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Joie, com­mu­nion et reven­di­ca­tions… Des per­sonnes LGBTQI et un allié nous racontent leur pre­mière Marche des fiertés

À l’occasion de l’édition 2022 de la Marche des fier­tés pari­sienne, qui se tient ce same­di, plu­sieurs per­sonnes LGBTQI et un allié par­tagent leurs sou­ve­nirs de leur toute pre­mière Pride. 

Il y a des évé­ne­ments qui marquent la vie d’une per­sonne LGBTQI. Les pre­mières inter­ro­ga­tions sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Les pre­miers coming-​out. Les pre­mières sor­ties dans des lieux sûrs. Les pre­miers regards de tra­vers, les pre­mières insultes aus­si. Mais sur­tout, les pre­mières Marches des fier­tés, moment de com­mu­nion et de visi­bi­li­té sans pré­cé­dent. À l’occasion de l’édition 2022 de la Pride pari­sienne ce same­di, qui n’avait pas pu avoir lieu en 2020 et s’était dérou­lée sans char en 2021, Causette donne la parole à des per­sonnes LGBTQI et à un allié pour racon­ter la pre­mière fois qu’iels se sont rendu·es dans une telle manifestation.

Léolio, 18 ans, homme trans

“J’habite à Rennes, mais je me suis ren­du le dimanche 19 juin à la deuxième édi­tion de la Pride radi­cale de Paris, avec un groupe de dix amis. Cela fai­sait quelques années que je sou­hai­tais par­ti­ci­per à une Marche des fier­tés. J’ai su que j’étais trans autour de mes 14–15 ans. Mais, au début, mes parents me trou­vaient trop jeune pour y aller et je ne vou­lais le pas faire dans leur dos. À d’autres moments, j’ai eu des empê­che­ments, comme une visite d’appartement. Donc cette année, je ne vou­lais abso­lu­ment pas man­quer un tel évé­ne­ment. Mes amis allaient à la Pride radi­cale, qui était en accord avec mes valeurs. Car le mot d’ordre est « pas d’entreprise ni de police dans nos luttes ». Je fais par­tie d’un cou­rant plus radi­cal, anti­po­lice et anti­ca­pi­ta­liste.
La Pride radi­cale a été une très bonne expé­rience, mal­gré la cha­leur qui a ren­du la marche un peu com­pli­quée. J’ai déjà par­ti­ci­pé à d’autres évé­ne­ments queer. Je savais ce que c’était que d’être en com­mu­nau­té. Mais il y avait vrai­ment quelque chose de spé­cial dans le fait d’être visible et de s’approprier la rue. En par­ti­cu­lier à Paris. Être entou­ré des gens que j’aime et qui me res­semblent repré­sente quelque chose de très fort. J’ai res­sen­ti un sen­ti­ment de puissance. 

Je me sou­viens d’un moment mar­quant lorsque les cor­tèges se sont mis en place. Le cor­tège trans était en début de marche. La foule qui atten­dait de savoir où se posi­tion­ner s’est sépa­rée en deux pour lais­ser les per­sonnes trans pas­ser. Je me suis retrou­vé avec tous mes amis, armé de mon dra­peau, à pas­ser au milieu de gens qui criaient et nous applau­dis­saient. J’ai mis quelques secondes à com­prendre qu’on nous applau­dis­sait. Au milieu de cette haie d’honneur, j’ai vécu un très fort moment de vali­da­tion de mon iden­ti­té et de fier­té. 
Parmi mes amis, j’étais la seule per­sonne pour qui il s’agissait de la pre­mière Pride. Je ne me suis pas trop mis la pres­sion, j’ai vou­lu vivre la chose à 100 %. Ils étaient très fiers que j’y par­ti­cipe. Mes parents étaient éga­le­ment contents pour moi. Ils ont pris des nou­velles, je les ai eus au télé­phone, ma mère m’a même deman­dé des pho­tos ! 
Pour moi, la Marche des fier­tés repré­sente la pos­si­bi­li­té de reprendre un espace public duquel on est sou­vent chas­sés ou effa­cés. De ne pas faire de conces­sions sur son iden­ti­té même si cela choque. De trou­ver une seconde famille. Et de se sen­tir entou­ré et aimé. Je m’étais spé­cia­le­ment habillé pour l’occasion : je por­tais un super short noir, un bin­der [une sorte de bras­sière per­met­tant de com­pres­ser la poi­trine, ndlr] avec un scotch spé­cial pour don­ner l’apparence d’une poi­trine plate. J’ai pu me mettre torse nu dans les rues de Paris avec un dra­peau trans que je por­tais comme une cape de super­hé­ros. C’était incroyable ! J’ai envie de par­ti­ci­per à une Pride tous les ans main­te­nant, que ce soit à Rennes, Nantes ou Paris.”

