Alors qu’on n’est pas encore débarrassées de l’inégalité salariale ni des obstacles aux promotions pénalisant les femmes, un autre mur invisible, bien plus insidieux, pourrit le quotidien de beaucoup d’entre nous au boulot : le syndrome d’imposture. Un sentiment d’illégitimité, qui, s’il n’est pas 100 % féminin, sabote bien plus la vie des femmes. Études à l’appui.
Sept ans que Kancou est diplômée d’une école de commerce française et d’une université britannique, deux ans et demi qu’elle est « cheffe de marché » dans une enseigne de meubles, six mois qu’elle refait la déco d’appartements, tout ça en suivant une formation et en tenant un blog artistique. Pourtant, en dépit de ce quotidien de warrior de l’aménagement intérieur, elle est loin de se voir comme la relève de Valérie Damidot. En pleine négociation d’un devis d’envergure, « j’ai commencé à me demander “pourquoi est-ce qu’on devrait me faire confiance ?” ou “est-ce que je ne veux pas aller trop vite ?” », confie Kancou. Comme elle, Clémence « se remet en cause en permanence ». Elle est première collaboratrice de l’un des directeurs des ressources humaines d’une « grande boîte d’aéronautique », à la tête d’une entité de « 35 000 personnes à travers le monde ». Elle n’a même pas eu à postuler pour ce job prestigieux. On est directement venu lui offrir. Sa première réaction ? « Il y a erreur, je ne vois pas pourquoi on me propose ça à moi. » Deux ans après, ses collègues la voient « déjà monter » à un grade de cheffe. Elle se dit « non, impossible » et préfère « attendre quelques années ».
Un concept formalisé dans les années 1970
Dans la vie pro de ces femmes, entre le tableau extérieur – la réussite – et le tableau intérieur – un doute injustifié – réside un phénomène dont on (re)découvre l’envergure : le syndrome d’imposture. Viennent de paraître plusieurs livres sur le sujet. Le Syndrome d’imposture. Pourquoi les femmes manquent tant de confiance en elles ? (éd. Les Arènes), de la réalisatrice Élisabeth Cadoche et la psychothérapeute Anne de Montarlot, ainsi qu’une réédition du Manuel de survie à l’usage des working girls (éd. Autrement), de la journaliste spécialiste du genre au New York Times, Jessica Bennett. Le sujet fait aussi, depuis quelques années, l’objet de[…]