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© Gustave Deghilage / Openverse

Violences faites aux femmes : l’Union euro­péenne légi­fère mais renonce à une défi­ni­tion com­mune du viol

Sous pres­sions de la France, de l’Allemagne et de la Hongrie, l’Union euro­péenne va enté­ri­ner, ce mar­di, un texte com­mu­nau­taire contre les vio­lences faites aux femmes sans que la notion d’absence de consen­te­ment appa­raisse dans la défi­ni­tion du viol.

C’est l’histoire d’un échec annon­cé. Une ultime séance de négo­cia­tions euro­péennes se tient mar­di sur une pre­mière direc­tive contre les vio­lences faites aux femmes, qui ne devrait tou­te­fois pas concer­ner le viol, en rai­son de l’opposition d’une par­tie des États membres, dont la France et l’Allemagne.

“Cette direc­tive sera un pas en avant, même si ce ne sera pas le pas de géant que nous, du côté du Parlement et des groupes pro­gres­sistes, aurions vou­lu voir”, a décla­ré à l’AFP l’eurodéputée sué­doise Evin Incir (groupe socia­liste et démo­crates), l’une des négociatrices.

Des dis­cus­sions sont en cours depuis plu­sieurs mois à Bruxelles autour de ce texte, qui vise notam­ment à rap­pro­cher les légis­la­tions et la réponse pénale des vingt-​sept pays membres sur les muti­la­tions géni­tales, le mariage for­cé, la divul­ga­tion de vidéos intimes, le har­cè­le­ment en ligne. Mais la ques­tion du viol s’est avé­rée la plus controversée.

Le pro­jet, tel que pré­sen­té le 8 mars 2022 par la Commission, pré­voit dans son article 5 une défi­ni­tion du viol fon­dée sur l’absence de consen­te­ment. Le Parlement euro­péen et des pays comme la Belgique, l’Espagne, la Grèce, la Suède et l’Italie sont sur la même ligne.

Mais une dou­zaine d’États membres, notam­ment la France, l’Allemagne et la Hongrie, s’opposent à ce que le viol soit inclus dans la légis­la­tion, esti­mant que l’UE n’a pas de com­pé­tence en la matière. L’eurodéputée fran­çaise Nathalie Colin-​Oesterlé (groupe Parti popu­laire euro­péen, démocrates-​chrétiens), regrette que cette direc­tive soit réduite à “une demi-​loi”. “Je trouve cela ter­rible, explique-​t-​elle à l’AFP. Aujourd’hui, avec une défi­ni­tion res­tric­tive du viol dans cer­tains États membres, dont la France, il n’y a que peu de plaintes qui abou­tissent. Le sujet, c’est d’élargir le champ de la preuve.”

"Inacceptable"

Douze ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont récem­ment jugé "inac­cep­table que cer­tains Etats membres s'obstinent à ne pas répondre à la néces­si­té de lut­ter contre le viol dans l'ensemble de l'UE, en se retran­chant der­rière des inter­pré­ta­tions juri­diques res­tric­tives des com­pé­tences de l'UE". "Les défi­ni­tions fon­dées sur le consen­te­ment ont prou­vé qu'elles garan­tis­saient une meilleure pro­tec­tion et un meilleur accès à la jus­tice" aux vic­times, affirment-elles.

Lire aus­si l Directive euro­péenne sur la défi­ni­tion du viol : Amnesty International et le Planning fami­lial jouent leur va-​tout pour faire bou­ger la France

Le pré­sident Emmanuel Macron, qui a fait de la lutte contre les vio­lences faites aux femmes une “grande cause” de son quin­quen­nat, a été inter­pel­lé sur ce blo­cage par des élu·es jusqu’au sein de sa famille poli­tique. En Allemagne, cent onze femmes (mili­tantes fémi­nistes, artistes, jour­na­listes…) ont aus­si récem­ment écrit au ministre de la Justice, Marco Buschmann, à ce sujet.

“Macron, Buschmann et (le Premier ministre hon­grois Viktor, ndlr) Orban nous empêchent d’avoir une légis­la­tion sur le viol basée sur l’absence de consen­te­ment”, a dénon­cé Evin Incir, les accu­sant de “se tenir du mau­vais côté de l’histoire”.

La défi­ni­tion du viol dif­fère selon les pays de l’UE. En France, par exemple la loi défi­nit ce crime comme une péné­tra­tion sexuelle ou un acte bucco-​génital com­mis sur une per­sonne avec vio­lence, contrainte, menace ou sur­prise, sans que la notion de non-​consentement soit men­tion­née explicitement.

Pour la France et l'Allemagne, ce crime n'a pas la dimen­sion trans­fron­ta­lière néces­saire pour être consi­dé­ré comme un "euro­crime" sus­cep­tible de don­ner lieu à une har­mo­ni­sa­tion euro­péenne. Ces pays estiment qu'il y a un risque que le texte soit reto­qué en cas de recours devant la jus­tice euro­péenne. Ce que contestent le Parlement euro­péen et la Commission, qui consi­dèrent que le viol peut entrer dans le cadre de l'"exploi­ta­tion sexuelle des femmes", qui fait par­tie des "euro­crimes".

Les tenants d'une défi­ni­tion har­mo­ni­sée du viol pre­nant en compte la notion de consen­te­ment font aus­si valoir qu'elle est conforme à la Convention d'Istanbul sur la pré­ven­tion et la lutte contre la vio­lence à l'égard des femmes, rati­fiée par l'UE.

Devant l'absence de pers­pec­tive d'accord sur l'inclusion du viol dans la direc­tive, les euro­dé­pu­tés ont pro­po­sé que le texte contienne au moins une "obli­ga­tion pour les Etats membres d'œuvrer en faveur d'une culture fon­dée sur le consen­te­ment, par le biais de manuels sco­laires, de cam­pagnes de sen­si­bi­li­sa­tion spé­ci­fiques", explique Evin Incir.

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