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Séance publique au Sénat, le 1er février © Capture d'écran de la vidéo du Sénat

IVG dans la Constitution : com­ment le Sénat a amoin­dri la por­tée de la pro­po­si­tion de loi

Mercredi soir, on a appris que le Sénat avait voté une ver­sion amen­dée de la pro­po­si­tion de loi visant à inté­grer l'IVG dans la Constitution. Passé l'effet de sur­prise, l'analyse du texte oblige à révi­ser notre enthousiasme.

ÉDITO. En novembre, l'Assemblée natio­nale avait voté une pro­po­si­tion de loi La France insou­mise (LFI) pour garan­tir dans la Constitution le droit à l'IVG. Elle for­mu­lait la modi­fi­ca­tion du texte fon­da­men­tal en ces termes : « La loi garan­tit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volon­taire de gros­sesse. » Mercredi 1er février, le Sénat, à majo­ri­té de droite a – sur­prise ! – voté la pro­po­si­tion de loi.

Mais il l'a fait en la modi­fiant pro­fon­dé­ment, grâce à un amen­de­ment du séna­teur Les Républicains Philippe Bas qui fut un proche de Simon Veil. La nou­velle ver­sion du texte pro­pose de mettre à jour la Constitution comme suit : « La loi déter­mine les condi­tions dans les­quelles s’exerce la liber­té de la femme de mettre fin à sa gros­sesse. » Trois grandes dif­fé­rences opposent ces deux phrases. D'une part, le Sénat intro­duit la notion de « femme », ce qui exclut les hommes trans. 

Ensuite, le « droit » dis­pa­raît au pro­fit de la « liber­té ». « Une liber­té, c'est la facul­té de faire quelque chose, observe au micro de France inter Mathilde Philip-​Gay, pro­fes­seure de droit à l'Université Jean Moulin de Lyon. Le droit à l'IVG, c'est la garan­tie que si une per­sonne le sou­haite ou si c'est néces­saire, elle pour­ra pro­cé­der à une inter­rup­tion volon­taire de gros­sesse. » Philippe Bas l'a lui-​même expli­ci­té dans un entre­tien à Public Sénat : « Nous ne pou­vons pas accep­ter une sorte de droit abso­lu, indé­fi­ni, indé­ter­mi­né qui ne pos­tu­le­rait pas l’existence de condi­tions et de limites. Toute liber­té a ses condi­tions et ses limites, l’interruption volon­taire de gros­sesse aus­si, c’est ce qu’a vou­lu la loi Veil. »

Enfin, et c'est peut-​être le plus déce­vant, la loi ne « garan­tit » plus mais « déter­mine les condi­tions » seule­ment. Cela signi­fie que de futures lois pour­raient res­treindre ladite liber­té de recou­rir à l'IVG. Finalement, l'enjeu de pro­tec­tion inté­grale par la Constitution du droit à l'IVG a dis­pa­ru avec cette for­mu­la­tion un peu floue. Mais sans cette modi­fi­ca­tion, jamais le Sénat n'aurait voté le texte. En octobre, la chambre haute avait d'ailleurs reje­té une pro­po­si­tion de loi EELV simi­laire à celle LFI. 

Face à ce « oui » en demi-​teinte qui, pour certain·es sénateur·rices conservateur·rices, n'en est même pas un, il est plus que jamais per­ti­nent que le gou­ver­ne­ment se sai­sisse du dos­sier. Et pro­pose son propre pro­jet de loi pour modi­fier la Constitution et y ins­crire le droit à l'IVG. De cette manière, on évi­te­rait de pas­ser par un réfé­ren­dum final, pro­cé­dure longue… Et risquée.

Lire aus­si l Compromis : le Sénat vote l'inscription dans la Constitution de la « liber­té des femmes » à recou­rir à l'IVG

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