Morgane, 19 ans, bisexuelle
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© M. C.

“Presque trois ans après mon pre­mier coming-​out, je me suis ren­due à la Marche des fier­tés de Rennes, le 4 juin der­nier, avec deux alliés, ma cou­sine et mon copain. J’étudie la com­mu­ni­ca­tion à Caen, mais une par­tie de ma famille et mon petit ami habitent à Rennes et c’est une ville qui me res­semble : elle est de gauche, très mili­tante, notam­ment pour les droits des per­sonnes LGBT+ et les femmes. Je n’avais pas encore fait de Pride, car je crois que je n’étais pas assez infor­mée, il y a trois ans, sur les pro­blèmes que la com­mu­nau­té LGBT+ ren­contre. Je n’étais pas non plus encore très mili­tante, ce qui a chan­gé depuis.
Quand on est arri­vés, la Marche avait déjà débu­té. C’est dom­mage, car ils dis­tri­buaient des dra­peaux avant le départ du cor­tège. Tout s’est très bien pas­sé. Il n’y a pas eu de groupes anti-​LGBT comme pour la Pride de Bordeaux. Je me suis sen­tie en sécu­ri­té et en com­mu­nion avec les autres per­sonnes pré­sentes. À tra­vers les nom­breuses pan­cartes, il y avait vrai­ment des mes­sages d’espoir et de soli­da­ri­té. J’ai appré­cié ce sen­ti­ment de liber­té de pou­voir être qui je veux, sans aucun juge­ment. Tout le monde était beau et heu­reux. Au cours de la marche, on a réus­si à se rap­pro­cher du pre­mier char. Il jouait de la musique tech­no. Tout le monde s’est mis à bou­ger et à dan­ser, c’est une belle image que je n’oublierai pas.
En me ren­dant à la Pride, je vou­lais pou­voir dénon­cer les sté­réo­types qui existent encore sur la bisexua­li­té, et dire haut et fort que ce n’est pas une phase, que je ne me cherche pas, comme cer­tains le pensent. Ce n’est pas parce que je sors avec un homme que je suis for­cé­ment hété­ro. Je sou­hai­tais por­ter un mes­sage d’espoir, dire qu’on est là et qu’on va se battre. Mon copain était d’ailleurs très content d’être là et de me voir épa­nouie.
La Marche des fier­tés occupe un rôle encore impor­tant aujourd’hui, car les membres de la com­mu­nau­té LGBTQ+ subissent des dis­cri­mi­na­tions. Les per­sonnes trans et inter­sexes en par­ti­cu­lier. Des cli­chés nous collent à la peau, on est agres­sés, il faut que ça change et que le gou­ver­ne­ment entende nos reven­di­ca­tions. Et ça passe for­cé­ment en par­tie par la Marche. Cette pre­mière Pride me conforte dans l’idée de conti­nuer à mili­ter pour nos droits à toutes et à tous. J’y par­ti­ci­pe­rai jusqu’à ce qu’on ait réglé tous nos problèmes !”

