se sont brisés, ma confiance et mon amour pour lui ont disparu. J’ai décidé de rompre après une semaine de réflexion intense, seule dans mon appartement. » Pour Claire Marin, la rupture amoureuse dans ce contexte est a priori un mal[…]