Pauline, 25 ans, femme trans

“Un an après mon coming-​out trans, j’ai par­ti­ci­pé à ma pre­mière Marche des fier­tés, à Paris, en 2016, avec la per­sonne qui est aujourd’hui ma com­pagne. À l’époque, on venait tout juste de se mettre ensemble. J’étais à peine majeure, je me lan­çais dans les études supé­rieures dans la capi­tale et il s’agissait de la pre­mière fois que j’avais la liber­té de la faire. Avant, j’habitais en ban­lieue pari­sienne et je n’avais pas for­cé­ment envie de deman­der à mes parents de m’y ame­ner. 
En un mot, c’était super ! Je me sou­viens avoir res­sen­ti de l’excitation et un peu d’angoisse parce que je ne savais pas com­ment ça allait se pas­ser. C’est un peu comme quand on arrive à une soi­rée et qu’on ne connaît pas beau­coup de monde. Mais très vite, tout se passe bien. L’ambiance est bien­veillante, il fait beau, c’est la fête. Tout le monde se fait des câlins. On se rend enfin compte que l’on n’est pas tout seul. On a l’impression de trou­ver une grande famille et que rien ne peut nous arrê­ter. On se sent un peu invin­cible.
Pendant la marche, je me sou­viens que j’avais fait un sel­fie avec ma com­pagne. On a tou­jours cette pho­to­gra­phie, qui est impri­mée sur des cous­sins. Il s’agit vrai­ment d’un moment où je me suis enfin sen­tie out, une espèce de shot d’adrénaline et de liber­té. Ça a mar­qué une rup­ture. Quand on est une per­sonne trans, on se limite par­fois concer­nant notre appa­rence, dans le sens où on ne peut pas tou­jours s’habiller ou se maquiller comme on veut. Là, j’avais des faux ongles, j’étais très maquillée, je por­tais un mini-​short, un débar­deur et de grandes chaus­settes mon­tantes arc-​en-​ciel. On se sent ano­nyme alors qu’on est dans une tenue super voyante. On se dit que si on a fait ça, on peut main­te­nant tout faire. On fait sau­ter de nom­breuses bar­rières qu’on se met en tant qu’individus. On débloque quelque chose men­ta­le­ment.
Depuis, j’ai fait deux autres Marches des fier­tés à Paris. Une avec des amis et l’autre avec le club LGBT+ de mon ancienne école. Pour moi, la Pride repré­sente un lieu d’expression unique. Le fait d’avoir dans l’espace public, en juin, dans plein de villes dif­fé­rentes, des gens dans la rue, c’est une démons­tra­tion de force pour dire : « On est comme ça et on est par­tout. » La rue est à nous pen­dant une mani­fes­ta­tion. On impose notre pré­sence. On met en avant notre musique, nos sous-​cultures, nos artistes. Il s’agit d’un moment col­lec­tif très fort et très utile. Il le res­te­ra pen­dant encore long­temps. Sinon on ne nous prend pas au sérieux. On nous dit qu’on n’existe pas ou seule­ment à la télévision."

Nicolas, 26 ans, allié
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© N. J.

“Je me suis ren­du à la Pride de Lyon le 11 juin der­nier. J’avais déjà cou­vert une Marche des fier­tés en tant que jour­na­liste, mais je n’y avais jamais par­ti­ci­pé en tant que per­sonne lamb­da. J’imaginais qu’il s’agissait d’un moment fes­tif, mais je n’avais pas d’amis inté­res­sés. Cette année, un ami du lycée a fait son coming-​out. Je l’accompagne régu­liè­re­ment dans des bars ou des boîtes gays. Il m’a pro­po­sé d’aller pour la pre­mière fois avec d’autres amis à la Pride. C’était donc aus­si nou­veau pour lui que pour moi.
La Pride de Lyon est inter­sec­tion­nelle et reven­dique une dimen­sion sociale : on est donc par­tis de Villeurbanne, une ville de la métro­pole lyon­naise, et non du centre de Lyon. Il y avait une super ambiance, tout le monde avait le sou­rire. Je me sou­viens qu’il exis­tait une véri­table ori­gi­na­li­té dans la manière dont les gens étaient habillés, avec plein de cou­leurs, des looks impro­bables… Cette excen­tri­ci­té assu­mée fai­sait plai­sir à voir. En dis­cu­tant avec les gens autour de nous, je me suis ren­du compte que cha­cun était venu pour des rai­sons dif­fé­rentes. Pour cer­tains, il s’agissait d’un moment très poli­tique, pour d’autres d’un ras­sem­ble­ment fes­tif. Tout le monde y trouve son compte. Mes amis étaient contents. Ils étaient dans une forme d’émerveillement de voir toutes ces per­sonnes, de dif­fé­rentes sen­si­bi­li­tés et toutes ces pan­cartes très humo­ris­tiques.
Personnellement, j’y allais à la fois pour le côté fes­tif et le côté poli­tique. Je trou­vais impor­tant de gros­sir le cor­tège pour mon­trer la pré­sence des per­sonnes LGBT+ dans l’espace public. Il faut se battre, car leurs droits ne sont pas garan­tis dans notre socié­té aujourd’hui. 
Je pense que la Marche des fier­tés est essen­tielle pour mon­trer que tout le monde a le droit d’exister dans l’espace public. Il est aus­si impor­tant d’avoir une Pride repré­sen­ta­tive de la diver­si­té de la com­mu­nau­té LGBT+. Je me ver­rais bien y aller tous les ans. Mais pour les pro­chaines, on s’y pré­pa­re­ra un tout petit peu plus. Car là, on ne s’était ni habillés spé­cia­le­ment ni maquillés. On fai­sait presque trop sobres au milieu du cortège !”

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